Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 20 juillet 2009 à 21h30
Ratification de la convention sur les armes à sous-munitions — Discussion générale

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

Vous me permettrez, si j'ose dire pour ce baptême du feu sur un sujet aussi délicat, de me réjouir du fait que, ce soir, même à une heure tardive, nous ayons pu rassembler la totalité des suffrages sur tous les bancs. Ce texte nous réunit parce qu'il porte nos valeurs, celles d'humanisme et du désarmement, qui nous est cher à tous. Et ce, vous avez eu raison de le souligner, madame Pau-Langevin, depuis Aristide Briand. Je m'inscris moi aussi dans cette longue lignée qui a marqué l'histoire de notre pays, avec beaucoup d'idéalisme, parfois beaucoup de déception, mais aussi de vrais résultats.

Madame Hostalier, madame Paul-Langevin, c'est l'ordre du jour très chargé de l'Assemblée nationale qui nous a contraints à inscrire ce texte si important à une heure aussi tardive. Nous n'avions pas d'autres choix si nous ne voulions pas renoncer à la discussion et à l'adoption de ce texte avant la fin de cette session. Je crois qu'il était bon que la France ratifie ce texte au plus tôt.

La suite, c'est-à-dire la traduction juridique, notamment dans notre code pénal, du respect de la convention, sera déposé sous l'égide du ministère de la défense en début d'année prochaine. Nous serons rapidement opérationnels.

Madame Hostalier, vous m'avez posé trois questions auxquelles je vais tenter de répondre. La première touche au calendrier des destructions. L'effet des retraits des M26 et des obus OGR a été immédiat. Le problème aujourd'hui, c'est de détruire les stocks. Ce n'est pas simple et cela prend du temps. La France, à la différence de l'Italie ou de l'Allemagne, n'a pas en effet de capacités industrielles de démantèlement de ce type de munition. Le ministère de la défense financera donc ce démantèlement sur son budget. Les premières estimations font apparaître un coût, non négligeable, de l'ordre de 30 à 60 millions d'euros. Aucun calendrier ne peut être précisément avancé à ce jour quant à la destruction des munitions interdites. Celle-ci prendra plusieurs années. Mais je crois pouvoir vous dire que nous serons dans l'épure fixée par les traités.

Enfin, il faudra détruire de très grandes quantités d'armes à sous-munitions en Europe. Pour vous donner quelques chiffres, la France devra en détruire 14 millions, le Royaume-Uni, 38 millions et l'Allemagne plus de 40 millions. Or, encore une fois, les industriels en mesure de faire ce travail sont peu nombreux et la France n'a pas de capacité industrielle en la matière.

La conférence de Berlin des 25 et 26 juin 2009 a été justement l'occasion de faire le point sur les questions de destruction et de conservation d'armes à sous-munitions à des fins d'expertise. Je crois savoir que l'Allemagne s'est spécialisée dans ce domaine.

Vous m'avez interrogé, madame, sur l'attitude de la France en cas d'utilisation, par certains de ses alliés, d'armes à sous-munitions interdites par la convention dans des théâtres extérieurs où nous pourrions être, nous aussi, appelés à opérer à côté de ces alliés. On comprend tous qu'il s'agit, par exemple, des États-Unis et, par exemple, d'un site qui pourrait être l'Afghanistan. La France ayant ratifié la convention sur les armes à sous-munitions ne saurait cautionner, en aucune façon, l'utilisation des armes à sous-munitions et incitera tout éventuel utilisateur à ratifier cette dernière au plus tôt.

Conformément à l'article 21, l'exigence faite aux États parties est de tout mettre en oeuvre pour décourager les États non parties à la convention d'utiliser des armes à sous-munitions lors d'une opération conjointe. Ainsi, dans l'hypothèse d'une participation de militaires français dans une opération conjointe aux côtés d'un État non partie à la convention, la France, au plus haut niveau, fera une déclaration politique incitant cet État à ratifier au plus vite ladite convention.

La préservation des souverainetés constitue d'ailleurs l'une des caractéristiques fondamentales de l'OTAN. L'article 5 du traité de Washington, clé de voûte de la défense collective, précise que les parties « conviennent que chacune d'elles assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et en accord avec les autres parties, toute action qu'elle jugera nécessaire. »

S'agissant des règles d'engagement en Afghanistan, sujet que je connais un peu, et vous étiez à mes côtés dans ce pays, madame, je précise que la France n'a pas les mêmes règles que les États-Unis, concernant par exemple les tirs, lorsqu'on n'est pas sûr qu'il y ait, ou pas, des dommages collatéraux. En gros, c'est la même philosophie qui est appliquée sur ce texte.

Vous m'avez interrogé enfin sur les devoirs de la France en matière de dépollution. La convention s'applique à des territoires placés sous la juridiction des États parties. À cet égard, notre pays n'est pas concerné par ce texte stricto sensu. Donc, de ce point de vue, le texte est non contraignant. Cependant, la France pourra mettre à la disposition des États membres le demandant ses capacités de neutralisation des engins explosifs et d'aide aux populations civiles. La France a déjà participé à ce type d'opérations au Cambodge et au Liban.

Dernier point, madame Pau-Langevin, la France participe à un petit groupe informel de pays, qui veut travailler sur l'approfondissement de cette convention. Au sein de ce groupe, nous nous sommes rapidement positionnés sur deux créneaux : d'une part, l'universalisation, c'est-à-dire les actions en faveur de la ratification rapide de la convention par un maximum de pays, et, d'autre part, la cohérence juridique existant entre la convention CCW de 1980 modifiée par le protocole de 2006 et cette convention-ci. Les deux conventions sont en réalité complémentaires et ne doivent pas être considérées comme exclusives l'une de l'autre.

Je terminerai en vous disant le bonheur que j'ai eu d'être ce soir le ministre de l'unité nationale, sur un texte utile à tout le monde. J'espère que d'autres nations nous rejoindront rapidement. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et GDR.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion