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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 20 novembre 2008 à 15h00
Lutte contre le terrorisme et contrôles frontaliers — Discussion d'une proposition de loi adoptée par le sénat

Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le terrorisme demeure la première de nos priorités dans le domaine de la sécurité, car il fait peser sur la France une menace réelle et constante.

La loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI, qui vous sera présentée d'ici à quelques semaines, nous permettra de renforcer les moyens de la lutte contre le terrorisme, la criminalité et la délinquance. Tout naturellement, j'y avais inscrit la demande de prorogation des dispositions de la loi anti-terroriste du 23 janvier 2006, valables jusqu'au 31 décembre 2008. Un calendrier parlementaire très chargé – ce n'est pas à vous que je l'apprendrai – a contraint à reporter l'examen de la LOPPSI en 2009. De ce fait, pesait un risque de vide juridique entre ces deux dates.

Le sénateur Hubert Haenel s'est saisi de cette question et a déposé la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, qui permet la reconduction des dispositions actuellement appliquées.

Avons-nous besoin de ce dispositif ? Sans faire d'alarmisme, la menace est réelle. Notre pays n'est pas plus menacé que les autres ; il ne l'est pas moins non plus. Les menaces d'Al-Qaida au pays du Maghreb islamique visant notre territoire, en septembre, la diffusion sur la chaîne Al Arabiya de mises en garde liées à notre présence militaire en Afghanistan sont l'illustration de la constance de cette menace, tant sur notre sol national que pour nos compatriotes travaillant ou voyageant dans certains pays.

Nous avons tous en mémoire la mort d'un ingénieur français en Algérie, lors d'un double attentat à l'explosif, le 8 juin dernier, ou l'attentat à l'explosif commis au Yémen contre un pipeline reliant des infrastructures pétrolières de la compagnie Total, au printemps dernier.

Permanente, la menace est également évolutive. Le terrorisme islamiste ne se résume pas à l'appel à la guerre entre monde musulman et monde occidental. Il tend désormais vers une contestation fondamentale de nos sociétés et de nos valeurs. Internet apporte au terrorisme un vecteur nouveau d'endoctrinement, de propagande, de recrutement et de structuration de ces réseaux.

D'autres menaces d'attentat existent, qui ne sont pas liées au terrorisme islamiste : les arrestations de la semaine passée en attestent. Quelles qu'elles soient, nous avons toujours le devoir, pour la protection de nos concitoyens et des intérêts fondamentaux du pays, d'adapter nos réponses.

Nous devons également adapter nos réponses dans le cadre des solidarités que nous avons avec les autres pays européens puisque, en la matière, la menace concerne l'ensemble de ces pays. Cela implique une vigilance quotidienne sur notre sol.

Les contrôles d'identité à bord des trains internationaux, prévus par la loi anti-terroriste, renforcent notre capacité de détection des terroristes qui utiliseraient ce moyen de transport. Ils font l'objet de l'article 3 du texte dont la prorogation vous est demandée et sont largement utilisés par le service national de la police ferroviaire dans les relations avec l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la Suisse ou l'Italie.

Ces mesures permettent de surprendre les terroristes qui utiliseraient ce moyen de transport. Pour en donner une illustration concrète, c'est grâce à un contrôle dans un train, entre Perpignan à Barcelone, qu'un activiste de l'ETA, recherché depuis mars 2004, a été arrêté au début de l'année 2007.

Le contrôle des frontières aériennes s'inscrit dans la même perspective de renforcement de notre protection. Actuellement, les données APIS – données nominatives qui contiennent un minimum de renseignements – des voyageurs en relation avec cinq pays à risque du Moyen-Orient sont enregistrées dans le fichier des passagers aériens. Les travaux européens sur le PNR, la liste des noms des passagers, visent à renforcer l'efficacité du dispositif en permettant d'identifier des passagers sensibles avant l'embarquement grâce aux données de réservation, et d'établir au besoin des recoupements sur leurs activités.

Les risques d'attentats dans les avions sont réels puisqu'un certain nombre ont été déjoués, dont un qui, il y a un peu plus de deux ans, devait être perpétré par un passager dont les talonnettes de chaussures contenaient des explosifs destinés à faire exploser un vol vers les États-Unis.

Bien sûr, le renforcement de la sécurité prévu au plan européen s'accompagnera d'une clarification des règles de protection des données personnelles. Nous devons cibler sur la lutte contre le terrorisme, et pas au-delà, la recherche de renseignements.

Le cadre général du PNR sera établi d'ici à la fin de la présidence française de l'Union européenne. J'ai obtenu l'accord de la totalité de mes collègues, au cours de notre dernière réunion à Luxembourg.

Adapter notre réponse aux évolutions du terrorisme, c'est aussi améliorer notre action pour détecter des réseaux, notamment sur notre territoire national.

La création de la direction centrale du renseignement intérieur nous a permis de gagner en efficacité pour mieux déjouer, en amont, les projets d'action terroriste. Il est indispensable de doter la DCRI d'outils adaptés à sa mission.

La loi anti-terroriste de 2006 prévoit la possibilité pour les services anti-terroristes d'interroger certains fichiers administratifs. C'est l'objet de l'article 9 de la loi, dont je vous demande la prorogation. Cette disposition a notamment permis de faciliter les investigations, en vérifiant l'identité de personnes suspectes, à partir de l'immatriculation de véhicules ou en établissant parfois l'origine frauduleuse d'un certain nombre de documents sensibles. Tant que nous ne disposons pas des passeports biométriques et des cartes d'identité électroniques, nous avons plus de difficultés à déceler les faux papiers. Plusieurs dizaines de milliers sont, chaque année, mis en circulation sur notre territoire.

La détection des réseaux passe aussi par un meilleur contrôle d'internet et des communications téléphoniques. Nous constatons un développement considérable de l'utilisation d'internet par les réseaux terroristes à des fins de propagande ou d'organisation. La connaissance des données techniques relatives à des communications électroniques – et non les communications en elles-mêmes –, prévue par l'article 6 de la loi, a prouvé son utilité. Nous en demandons donc aussi la prorogation.

L'analyse des liens téléphoniques contribue en particulier à retrouver la trace des hébergements d'activistes clandestins, notamment ceux de l'ETA.

L'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste – UCLAT – a mis en oeuvre une plateforme de gestion des demandes de données techniques adressées aux opérateurs de téléphonie, aux sociétés de commercialisation et de services et aux fournisseurs d'accès à internet.

Parallèlement, une plate-forme de signalement sera ouverte dans un mois pour l'ensemble des sites internet aux contenus illicites. C'est en dehors de la loi.

Dans le même esprit, j'ai fait adopter à Luxembourg l'accord permettant la mise en place d'une plate-forme européenne de lutte contre la cybercriminalité et notamment contre l'utilisation d'internet à des fins terroristes.

Mesdames, messieurs les députés, dans un contexte très fragile, très sensible, la loi anti-terroriste du 23 janvier 2006 a permis une véritable avancée dans notre action de protection de nos populations contre une menace en constante évolution. Il est donc, à mes yeux, légitime de proroger les dispositions de cette loi qui, en près de trois ans d'application, ont prouvé leur utilité et leur efficacité.

L'importance exceptionnelle de ces questions exige de chacun de nous une approche sereine, constructive, qui va bien au-delà des clivages partisans, car, je le sais, nous sommes tous soucieux de la protection de nos concitoyens, en particulier quand il s'agit d'une menace aussi grave que celle du terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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