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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 22 décembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2008 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Oui, mais vous ne dites toujours la vérité qu'à moitié, si bien que c'est à moitié fausseté, évidemment.

La désorganisation du travail parlementaire est un symptôme, parmi beaucoup d'autres, de l'abaissement continu du Parlement face à la toute-puissance du chef de l'État.

Monsieur le ministre, vous avez parlé de pédagogie. En fin de compte, l'arme principale des députés de l'opposition, c'est de faire de la pédagogie politique pour expliquer à nos concitoyens les coups tordus que vous montez pour les passer chaque jour davantage à l'essoreuse, parce qu'il faut bien payer les privilèges que vous avez consentis aux plus fortunés. Gérard Bapt évoquait les paradis fiscaux mais il n'est pas nécessaire d'aller à Saint-Bart et à Saint-Martin. Dans l'arrondissement où nous sommes, dans le VIII e ou le XVI e, il y a des privilégiés de la fiscalité. Savez-vous par exemple où habite l'héritière des Galeries Lafayette, à laquelle vous avez l'année dernière ristourné, au nom du bouclier fiscal, un chèque de 7 millions d'euros ? Elle n'habite pas à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy. Avec un ticket de métro, vous pouvez accéder à sa modeste demeure.

Le projet que vous nous soumettez est à des années-lumière de la réalité et de la profondeur de la crise économique, sociale et financière, dont l'ampleur est encore largement méconnue, notamment parce que se succèdent les mauvaises nouvelles, qui semblent être pour vous des surprises, la dernière, il y a deux semaines, étant le krach du fonds Madoff. Ce fonds était, en dépit de la bénédiction de la SEC, un archétype du fonds spéculatif, caractéristique des excès débridés de la finance internationale durant les dernières décennies et de la recherche éperdue des rendements à deux chiffres.

De tels excès ont pu se développer, au-delà de toute raison, sans aucune considération des risques, parce que les chantres de la pensée unique économique que vous êtes sur les bancs du Gouvernement et de l'UMP n'avaient pas, durant les dernières années, de discours trop élogieux pour les magiciens de la finance multinationale, qui remplissaient si bien les bas de laine ou les coffres-forts des rentiers, mais aussi parce que les dispositifs de contrôle sont très insuffisants, voire inexistants, et, quand ils existent, sont rendus quasi inopérants par des liens et une connivence entre contrôleurs et contrôlés.

Au-delà du collectif que nous examinons, vous êtes très loin du compte en matière de lutte contre la crise et ses effets, comme le montrera le débat de janvier sur le collectif pour 2009 et sur l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés.

Ce collectif aura été l'occasion de porter un coup, qui devrait se révéler fatal, à la taxe professionnelle, dont le MEDEF s'acharne depuis longtemps à obtenir la disparition totale. C'est un jour sombre pour les collectivités territoriales et pour le principe de leur autonomie financière, pourtant garantie par la Constitution.

Ce mauvais coup, qui figurait dans le projet soumis par le Gouvernement à notre discussion, s'est accompagné d'un autre, discrètement introduit par amendement par le rapporteur général. En effet, cet amendement, introduit sous prétexte de simplification et d'esprit de responsabilité, son auteur s'affirmant surtout « très soucieux de la compétitivité de nos entreprises », a pour objet de rétablir la liaison entre le taux de taxe professionnelle et les taux des taxes d'habitation et foncières pesant sur les ménages. Et le rapporteur général d'ajouter : « …toutes les études montrent que, plus on multiplie les dégrèvements, et plus on risque d'être tenté d'augmenter le taux de la taxe professionnelle puisque c'est l'État qui paie. » « Donc, pour protéger les entreprises, il est proposé d'avoir une liaison des taux. » Il s'agirait donc de protéger les vertueuses entreprises des tentations auxquelles succomberaient facilement des collectivités locales dépensières, comme si les élus locaux étaient des irresponsables qui taxaient sans raison les entreprises.

Tout cela traduit un procès permanent de mauvaise gestion fait aux collectivités territoriales, procès instruit d'autant plus volontiers qu'elles sont très majoritairement dirigées par la gauche, collectivités qui, selon vous, ne participeraient pas assez fortement à l'effort général de maîtrise des dépenses publiques.

Cet effort abondamment prêché par le Gouvernement, il ne se l'applique désormais plus du tout à lui-même, avec un déficit budgétaire pour 2009 qui va atteindre et sans doute dépasser les 80 milliards d'euros, soit environ le tiers du budget de la nation.

Le rapporteur général a parlé de 100 milliards d'euros ce matin. Gérard Bapt a donné de nouveau le chiffre de 100 milliards ou davantage de déficit sans être démenti par le ministre du budget, ministre des comptes publics. Avant de donner des leçons de vertu aux collectivités, monsieur Woerth, prêchez par l'exemple, donnez-nous un échantillon de votre vertu, qui reste si discrète jusqu'à présent qu'on finit par en douter.

Tout cela est d'autant plus inacceptable que ce sont les collectivités territoriales qui vont devoir aider nos compatriotes, sur le terrain, à affronter les conséquences de la crise dans leur vie quotidienne, surtout que votre plan de relance ne comporte aucune mesure de soutien du pouvoir d'achat des Français.

Autre mesure de nature à léser les collectivités, celle, introduite par amendement gouvernemental, concernant le coût de la délivrance des passeports et des cartes nationales d'identité. Le Gouvernement veut se préserver des condamnations qui se multiplient devant les juridictions administratives, au titre de la réparation du préjudice qui a été causé aux communes par le transfert illégal du traitement, depuis 1999, des demandes de passeports et de cartes d'identité, y compris en mettant fin aux instances en cours et en revenant sur les ordonnances de référé qui ont été rendues.

Pour calmer la colère des maires, le Gouvernement proposait, dans son amendement, le versement d'une somme de deux euros par document, avec un plafonnement global de la dotation attribuée à cet effet à 65 millions d'euros. Le texte de la commission mixte porte le montant unitaire à 3 euros et le plafond à 97,5 millions d'euros. C'est inacceptable puisque les indemnisations obtenues en justice se chiffrent, en moyenne, à une somme comprise entre 4 et 6 euros. Il faut donc relever le montant unitaire et supprimer le plafond pour que chaque commune qui le souhaite soit justement indemnisée sur la dotation, mais aussi préserver les indemnisations déjà acquises en justice et permettre aux communes qui le souhaitent de poursuivre les instances en cours ou d'en introduire de nouvelles.

Vous avez fait de la lutte contre la fraude l'un des sujets de ce texte, ce qui était bien le moins quand on connaît le poids de la fraude et des fraudeurs dans la crise financière, mais l'une des questions soulevées, alors que se profile une nouvelle vague de suppressions d'emplois pour 2009 dans les services fiscaux, est de savoir s'ils auront tout simplement le temps de traiter ces questions, dont on peut prévoir que le nombre sera en hausse. Il faut souligner qu'en dépit de la mondialisation la part des redressements en matière de fiscalité internationale est passée de 10,3 % en 2000 à 8,8 % en 2007.

Ce collectif s'inscrit donc dans le même esprit et le même cadre que le projet de loi de finances pour 2009. Il aggrave les difficultés quotidiennes de nos compatriotes et des collectivités locales. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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