En ce qui concerne la rédaction de l'article 2219 du code civil, il n'est pas fait de choix entre des thèses bien connues en doctrine. Il est fait de la prescription un mode d'extinction d'un droit – article 2218 –, mais les articles 2224 et suivants appliquent la prescription à l'action en justice, réintroduisant des conflits de délais notamment pour les actions mixtes en matière immobilière.
Le point de savoir si la prescription éteint le droit lui-même ou simplement l'action est une question sujette à débat. Du reste le rapport fait au nom de la commission des lois du Sénat par M. Laurent Béteille reconnaît que l'article 2219 ainsi rédigé « ne précise pas clairement ce qui est éteint par la prescription : le droit en sus de l'action (conception “substantialiste”) ou seulement l'action en justice (conception “processualiste”). »
La définition retenue paraît trop restrictive, compte tenu du fait, notamment, que de multiples dispositions visent textuellement la prescription de l'action. La référence au droit semble mieux correspondre à la prescription acquisitive. Par ailleurs, la définition retenue suscite l'interrogation en ce qui concerne l'application des dispositions nouvelles à des matières où il est plus difficile de discerner un droit, particulièrement lorsqu'il s'agit des actions en nullité. Il serait donc plus précis d'ajouter que la prescription extinctive peut également être un mode d'extinction d'une action.
La rédaction de l'article 181 du code civil supprime quant à elle la référence au moment où l'époux victime d'un vice du consentement a acquis sa pleine liberté ou que l'erreur a été par lui reconnue, comme point de départ éventuel de l'action en nullité du mariage : or une telle suppression risque d'avoir pour conséquence, dans certains cas, que l'action soit prescrite avant que la victime n'ait pu agir. Il en va ainsi notamment de l'époux victime d'une violence qui ne cesserait que plus de cinq ans après le mariage. Il n'est en effet pas certain que la règle générale de l'article 2224 du code civil modifié par la présente proposition de loi, qui fixe le point de départ de principe au « jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer », permette de fixer le point de départ de l'action en nullité du mariage au jour de la cessation de la violence.
La modification de l'article 181 est d'autant plus regrettable que la règle générale énoncée en matière de conventions, selon laquelle la prescription « ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts », n'est pas modifiée.
En ce qui concerne, enfin, la question de la prescription en cas de discrimination, l'application en matière de discrimination du délai de prescription de droit commun et la proposition de texte présentée par M. le rapporteur, à partir de l'amendement Hyest adopté par le Sénat, ne résolvent pas toutes les questions posées par cette importante question des discriminations. Mon collègue Vidalies y reviendra au cours de son intervention.
En conclusion, ce texte important pour l'organisation de notre droit reste, après un examen attentif encore imparfait. Il constitue à nos yeux une réforme excessive du délai de droit commun de la prescription extinctive. Il faut se garder des comparaisons simplistes avec les droits voisins, notamment allemand ou anglais, qui comportent eux-mêmes de nombreuses exceptions à leur délai de droit commun. Sans oublier que de nombreux autres pays ont un délai de droit commun supérieur à cinq ans pour la prescription extinctive.
Cette réforme n'est pas adaptée à l'esprit français. Ne serait-elle pas liée à l'obsession de désengorgement des tribunaux ? La qualité de notre justice ne saurait être sacrifiée à des critères économiques. Ce texte est fait, en vérité, pour servir le droit des affaires : les individus et le droit des personnes en sont les grands oubliés.