Monsieur le ministre, nous sommes satisfaits de vous revoir, car vous connaissez le dossier sur le bout des doigts.
Cela a été dit, la France a trop tardé à indemniser les victimes de ses essais nucléaires. À défaut de faire les choses à temps, il est encore possible de les faire correctement. Pour les députés communistes, ce projet de loi n'est pas totalement satisfaisant, même si des avancées ont été actées à l'unanimité en commission. On peut bien sûr se réjouir que le texte ait perdu son titre initial au profit de l'inscription de l'« indemnisation des victimes des essais nucléaires français ». On ne peut qu'être en faveur du principe de contradiction introduit dans l'examen des dossiers, de l'élargissement des zones géographiques contaminées, du renforcement de la place de la science, de l'instauration de délais pour les décisions d'indemnisation, ou encore de la création d'une commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires où siégeront des représentants des vétérans des essais.
Mais l'essentiel n'est pas là. Selon nous, toutes les victimes doivent être effectivement indemnisées. Or, de ce point de vue, nous n'avons pas encore de garantie, et d'ailleurs la colère des victimes reste intacte. La responsabilité écrasante de l'État dans tous ces drames n'est pas inscrite clairement. Ainsi, le texte pourrait très bien se transformer en usine à gaz si la présomption du lien de causalité entre l'exposition aux essais, d'une part, et les maladies radio-induites, d'autre part, n'était pas introduite clairement. C'est d'ailleurs le combat central de tous les parlementaires qui se sont penchés sur le dossier.
Le texte du Gouvernement ne reprend pas ce principe de présomption de lien, et, à défaut de causalité clairement admise, les victimes risquent de continuer à tourner en rond. Quand bien même elles justifieraient de toutes les circonstances mentionnées par la loi, certaines d'entre elles pourraient se voir opposer un refus d'indemnisation.
Le sort réservé à nos différents amendements introduisant le principe de présomption me conforte dans mon analyse : puisqu'on nous a opposé l'irrecevabilité budgétaire, cela signifie que le coût serait plus important pour l'État. Il est donc évident que l'absence de présomption de lien de causalité reviendrait à ne pas indemniser certaines victimes. Cela serait, nous en conviendrons tous, inacceptable.
Bien entendu, il ne s'agit pas d'indemniser n'importe qui, mais de reconnaître pleinement la responsabilité de l'État. Nous possédons une liste de maladies radio-induites, qui ne sont pas des pathologies ordinaires, ainsi qu'une liste de lieux hautement toxiques, les lieux des essais nucléaires français.
M. le rapporteur parle de « quasi-présomption », mais cela ne veut rien dire. Franchement, les différentes maladies radio-induites peuvent-elles avoir une autre origine que les essais ? En tout cas, pas la majorité d'entre elles ! C'est pourquoi, en cas de contestation sur le lien de causalité, c'est à l'État qu'il devrait incomber de démontrer que ce lien n'existe pas. Je l'affirme solennellement : il faut absolument que nos travaux débouchent sur l'adoption du principe fondamental de présomption de lien entre les différentes maladies radio-induites et les expositions aux essais.
Notre crainte est aussi que l'indemnisation soit restreinte aux victimes ayant participé à des essais dont le ministère reconnaît lui-même qu'ils ont donné lieu à des incidents. Or l'absence d'incident particulier n'empêche pas que des personnes aient pu être contaminées, par manque de précaution ou par ignorance de certains dangers. Nous souhaiterions donc que soit inscrit clairement dans la loi le principe de présomption du lien de causalité.
Puisque l'irrecevabilité financière a été opposée à nos différents amendements, nous proposons l'adoption de cet amendement de repli, qui tend à supprimer l'alinéa relatif au rôle du comité d'indemnisation dans l'établissement d'un lien de causalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)