Cet article met en évidence des manquements et une supercherie.
À la fin de l'année dernière, revenant de Chine, le Président de la République a décidé – dans la précipitation, sans doute – de faire discuter au Parlement un projet de loi sur le pouvoir d'achat, puisque d'évidence le paquet fiscal de l'été dernier ne produisait pas les effets escomptés. À cette occasion, l'épargne salariale avait déjà été mobilisée, non pas au service du pouvoir d'achat, mais au service de la défense et illustration d'une politique : il est vrai que celle-ci en avait bien besoin, car les Français ne voyaient aucune traduction concrète de résultats de promesses pourtant solennellement faites.
Monsieur Bertrand, vous aviez alors promis une grande réforme de la participation ; vous aviez surtout promis de saisir le conseil national supérieur de la participation. Mais l'avez-vous fait ? Le cas échéant, ce conseil vous a-t-il donné son avis sur les mesures prises à l'époque ou sur celles que vous envisagez maintenant de faire adopter par le Parlement ? C'est un premier manquement.
Vous aviez également indiqué votre ferme volonté de ne pas limiter la participation aux entreprises de plus de cinquante salariés, mais de généraliser cette forme d'épargne salariale – qui est tout à fait souhaitable. Pourtant rien dans le texte ne le permet : c'est un second manquement, et bien curieux de surcroît pour quelqu'un qui prétend précisément défendre la participation !
Il y a aussi supercherie. Certes cet article 2 est placé sous les auspices de la liberté, mais il faut toujours se méfier lorsque la liberté est appelée en renfort pour un projet de loi sur lequel l'urgence est déclarée, et qui est présenté lors d'une session extraordinaire.
Ainsi donc, les salariés les plus modestes auraient désormais, grâce à vous, la liberté de mobiliser leur épargne de long terme pour subvenir à leurs besoins de court terme. Belle liberté que vous leur laisseriez ! Ils pourraient sacrifier l'avenir, comme l'a très bien souligné Pierre-Alain Muet, pour assurer, dans l'instant, le destin matériel pour eux-mêmes bien sûr et leur famille.
C'est une supercherie car en réalité, de liberté ils n'ont pas et n'auront pas. Ils n'ont pas la liberté de choisir ; ils n'ont que la contrainte d'assurer précisément leur destin matériel et celui de leur famille, et pour cela de mobiliser une épargne qui n'avait pas, qui n'a jamais eu et qui ne doit pas avoir cette vocation.
Les manquements sont trop nombreux au sujet de cette participation, monsieur le ministre, à propos de laquelle le nouveau souffle qui devait, selon vous, intervenir manque singulièrement. Nous condamnons la supercherie de l'appel à la liberté. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article 2.
Il y a supercherie à l'égard non seulement des salariés, mais également, et c'est peut-être plus grave – en tout cas pour nous, parlementaires, convenez que ce puisse être une source d'irritation – à l'égard du Parlement convoqué en session extraordinaire pour examiner un projet de loi qui ne nécessitait pas la procédure d'urgence et qui manifestement requérait beaucoup plus de travail.
Nous n'acceptons ni ces manquements ni cette supercherie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)