Dilapidation, mais aussi dilution.
Dilution de l'information sur la réalité de la crise et sur son ampleur par la répétition des mêmes annonces pour faire croire aux Français que vous vous attaquez aux conséquences de la crise économique et sociale.
La vérité, c'est que vous révisez de semaine en semaine vos prévisions sous la pression des réalités et que vos hypothèses économiques et budgétaires sont modifiées au compte-goutte, sans lien avec le respect des règles européennes et les engagements que nous devions tenir en matière de finances publiques.
Cette loi de programmation pluriannuelle des finances publiques aurait dû faire l'objet de révisions profondes, résultant des évolutions conjoncturelles et des effets de la crise. Au lieu de cela, le texte issu de la CMP continue d'afficher moins 2,9 % en points de PIB comme solde du déficit public 2008, moins 3,1 % comme solde du déficit public 2009, alors que vous-même, monsieur le ministre, avez annoncé la semaine dernière en commission des finances le chiffre de moins 4,4 % et que la Commission européenne avance le chiffre de moins 5,4 % de points de PIB.
Nous rappelons que la limite communautaire admise est de 3 % et que c'est le coût des politiques publiques menées depuis juin 2007 qui a vidé les caisses.
Le déficit budgétaire, quant à lui, galope. Quelques repères : 32 milliards d'euros à la fin de 2001, 56,2 milliards à la fin de 2008, 57,8 milliards dans la loi de finances initiale pour 2009, 79,3 milliards dans le collectif budgétaire censé mettre en oeuvre le plan de relance, 86,5 milliards dans vos dernières prévisions.
La dette publique, dont la limite européenne est fixée à 60 % du produit intérieur brut, subit, elle aussi, une évolution inquiétante. Vous n'avez toujours pas annoncé de révision de votre prévision initiale d'endettement pour 2009. Elle était alors fixée à 69,1 % du PIB, alors que la réalité nous mènera à plus 70 %, voire 72,4 %, selon la Commission européenne.
La vérité, c'est donc une dégradation réelle des comptes publics, et le Gouvernement refuse d'accepter cette réalité. Au lieu d'accepter, comme nos voisins européens, la caducité de la loi de finances récemment adoptée, vous faites le choix de la diffusion, de temps à autre, de révisions partielles de votre budget, pour aboutir à la déclaration que nous avons entendue tout à l'heure, à l'ouverture de ce débat, et après le passage en CMP, sans véritable et nouvelle lecture du texte devant un Parlement véritablement informé et éclairé.
Le vrai problème, monsieur le ministre, est que vous avez en permanence surévalué le niveau de croissance de notre pays dans vos prévisions. Nous le savons tous, un point de croissance en moins provoque, toutes choses égales par ailleurs, environ un demi-point de déficit supplémentaire.
De plus, au lieu d'utiliser les dépenses budgétaires au service de la croissance et de l'emploi dans les domaines de la recherche, de la formation, de l'investissement public, des dotations aux collectivités, le Gouvernement préfère tailler de manière drastique dans ces dépenses essentielles pour financer les cadeaux fiscaux aux plus aisés et les exonérations d'impôts et de charges sur les heures supplémentaires.
Vous continuez d'affirmer que la loi TEPA de 2007 et la loi sur le pouvoir d'achat de 2008 « continueront de soutenir le revenu des ménages et la croissance en 2009. » Et vous maintenez votre prévision de croissance entre 0,3 et 0,5 % pour 2009, ce qui n'est absolument pas réaliste face à l'ampleur de la crise économique internationale et à la récession.
Vous ne nous concédez, à la page 5 du programme de stabilité de la France pour 2009-2012, que l'habile périphrase suivante : « L'incertitude entourant ce scénario de croissance est inhabituellement élevée. » Dans ces conditions, nous pouvons nous interroger sur le retour à un équilibre structurel des finances publiques en 2012. Nous comprenons bien que, pour des raisons de calendrier électoral, vous continuiez à vous agripper à cette idée. Elle volera en éclats, parce que votre plan de relance, exclusivement basé sur l'offre et l'accélération des investissements, méprise la demande et la consommation. Didier Migaud l'a dit et Pierre-Alain Muet y reviendra. Mais aussi parce que vos prévisions sont insincères et que, ce faisant, vous détournez au passage un des objectifs de la LOLF : celui de la lisibilité et de la traçabilité des comptes publics.
Un mot en conclusion sur un autre sujet majeur et toujours d'inquiétude : ce que vous appelez la fiscalité applicable aux investissements, tout simplement la taxe professionnelle. Monsieur le ministre, il ne suffira pas de dire que cet impôt est un impôt imbécile, anti-économique, qu'il contribue à déresponsabiliser les collectivités et à brouiller leurs relations avec les contribuables locaux. Il faudra aussi nous dire par quoi vous le remplacerez. Ce sujet est évidemment au coeur du débat sur la réforme institutionnelle dite du mille-feuille et l'on voit bien qui vont être les accusés.
Il y a bien un peu de cynisme dans cette attitude. Il y a trois mois, vous nous disiez que les collectivités territoriales devaient être actrices de la modération de la dépense publique, et aujourd'hui vous les appâtez en annonçant le remboursement anticipé du FCTVA. Or, dans la pratique, c'est elles qui représentent 72 % de l'investissement public, et les programmes qu'elles pourraient lancer manquent de financement et souffrent souvent de diminutions de dotations.
Je terminerai en évoquant à nouveau la question récurrente du coût des niches fiscales et sociales. Si nous souscrivons à la mise en place d'un objectif annuel de dépenses fiscales et sociales incitatif, nous souhaitons, comme le président de la commission des finances Didier Migaud le réaffirme souvent, aller plus loin et plus fort non seulement dans l'évaluation, mais aussi dans la remise en cause de ces dispositifs qui affaiblissent la matière imposable et la recette fiscale directe.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les Français dénoncent aujourd'hui les réalités qu'ils subissent du fait de vos choix politiques injustes : dilapidation de nos moyens, dilution dans vos annonces, dégradation des comptes publics, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Notre réponse, ici comme dans la rue, c'est : « Non ! » (Applaudissement sur les bancs des groupes SRC et GDR.)