Si l'on nous demandait quels avantages ce texte présente pour les salariés et quelle nouvelle dynamique les entreprises peuvent en attendre, nous serions bien en peine de répondre. Il n'y a donc pas de quoi être ravi…
Il me semble, à regarder les nombreux projets de loi qui se succèdent dans l'urgence, reprenant toujours les mêmes antiennes, que l'on peut dégager une constante : la remise en cause du salariat et de la notion même de salaire, à mes yeux particulièrement dangereuse. Avec la prétendue loi de modernisation de l'économie, le Gouvernement est en effet parvenu à faire passer, dans un silence quasi général – le groupe SRC et le groupe GDR ayant été les seuls à dénoncer cette disposition – le fameux statut de l'auto-entrepreneur. Or qu'est-ce que ce nouveau statut, sinon une forme de légalisation du travail au noir ? Dénoncé, après coup mais avec force, par l'Union patronale des artisans et la CGPME, le dispositif met à mal la crédibilité des petits artisans et des petits entrepreneurs, puisqu'il permet de s'installer comme entrepreneur sans déclaration ni formation.
Cette atteinte au salariat se poursuit avec ce projet de loi, qui prévoit un deuxième leurre – faut-il que vous croyiez les salariés crédules ! –, l'intéressement. Aléatoire, celui-ci se substituera au salaire. J'ajoute que les aides versées aux entreprises seront liées, non pas à l'aboutissement de négociations salariales, mais uniquement à leur ouverture – ça ne mange pas de pain… En tout état de cause, compte tenu du fait que la croissance, qui n'est pas florissante, sera bientôt proche de zéro lorsqu'elle subira le contrecoup de la crise des subprimes et que les chiffres annoncés par la ministre de l'économie ont été revus à la baisse, l'intéressement se réduira à peu de chose. Cela avait commencé à passer avec la loi dite LME ; mais, cette fois, vous ne leurrerez pas les salariés, car ils sont vaccinés !
Autre atteinte au pouvoir d'achat et au statut du salariat, c'est-à-dire à la cohésion sociale : la fragmentation générée par un tel dispositif. En effet, si la prime d'intéressement existe dans 50 % des entreprises de plus de 49 salariés, elle concerne seulement 3 % des TPE et 10 % des entreprises de 10 à 49 salariés. Une fois de plus, tous les salariés ne bénéficieront pas du même traitement.
Vous avez commencé par casser le salariat en lui substituant des statuts très aléatoires ou les PVV, c'est-à-dire les primes de vente – j'ai d'ailleurs le sentiment que la droite ne connaît pas l'entreprise, pour proposer des projets de loi de ce type. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Dans certaines entreprises, les salariés touchent en effet un salaire minimum, auquel s'ajoutent les PVV. Je n'y suis pas favorable, mais au moins celles-ci sont-elles liées à l'expertise des salariés, ce qui n'est pas le cas des primes d'intéressement, qui dépendent de la stratégie des entreprises.
Tout à l'heure, j'ai entendu le président Ollier parler de cogestion. Mais c'est une tromperie ! La cogestion, ce n'est pas une aumône que l'on distribue sous la forme d'une prime d'intéressement quand l'entreprise va bien pour faire taire le salarié, en le prenant pour un benêt. La cogestion, c'est un débat équilibré mené entre le patronat et les salariés pour définir une co-stratégie. Or, votre projet de loi ne comporte aucune contrepartie de cette sorte. Parler de cogestion alors qu'il s'agit de faire l'aumône en distribuant une prime qui se substituera au salaire et à la reconnaissance du travail effectué, c'est pousser le bouchon un peu loin. Ce n'est plus de la communication, mais une tromperie vis-à-vis des salariés.
Enfin, il est évident que le projet de loi ne créera aucune nouvelle dynamique dans les PMI-PME. Aucune étude d'impact n'a été réalisée et le dispositif ne sera pas harmonisé entre les différents secteurs d'activité, alors que l'intéressement ne fait pas partie de la culture des secteurs de la restauration ou du commerce, par exemple.
Ce projet de loi est donc un triple leurre, qui doit être condamné en tant que tel. Il nous faut dénoncer vigoureusement ces sucettes que la droite s'imagine pouvoir faire avaler aux salariés, qui sont, au demeurant, beaucoup plus lucides qu'elle ne le pense. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)