Les plus petits entrepreneurs, qui ne sont pas les derniers en matière de valeur ajoutée, de rémunération des salariés, de bonnes relations avec les fournisseurs, agricoles par exemple, sont très inquiets de ne pas parvenir à suivre ce qui est en train de se passer ici, alors qu'ils n'ont même pas encore digéré le texte précédent.
En outre, on continue à faire comme s'il n'y avait qu'un match important, celui entre les grands groupes et la grande distribution. Cela fait des années, vingt-cinq ans peut-être sous des noms différents, et au moins quinze ans sous les mêmes noms, que les représentants de la grande distribution et ceux de l'ILEC se battent sur la question des prix, des conditions générales de vente, des marges arrières,etc. Mais les uns et les autres se portent extrêmement bien. On est en train de vouloir arbitrer un match entre deux grands oligopoles, national pour la distribution, européen pour les industries de consommation, mais tous les deux se portent bien. Je ne vois donc pas au nom de quoi les parlementaires viendraient aujourd'hui arbitrer leur match. La grande distribution ne fait pas que des fautes, elle a rendu des services, on le sait tous, mais pourquoi se sert-elle des difficultés des parlementaires face aux petites entreprises de leur circonscription pour arbitrer son match avec les grands groupes industriels ?
Si, en vertu de l'article 21, l'obligation de communiquer les conditions générales de vente est fonction de la catégorie à laquelle appartient l'acheteur, où va-t-on ? Si la PME de chez Jean Gaubert ou de chez moi vient proposer son yaourt à un distributeur, dans quelle catégorie sera-elle rangée ? Certainement pas dans la même catégorie que tel grand groupe. Elle ne connaîtra donc pas les conditions générales de vente applicables à celui-ci. Ce ne sont pas des conditions concurrentielles claires et nettes. En catégorisant les acteurs économiques, vous semblez permettre à l'acheteur de retrouver une position dominante. Mais il l'a déjà. Pourquoi vouloir redonner une position dominante à quelqu'un qui l'a déjà ?
En plus, le dispositif que vous proposez concernant les surfaces commerciales ne va pas régler les problèmes des territoires. Certes, il y a des endroits, comme chez nous, où deux grands groupes de la distribution essayent, au moyen de la publicité, de diriger les élus vers l'un ou vers l'autre ; mais, majoritairement, ce n'est pas le cas. Ces groupes ne sont donc même pas en situation de concurrence territoriale.
Je demande à l'ensemble de nos collègues de bien réfléchir au fait que ce n'est pas aux parlementaires de la république française d'arbitrer entre les grands groupes et la grande distribution.
Enfin, parlons vraiment des prix. Sans même vous demander de diminuer la TVA – après tout, nous ne sommes pas ici pour cela aujourd'hui, et nous y reviendrons sur d'autres textes –, je vous interroge : pourquoi ne pas traiter de la taxation des marges ? Certes, il y a la TACA ; mais quelle est la place du législateur aujourd'hui ? Ainsi, une petite PME qui fabrique des conserves de poisson nous a dit qu'elle n'avait aucune chance parce qu'elle est toujours convoquée après les deux grands groupes qui tiennent 70 % du marché : quand elle arrive, on lui dit qu'elle doit accepter tel prix parce que les autres viennent de le faire. Mais eux ont bien sûr la taille nécessaire pour pouvoir le faire.
Mes chers collègues, je crois que nous sommes à un moment clef. Tel qu'est rédigé le projet de loi, la PME incapable d'embaucher un conseiller juridique ne pourra pas se battre sur les conditions générales de vente. De plus, elle ne disposera que de peu d'éléments en la matière. La transparence va encore se réduire un peu plus alors qu'elle aurait dû s'accroître. Au nom d'un combat macro-économique, qui peut-être avait lieu d'être et sur lequel nous aurions pu ouvrir un débat, on est en train de régler ce qui ne nous regarde pas, c'est-à-dire le match pour désigner qui fera le plus de marge, des grands groupes industriels ou de la grande distribution. De surcroît, cela va favoriser les délocalisations.
Aujourd'hui, on a tout faux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)