Monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, lors de l'examen de ce premier débat budgétaire de la législature, je souhaite attirer votre attention sur les hommes et les femmes acteurs ou victimes de la Seconde Guerre mondiale. Cette législature sera celle du soixante-dixième anniversaire des premières années de cette guerre.
Je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler les dates essentielles de cette page de notre histoire. Est-il nécessaire de rappeler l'âge qu'auront les grands témoins de cette commémoration ? Ceux qui ont eu vingt ans en 1940 en auront quatre-vingt-dix en 2010. L'histoire commémorative nous enseigne que les soixante-dixièmes anniversaires sont les dernières grandes célébrations collectives auxquelles peuvent participer un nombre significatif de témoins. Tel a été le cas de celui de la Grande Guerre. Je souhaite donc que votre ministère et, au-delà, l'ensemble des services de l'État prennent des initiatives fortes, qui pourraient être regroupées dans un programme, lequel devrait comprendre trois volets : le droit à la reconnaissance, le devoir de l'honneur et le travail de mémoire.
Je commencerai par le droit à la reconnaissance. Entre 1945 et 2007, l'État a donné un statut à un nombre impressionnant d'acteurs et de victimes de la Seconde Guerre mondiale. On peut estimer à 3 millions le nombre de ces Français à qui la République a accordé le statut de combattants, de Résistants, de déportés, d'internés, de personnes contraintes au travail en pays ennemi, de réfractaires, d'évadés, de passeurs, de pupilles de la nation, de veuves de guerre ou de pensionnés, de justes, d'incorporés de force, de personnes transférées en pays ennemi, de patriotes résistant à l'annexion de fait, de patriotes résistant à l'occupation. Combien en restent-ils aujourd'hui ? Quelques centaines de milliers ? Au ministère de nous le dire.
Pour toutes ces dernières buttes témoins de notre histoire nationale, je souhaite que soit accompli un dernier effort de reconnaissance. À cette fin, je demande que soient listés tous les derniers contentieux et qu'une volonté de règlement soit mise en oeuvre pour la carte du combattant, les CVR, les RAD-KHD et pour tous les autres.
Le deuxième volet concerne le devoir de l'honneur. M. Jacques Chirac a créé, en 2006, une promotion spéciale de Légion d'honneur pour les Justes de France. Nous sommes fiers de cette décision. Aujourd'hui, je suggère d'aller plus loin et je propose la création de promotions spéciales de Légion d'honneur et d'ordre national du Mérite pour les acteurs et victimes de la Seconde Guerre mondiale dans leur diversité. Le mécanisme en serait simple, puisque chaque promotion devrait être liée à l'année commémorée : 2009 à 1939, 2010 à 1940. En ouvrant grands nos ordres nationaux aux citoyens qui ont un jour dépassé leur destin individuel au profit du destin collectif de la nation, nous ferons souffler un vent de fierté sur notre pays.
J'en viens maintenant au travail de mémoire, qui devrait être au centre de ce programme volontariste, mais pas n'importe quel travail de mémoire. Je propose en effet de rompre tant avec le goût de la commémoration qui a saisi notre société depuis deux décennies qu'avec le temps de la repentance qui réduit l'histoire nationale à une addition de pages noires.
Le travail de mémoire devrait s'articuler autour de trois volontés. Nous voulons d'abord une mémoire de l'intégration. Les premières années de la Seconde Guerre mondiale ont été marquées par un exceptionnel engagement des étrangers dans les armées françaises : combattants polonais, réfugiés juifs, républicains espagnols et tous les autres, qui se sont engagés d'abord pour combattre les armées de l'envahisseur et ensuite pour que la flamme de la Résistance ne s'éteigne pas. Ces combats et ces hommes sont des symboles nécessaires à notre politique d'intégration.
Cette mémoire doit ensuite être partagée. La mémoire franco-africaine oscille entre deux tendances – la repentance coloniale et la mise en valeur des racines musulmanes – avec lesquelles il est nécessaire de rompre. Si le film Indigènes a fait naître une réflexion salutaire, il n'a pas vocation à écrire l'histoire : trop de dialogues, d'images sont historiquement faux. Si l'inauguration par Jacques Chirac d'un mémorial musulman à Verdun en 2006 a été approuvée par l'opinion publique, je ne suis pas persuadé que la transformation de tous les combattants africains en authentiques musulmans soit conforme à la vérité historique.
Aujourd'hui, il est essentiel de construire une histoire partagée entre les différentes nations africaines et la France. Le soixante-dixième anniversaire de 1940 le permet. Pourquoi ne pas faire flotter chaque 11 novembre et chaque 8 mai, dans nos nécropoles nationales, le drapeau des pays dont les combattants africains tués au combat étaient natifs ? Au moment où le Président de la République lance une grande politique méditerranéenne, la mémoire partagée doit devenir un outil de cette politique.
Il faut enfin une mémoire nationale. Lorsque leur avion est abattu le 8 septembre 1939 au-dessus de Rohrbach, à quelques kilomètres de la ville dont je suis le maire, Simon Piacentini et Jean Davier sont les deux premiers combattants morts pour la France de la Seconde Guerre mondiale. Ils sont les premiers d'une longue cohorte. La mémoire de la Seconde Guerre mondiale est un élément essentiel de notre mémoire nationale. Aussi est-il nécessaire d'utiliser ce soixante-dixième anniversaire pour redéfinir le socle de connaissances minimum des citoyens français.
Comme Martin Luther King, j'ai fait un rêve, le rêve qu'aucun citoyen français ne puisse dire un jour : Charles de Gaulle, Guy Môquet, Jean Moulin, N'Tchoréré, je ne connais pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)