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Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 25 septembre 2007 à 21h45
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

La commission est défavorable à l'amendement.

L'article tel qu'il est rédigé reprend une disposition qui existe dans d'autres textes. Ce n'est donc pas une innovation, puisque la loi instituant la CNDS – qui fait, je crois, un travail considérable – mentionne également le caractère opposable de tels secrets en matière de défense nationale, de sûreté de l'État, etc.

Nous débattons d'un sujet très important. Le Sénat a supprimé le secret lié à la sécurité des lieux de privation de liberté, considérant de façon très pratique que, si, par exemple, les plans d'un établissement pénitentiaire n'étaient pas portés à la connaissance du Contrôleur, il pourrait y avoir des endroits où le Contrôleur ne pourrait pas aller ou dont il ne connaîtrait pas l'existence.

Les autres secrets doivent être maintenus. Nous avons eu tout à l'heure un débat sur les secrets de la défense nationale. Le Contrôleur général n'est pas habilité à connaître le secret défense et on ne voit pas pourquoi il en serait autrement. Il est évidemment nécessaire de ne pas voir divulguer, contrairement à ce que j'évoquais pour les établissements pénitentiaires, des plans de bases militaires sur notre territoire.

La sûreté de l'État concerne notamment les affaires de terrorisme. C'est surtout cet aspect de la sûreté nationale qu'a voulu viser le texte et auquel peuvent être parties d'autres pays et un certain nombre de services.

Le secret de l'enquête et de l'instruction est garanti par l'article 11 du code de procédure pénale. Il ne semble donc pas opportun de s'y immiscer. C'est assez bien reconnu par l'ensemble des juristes que nous avons consultés.

En revanche, si la procédure de garde à vue ne peut être communiquée – nous l'avons vu avec les responsables que nous avons auditionnés –, il n'en va sans doute pas de même de toutes les pièces relatives à l'organisation matérielle de la garde à vue. C'est ce que nous ont précisé les différents responsables administratifs que nous avons entendus.

Il est tout à fait légitime que le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client soit maintenu. Il s'agit par exemple de la lettre d'un détenu à son avocat. On ne voit pas très bien en quoi le Contrôleur général pourrait avoir à en connaître.

Le secret médical est sans doute celui qui pose le plus de difficultés. Je ne suis pas sûr que nous ayons intérêt à l'évoquer à l'occasion de l'examen de ce texte, qui est important, mais qui ne traite pas de tous les aspects de la condition pénitentiaire. Sans doute faudra-t-il y revenir à l'occasion de l'examen du projet de loi pénitentiaire qui sera examiné dans quelques semaines. Au Sénat, Mme la garde des sceaux a évoqué ce débat, qui prendra plutôt place dans la loi pénitentiaire.

Nous sommes face à deux contraintes. D'abord, celle qui nous est très fortement rappelée par le corps médical dans son ensemble, qu'il s'agisse des médecins ou des psychiatres. Ils considèrent qu'il n'est absolument pas question de mettre en cause pour quelque raison que ce soit le secret médical, parce que cela rendrait plus difficiles les soins qu'ils prodiguent. Ils sont donc totalement opposés – nous les avons entendus dans le cadre de nos auditions – à la moindre ouverture sur le secret médical.

La seconde contrainte tient aux difficultés rencontrées par un Contrôleur pour connaître la situation individuelle d'un détenu, d'une personne retenue s'il ne peut accéder à ce dossier médical. La seule possibilité qui existe aujourd'hui pour un individu, c'est de porter à la connaissance du Contrôleur général son dossier médical. Les seules personnes habilitées aujourd'hui à entrer dans le secret médical sont les inspecteurs de l'IGAS ou de la DDASS qui ont mis en oeuvre une procédure très intéressante. Grâce à la réorganisation de leur service et de leur système de contrôle, ils examinent la totalité des établissements qui relèvent de leur compétence sur une période de trois ans. Tous les trois ans, l'IGAS ainsi que les DDASS contrôlent l'ensemble du système pénitentiaire et tous les lieux qui ressortissent à leur compétence. Ce sont aujourd'hui les seuls de par la loi à avoir accès au dossier médical. Même un Contrôleur qui serait médecin et qui collaborerait avec le Contrôleur général ne pourrait avoir accès à ce dossier médical. Le rapport Canivet en était arrivé à la même conclusion pour assurer le bon exercice des soins, ce qui est absolument essentiel dans ce domaine.

Le docteur Coutanceau, président de l'association des psychiatres, estimait lors de son audition que la levée du secret médical serait dangereuse et de surcroît de peu d'utilité pour le contrôle, considérant qu'un médecin pourrait tout à fait connaître l'état médical de l'individu, sans pour autant consulter son dossier. En effet, si le Contrôleur général suspecte de mauvais traitements, il pourra – appuyé par des collaborateurs qui peuvent être des médecins – saisir aussitôt le procureur, qui exigera une expertise.

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