Monsieur le ministre, je tiens à répéter en quelques mots et de manière un peu plus explicite ce que j'ai dit, dans la discussion générale, sur la participation.
Avec l'article 1er, vous avez voulu étendre le dispositif aux entreprises de moins de cinquante salariés : en l'absence de contraintes, je vois mal comment vous pourrez y arriver.
Avec l'article 2, vous entreprenez une opération de liquidation de la participation, pour n'avoir pas à traiter la question du pouvoir d'achat et des salaires directs. Or la participation n'est pas un salaire différé, mais de l'épargne de moyen terme, puisqu'elle est bloquée pendant cinq ans.
Vous vous êtes déjà attaqués au dispositif il y a huit mois, en touchant au stock. Quelque 1,6 million de salariés ont demandé à libérer une partie du stock de manière anticipée, pour un total de 3,9 milliards d'euros. Monsieur le ministre, en commission, je vous ai demandé de nous éclairer sur la sociologie de ces salariés. Si des salariés de toutes les catégories ont usé de cette liberté de choix, il n'y a pas de problème : après tout, chacun est libre de choisir. Là où il peut y avoir problème, c'est dans le cas où ce seraient les salariés les plus modestes qui auraient surtout libéré leur participation, car ce serait le signe qu'ils n'ont plus les moyens de vivre correctement, de faire face au montant du loyer, au coût des transports, de l'énergie ou de l'alimentation.
Huit mois après, vous attaquez les flux. Il n'y aura plus de blocage de la participation et les salariés – notamment les plus modestes – demanderont à bénéficier de la participation. En termes clairs, vous alignez la participation sur l'intéressement, alors que ces deux formules relèvent de philosophies complètement différentes.
Le rapport de M. Giscard d'Estaing est pourtant assez clair : « L'articulation entre intéressement, immédiatement disponible, et participation, jusqu'ici dédiée à l'épargne de moyen terme, se brouille tout à fait. »
Notre ancien collègue Jacques Godfrain et M. Cornut-Gentille, qui est encore député, ont dû être de dangereux gauchistes : ils ont, en effet, commis un rapport dans lequel, à propos de la possibilité d'une fusion entre intéressement et participation, ils ont écrit : « Toute fusion de l'intéressement et de la participation aboutirait immanquablement à éliminer l'un au profit de l'autre. La participation, plus contraignante, serait immanquablement la perdante. » Ils ont cependant souligné : « Un véritable consensus social existe pour maintenir la distinction entre les deux dispositifs. […] Les rapporteurs en prennent acte avec satisfaction et rejettent toute fusion entre l'intéressement et la participation. » Je croyais que M. Godfrain et M. Cornut-Gentille étaient membres de l'UMP. En tout cas, depuis plusieurs années, ils sont reconnus comme des spécialistes de ces questions.
Je m'interroge donc sur la philosophie du dispositif. Sans doute, est il destiné à maquiller la baisse du pouvoir d'achat. Vous vous engagez dans une opération qui permettra aux salariés les plus modestes de libérer la participation : après les stocks, vous vous en prenez aux flux.
Toutefois la participation n'est pas seulement un dispositif : elle représente le financement des PME et des PMI. Pour les plus modestes d'entre elles, cela s'apparente à des quasi fonds propres. Pour 17 % des entreprises, en effet, les fonds de participation sont utilisés en quasi fonds propres. En 2005, lorsque M. Raffarin disait qu'il fallait fusionner participation et intéressement, arguant du fait qu'on était à 2 ou 2,5 % pour financer les PME, cela pouvait se comprendre. Aujourd'hui, votre dispositif n'est-il pas tout simplement procyclique ? Au moment où les investisseurs, les patrons de PME, sont obligés de souscrire des emprunts entre 5,5 ou 6,5 % pour financer des investissements, vous êtes en train d'affaiblir les quasi fonds propres de ces entreprises qui sont sous-capitalisées. C'est quand même un sérieux problème et il faudra que le ministre réponde à ces quelques questions.