La mission d'information sur l'exécution des décisions de justice pénale a formulé quarante-neuf propositions. Avant d'examiner celles qui figurent dans le présent texte, je souhaite interroger Mme la garde des sceaux sur l'avenir de celles qui n'y figurent pas, notamment celles qui doivent trouver leur place dans le projet de loi pénitentiaire.
Vous nous avez assuré au mois d'octobre, madame la garde des sceaux, que ce projet serait déposé en décembre. Puis vous nous avez dit, lors du débat budgétaire – il est vrai tout entier consacré à la réforme de la carte judiciaire, réforme à nos yeux brutale et réalisée au détriment de la justice de proximité –, que le projet de loi pénitentiaire serait examiné par le Parlement en février. Enfin, vous nous avez informés, en janvier, lors du débat relatif à la rétention de sûreté, que ce texte serait probablement adopté en mai ou en juin.
Nous souhaitons ce soir vous faire une proposition. Nous considérons qu'il serait de bonne politique, à défaut d'un dépôt formel du projet de loi à cette date et compte tenu des propositions de la mission d'information, que ses membres puissent être associés en amont au travail gouvernemental de préparation de ce texte. Une fois définies des modalités de travail, ce serait à notre sens le seul moyen de parvenir à un résultat consensuel.
Ensuite, toute une série de propositions de la mission d'information relèvent de dispositions réglementaires ou bien sont liées aux moyens déployés pour l'exécution des peines. Lors de nos déplacements, nombre de nos interlocuteurs, pour ne pas dire la quasi-totalité, ont souligné les problèmes de moyens et en particulier de personnels qu'ils rencontrent. Ici aussi, nous souhaitons que les propositions de la mission trouvent une traduction concrète et rapide.
J'insisterai sur deux préoccupations. L'une a été évoquée par le président Warsmann : c'est la véritable Arlésienne que constitue l'informatisation de l'institution judiciaire. La mise en place rapide du système Cassiopée et du dossier judiciaire unique apparaît comme le fil rouge des propositions de la mission. Si l'on veut améliorer concrètement l'exécution des décisions de justice, réduire les délais, mettre en oeuvre le dossier unique, on ne peut se passer de l'informatique ; or nous sommes face à une administration pourvue d'un système totalement obsolète en la matière. Nous reconnaissons bien volontiers, madame la garde des sceaux, que vous n'êtes pas responsable de cette situation, imputable en fait à vos prédécesseurs qui n'ont pas engagé en temps utile la modernisation nécessaire. Seulement, la justice doit maintenant entrer dans le XXIe siècle. Il s'agit d'une priorité nécessitant la mise en oeuvre des moyens matériels adéquats. Nous aurons peut-être l'occasion de revenir sur la numérisation des procédures papier en cours, qui n'est pas la dématérialisation des procédures.
Nous souhaitons qu'un groupe de travail interministériel, s'il n'est pas déjà constitué, le soit dans le but d'étudier l'organisation d'une interopérabilité des données entre la police et la justice, entre la justice et les huissiers, et, au sein même de la justice, entre les juges d'application des peines et les services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP. Cette interopérabilité nous paraît un élément essentiel de l'amélioration du fonctionnement de la justice.
Notre deuxième préoccupation touche les moyens en personnels. Certes, des postes ont été créés par la loi de finances pour 2008, mais en nombre insuffisant par rapport au nombre de départs à la retraite – pour les greffiers par exemple. Aussi, dans toutes les juridictions revient comme un leitmotiv la question des postes de greffiers et de fonctionnaires de catégories B et C. Or nous nous ne voudrions pas que la réforme de la carte judiciaire vise à supprimer des tribunaux pour récupérer des postes.
L'exécution des peines a besoin de moyens. Nous l'avons également constaté en ce qui concerne les retards d'inscription au casier judiciaire, problème majeur si l'on veut améliorer la lutte contre la récidive. Voilà une difficulté concrète à laquelle sont confrontés les officiers de police et les magistrats lorsqu'ils sont face à un récidiviste sans le savoir. Nous aimerions donc vous entendre, madame la garde des sceaux, sur les moyens qui seront consacrés par la chancellerie à l'exécution des décisions de justice.
En outre, sachant que la mission d'information est permanente et que ses travaux sont appelés à se poursuivre tout au long de la législature – le premier rapport adopté en appelle de futurs –, sachez que nous serons particulièrement vigilants et exigeants sur les propositions de la mission qui ne feraient pas l'objet de mesures législatives.
La proposition ayant été présentée en détail par le rapporteur, je ne reviendrai pas sur l'ensemble des dispositions, sauf pour dire que chaque article prévoit des mesures très concrètes et précises. Après un examen fort détaillé du fonctionnement du système judiciaire, elles s'attachent à lever tous les obstacles de nature législative et à améliorer la notification effective des décisions de justice, l'exécution des peines d'amendes et de retrait de permis, mais aussi, en effet, l'indemnisation des victimes.
C'est sur ce dernier point que je souhaite maintenant concentrer mon propos, plus particulièrement sur les difficultés rencontrées par les victimes pour faire valoir leurs droits, difficultés tout à fait insupportables. Ainsi, si le texte améliore le recouvrement des dommages et intérêts, il introduit une disposition qui renvoie à un phénomène de société récurrent, disposition qui me paraît fondamentale.
Depuis les émeutes de novembre 2005, il y a chaque année près de 45 000 véhicules incendiés. Ce chiffre est considérable. Les années précédentes, la « norme » – si l'on ose employer ce terme en la circonstance – était de plus de 20 000 véhicules incendiés. Depuis 2005, les chiffres ont donc peu ou prou doublé. Je pense que nous tomberons d'accord sur la gravité de ce constat, même s'il a fallu, deux Saint-Sylvestre de suite, batailler pour que le ministère de l'intérieur veuille bien rendre public le bilan réel du nombre de véhicules incendiés, bilan qui, au final, s'est révélé supérieur de 130 % aux chiffres communiqués dans un premier temps par la place Beauvau…
Le parti socialiste mais aussi bon nombre d'élus locaux avaient, lors des émeutes de novembre 2005, proposé la création d'un dispositif d'indemnisation des victimes. M. de Villepin, alors Premier ministre, s'y était opposé. On sait pourtant le drame, pour une famille modeste qui habite un quartier populaire, une banlieue, souvent mal desservis par les transports en commun, que constitue le fait de voir son véhicule partir en fumée. Famille qui de surcroît doit subir une double peine puisque, quand on est mal assuré, on n'a pas droit à une indemnisation suffisante.
L'État se refusant à créer un dispositif d'indemnisation, certaines collectivités locales l'avaient fait elles-mêmes ; nous nous félicitons donc aujourd'hui de l'avancée majeure que constitue l'article 3 de la proposition de loi et, madame la garde des sceaux, je vous donne acte de n'avoir pas fait obstacle à cette disposition et même, si j'ai bien compris, d'avoir tenu bon face à un certain nombre d'administrations...
La seule remarque que je ferai, puisque le dispositif est réservé aux personnes dont les ressources ne dépassent pas 1,5 fois le SMIC, c'est qu'il faut prendre garde, dans les différents mécanismes de solidarité que nous mettons en place, de ne pas toujours donner le sentiment que, pour peu que l'on appartienne aux catégories moyennes qui gagnent plus de 1,5 SMIC sans pour autant être riche ni faire partie des privilégiés de la société française, on se retrouve systématiquement exclu de la solidarité nationale. Et comme le président de la commission a proposé que nous évaluions d'ici un an l'application de ce dispositif, nous pourrons, le cas échéant, l'améliorer en ce sens.
Chers collègues, le groupe socialiste a voté les conclusions du rapport de la mission d'information dans un état d'esprit constructif. Il soutient donc cette proposition de loi et souhaite que son examen aille jusqu'à son terme afin qu'elle soit promulguée rapidement.