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Intervention de Étienne Blanc

Réunion du 17 janvier 2008 à 21h30
Droits des victimes et exécution des peines — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉtienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission de lois, mes chers collègues, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui va contribuer à construire une véritable réponse à une question laissée trop longtemps en suspens : à quoi sert réellement l'institution judiciaire, si les décisions qu'elle rend ne sont pas – ou trop peu – exécutées ?

Dès le début de cette mandature, la commission des lois a souhaité faire de ce sujet une véritable priorité et, sans attendre, elle a créé une mission chargée d'analyser l'exécution des peines dans notre pays. Mise en place le 25 juillet 2007, celle-ci a déposé un rapport sur le bureau de la commission le 13 décembre 2007. Ce rapport, adopté à l'unanimité, contient quarante-neuf propositions dont certaines relèvent du domaine réglementaire et d'autres seront reprises dans la loi pénitentiaire que nous examinerons dans les semaines à venir.

Aujourd'hui, il est proposé à notre assemblée d'adopter une série de mesures qui s'articulent autour de trois dispositifs nouveaux, visant à améliorer l'exécution des sanctions pénales et l'indemnisation des victimes.

Le premier dispositif, prévu dans les articles 1er et 2, traite de l'indemnisation des victimes. Il confie au fonds de garanties des victimes des actes de terrorisme et autres infractions le soin de recouvrer, en lieu et place de la victime, le montant des dommages et intérêts alloués par les juridictions répressives. Ce fonds sera saisi par la victime ou par l'intermédiaire du bureau d'exécution des peines. Il aura pour mission de recouvrer les dommages et intérêts, mais il pourra aussi payer une provision à la victime, à charge pour lui, dans le cadre d'un mandat donné par cette dernière, de recouvrer les sommes qu'il aura dû avancer.

Pour recouvrer le montant des indemnités dont il aura fait l'avance, le fonds de garantie se voit accorder de nouvelles possibilités d'action. Jusque-là, il ne pouvait s'adresser directement à des administrations, à des organismes sociaux, à des établissements publics chargés de payer des prestations, et restait obligé de recourir à des intermédiaires. Désormais, grâce aux nouveaux moyens dont il sera doté, le fonds sera en mesure de mieux recouvrer les avances qu'il aura effectuées au profit des victimes.

Mais, bien évidemment, l'essentiel – en tout cas l'essentiel de ce qui se trouve sous les feux médiatiques – se trouve à l'article 3. Cet article cherche tout simplement à apporter une réponse, trop longtemps attendue, aux propriétaires de véhicules assurés au tiers et incendiés au pied de leur immeuble, les auteurs demeurant bien souvent inconnus. Dorénavant, ces victimes pourront obtenir une indemnité, versée par le fonds dans un délai bref, pour leur permettre d'acquérir un véhicule de remplacement. C'est une avancée considérable dans notre droit. C'est surtout le strict respect d'un engagement pris durant les dernières campagnes électorales : mieux prendre en compte les intérêts des victimes. Conformes aux promesses faites par M. le Président de la République, les mesures prévues dans la proposition de loi constituent une avancée extrêmement importante.

Le deuxième dispositif qui figure au coeur de ce texte porte sur l'amélioration de la signification des décisions pénales. En France, nous avons une particularité : les jugements contradictoires à signifier, les CAS. La mission parlementaire dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur au nom de la commission des lois, a stigmatisé le sort de ces décisions de justice rendues par les tribunaux répressifs à l'encontre de l'auteur d'une infraction ou d'un prévenu convoqué à l'audience – dans le dossier figure la preuve qu'une convocation lui a bien été adressée en personne – mais qui ne s'y est pas présenté.

Commence alors un cheminement erratique, complexe, désordonné, qui encombre l'institution judiciaire et rend la lisibilité de la chaîne pénale particulièrement compliquée. Dans tous les cas, cela crée une véritable rupture et cause de graves problèmes. Pourquoi ? En principe, ces jugements sont adressés par le parquet aux huissiers. Mais si le destinataire réside dans un autre département, la transmission ne se fait pas directement aux huissiers : il faut passer par l'intermédiaire du parquet, ce qui implique une communication de parquet à parquet.

Parvenues dans les études d'huissiers, ces affaires pénales ne constituent pas – les professionnels eux-mêmes le reconnaissent – une priorité pour eux. De fait, ces jugements sont souvent signifiés en second rang, après les décisions civiles. Les parquets, qui ont mandé des huissiers ou d'autres parquets pour signifier, ne sont pas toujours avisés des suites données. Ils sont obligés de relancer pour obtenir à nouveau des informations. Le résultat est simple : encombrement des greffes, stock qui s'accroît, difficultés dans les actes de significations. Avec ce texte, nous vous proposons tout simplement d'améliorer les choses.

Comment ? D'abord, en favorisant la présence des prévenus à l'audience. Nous vous proposerons de doubler le montant du droit fixe qui passera de 90 à 180 euros, étant précisé que, lorsque le montant des amendes et des dommages et intérêts seront payés dans les délais, ce droit fixe pourra revenir au montant initial, autrement dit 90 euros. En second lieu, nous allons obliger les huissiers à retourner les dossiers dans un délai raisonnable de quarante-cinq jours. En effet, une décision qui n'est pas signifiée deux mois, trois mois, quatre mois après avoir été rendue, justifie toute une série de relances par courrier et par téléphone. Nous allons imposer aux huissiers de restituer le dossier dans les quarante-cinq jours afin que le parquet puisse, sans délai, faire signifier les actes par la police et la gendarmerie. Enfin, nous allons faciliter la signification, en permettant aux huissiers de convoquer les destinataires à leur étude par simple lettre, par un avis de passage laissé dans la boîte des intéressés ou à leur domicile. On peut d'ailleurs s'étonner, monsieur le président de la commission des lois, que cette question n'ait pas été abordée plus tôt car, à mon avis, cette mesure ne touche pas aux libertés individuelles et ne porte aucune atteinte aux libertés publiques : ce n'est qu'une affaire de simple bon sens.

Un troisième dispositif enfin figure au chapitre III et concerne le Trésor public. Ce dernier pourra accorder des remises totales ou partielles pour le paiement des amendes forfaitaires majorées. Chose curieuse, le Trésor public peut déjà le faire pour les amendes initiales, mais pas pour les amendes majorées. De fait, il ne peut pas transiger et conserve des dossiers complexes qui appellent des relances, des procédures de recouvrements parfois totalement inutiles, car le trésorier sait bien qu'il ne pourra jamais recouvrer les sommes. Transiger, voire effacer le montant d'une amende forfaitaire majorée, c'est là une véritable simplification dans le système de recouvrement.

Nous allons aussi permettre aux comptables du Trésor de former une opposition aux transferts de cartes grises pour les débiteurs qui n'ont pas changé de domicile. Aujourd'hui, cette procédure efficace qui peut interdire à un propriétaire de véhicule de changer d'automobile n'est applicable qu'à ceux qui changent de domicile. Grâce au dispositif figurant au chapitre III, nous allons permettre au Trésor public de former une opposition dans l'un ou l'autre cas.

Le texte prévoit aussi d'élargir l'accès au fichier national des permis de conduire. Dans le cadre des travaux de la mission et à l'occasion des multiples déplacements et auditions que nous avons réalisés, nous avons constaté qu'il existait une véritable difficulté pour les bureaux d'exécution des peines, mais aussi pour les administrations, qui ne savent pas si un retrait administratif a été exécuté. L'accès direct au fichier des décisions de retrait leur permettra de connaître très rapidement l'état et la situation du conducteur vis-à-vis des sanctions prononcées à son encontre.

Enfin, la proposition de loi prévoit l'extension aux frais de justice de la réduction de 20 % accordée jusque-là aux seules peines d'amendes. Dans les bureaux d'exécution des peines, les greffiers sont obligés d'effectuer deux calculs lorsqu'ils présentent le montant à régler par un condamné : celui de la somme qui bénéficie de la réduction de 20 %, et celui des frais qui n'en bénéficient pas... Les greffiers soulignent la complexité de ces calculs qui induit un risque d'erreur.

Madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission de lois, mes chers collègues, tel est, très brièvement présenté, le contenu de la proposition de loi. Certes, nous attendons que la loi pénitentiaire nous soit soumise, car elle fournira des réponses à l'essentiel des travaux que nous avons effectués dans le cadre de la mission parlementaire. Pour autant, on aurait tort de considérer le texte présenté aujourd'hui comme parfaitement anodin. D'abord parce qu'il honore les engagements de M. le Président de la République sur une meilleure prise en compte des victimes ; honorer ses engagements électoraux n'est jamais anodin. Ensuite parce qu'il facilite les procédures, en permettant notamment aux parties civiles, mais aussi à toutes parties, de mieux connaître le déroulement de la chaîne pénale. Il s'agit d'un sujet compliqué, récurrent, auquel nous apportons des réponses significatives.

Voilà pourquoi ce texte a été adopté par notre commission des lois et, qui plus est, le fait mérite d'être souligné, à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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