Pour certaines sociétés d'auteurs, il s'agirait d'une « stratégie de coup d'État » Pas moins ! Je trouve surprenant qu'une société privée ose dire cela à des parlementaires qui n'ont fait qu'exercer leur droit de vote.
De façon scandaleuse, le président du groupe UMP a déclaré hier en séance que le vote de rejet avait créé dans le pays une vague d'antiparlementarisme ! Il serait préférable de se poser des questions sur les raisons du rejet et du faible nombre de députés en séance.
Que je sache, nous sommes encore en démocratie ! La représentation nationale – et en tout cas les députés de l'opposition qui viennent en séance – ont encore le droit de voter « contre » sans se faire taxer de « faire une manoeuvre d'obstruction ». Ce n'est pas à l'opposition d'éviter d'être présente pour pallier l'absence de députés de votre majorité. Sinon, autant dire que le Parlement n'a aucun rôle à jouer dans nos institutions et qu'il peut s'auto- dissoudre !
Mais faisons attention à ne pas laisser penser que le régime politique de notre pays n'est qu'une sorte d'oligarchie people sortie des dîners au Fouquet's, gravitant autour d'un monarque élu pour cinq ans (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et qui peut décider de tout, notamment de tous les passages en force possibles, en ridiculisant le Parlement avec des députés qui se déjugent d'une semaine sur l'autre.
Les députés Verts et leurs collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine rejettent particulièrement plusieurs propositions de ce texte.
Ils dénoncent l'absence de revenus supplémentaires pour les auteurs – nous en avons déjà parlé tout à l'heure. Ils rejettent les sanctions décidées sans l'intervention de l'autorité judiciaire, les bases techniques d'incrimination incertaines comme l'adresse IP, le mouchard obligatoire, la double peine, la coupure de la connexion Internet et le paiement de l'abonnement alors que celui-ci est suspendu.
Nous rejetons pour la partie concernant les journalistes la dénaturation des accords professionnels du « Blanc », signés lors des États généraux de la presse avec des engagements du Président de la République qui sont remis en cause aujourd'hui et qui mettent le feu à la profession.
Je voudrais m'arrêter quelques instants sur l'article 6, qui fait obligation à tous les citoyens de notre pays d'installer un « dispositif de sécurisation de la connexion ». Il s'agira, comme Mme la ministre l'a confirmé lors de l'examen de l'article 6 en première lecture, d'un logiciel espion-mouchard sans intervention de l'autorité judiciaire ! Pire, la commission des lois, lundi dernier, a adopté un amendement du rapporteur précisant que le mouchard devra surveiller non seulement la connexion à la toile mais aussi les communications électroniques.
La commission des lois, réunie selon la procédure de l'article 88, a certes supprimé un certain nombre de ces dispositions, mais pas sur l'ensemble des articles. Il subsiste, pour le moment encore, l'obligation de sécuriser sa messagerie Internet. Si cette obligation est maintenue, cela permettra l'espionnage des correspondances privées, comme les e-mails ou l'utilisation du skype pour les communications téléphoniques. Aujourd'hui, des représentants des fournisseurs d'accès s'en sont émus et ont annoncé qu'ils soutiendraient l'amendement que nous avons déposé avec M. Jean-Pierre Brard, au nom du groupe GDR.
Par ailleurs, un amendement du rapporteur, voté en première lecture, officialise les expérimentations de filtrage du Net. Chers collègues, je vous invite à chercher sur Wikipedia la page « filtrage du Net ». Elle vous explique les techniques limitant l'accès à certains sites normalement accessibles sur le réseau Internet. Cette page vous donnera aussi le lien vers celle « censure de l'Internet » quant à l'utilisation faite de ces méthodes de filtrage dans un certain nombre de pays de la planète.
Ce n'est, semble-t-il, qu'un début, puisque l'article 6 de la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure prévoit d'enterrer la neutralité d'Internet qui en est pourtant son essence même, via « la captation de données numériques à distance ». Il prévoit d'ordonner aux fournisseurs d'accès Internet de censurer l'accès à des sites listés par arrêté du ministère de l'intérieur, sans intervention de la justice ! Dans le même temps, le projet de loi sur l'ouverture à la concurrence des jeux d'argent et de hasard en ligne prévoit de confier à une autorité de régulation des jeux en ligne – une haute autorité de plus, un démantèlement supplémentaire de la justice ! – le pouvoir de saisir le juge des référés pour obtenir le filtrage des sites de paris non agréés. Nous réclamons depuis le début pour Hadopi que la justice soit saisie pour la coupure d'Internet. Ce n'est malheureusement pas le cas.
En fait, en rapprochant ces trois projets de loi, on comprend mieux votre obstination à contrôler Internet avec cette loi Hadopi. Il s'agit bien d'une politique d'État cohérente.
Un mur d'incompréhension s'est dressé entre certains artistes, partisans de cette loi, et les internautes qui s'y sont opposés. Mais autant on peut trouver des artistes qui sont « pour », comme d'autres qui sont « contre » la loi Hadopi, autant on ne trouvera pas d'internautes qui sont « pour » cette loi. Ce n'est pas un hasard ! Et ce n'est pas parce que tous les internautes téléchargent sans respecter les droits d'auteurs.
Aujourd'hui, vous ne pouvez nier que des cinéastes s'engagent désormais contre votre loi, que des producteurs de disques indépendants s'engagent aussi contre celle-ci, ainsi que des responsables de salles de cinéma indépendantes.
Chacun – auteurs ou internautes – a tendance à accuser l'autre de ne penser qu'à ses propres intérêts. Pourtant, il est indispensable que chacun écoute l'autre, afin de trouver ensemble des solutions applicables qui ne remettent en cause ni le droit d'auteur, ni la neutralité du réseau.
De la même manière que culture ne rime pas avec censure, Internet ne rime pas avec malhonnête.
La diffusion sur Internet bouleverse profondément le modèle culturel jusqu'ici en vigueur. Avec le « Web 2.0 » qui pose tant de problèmes à notre collègue Frédéric Lefebvre, l'Internet n'est plus statique ou seulement dynamique. Il est devenu interactif. Les interfaces permettent aux internautes d'interagir à la fois avec le contenu des pages, mais aussi entre eux. Le partage n'est-il pas en lui-même le fondement de toute approche « culturelle » des relations sociales ?
Qui n'a pas rêvé de voir ses oeuvres accessibles au plus grand nombre, non seulement dans son pays mais à l'échelle de la planète ? Internet permet ces formidables échanges culturels qui se jouent ainsi des frontières, des barrières culturelles, des interdits nationaux. Oui ! Internet est un outil merveilleux de diffusion, d'échanges, de productions, d'informations. Alors, aujourd'hui, certains sont pris de vertige, devant cette liberté et ne veulent plus qu'une chose : vite refermer cette fenêtre qui s'est ouverte sur la connaissance et surveiller, contrôler, corseter.
Certes, Internet peut aussi véhiculer des idéologies nauséabondes, permettre des activités criminelles nouvelles, des escroqueries, la vente de produits de contrefaçon, y compris avec les risques que cela peut comporter pour la santé.
La meilleure façon de prévenir n'est pas d'essayer de dresser des murs, de mettre tout Internet sous contrôle, ce qui n'est pas possible. La meilleure façon c'est d'éduquer. De la même façon qu'on apprend aux enfants à sortir dans la rue en prenant des précautions, il faut enseigner à utiliser Internet. Grâce à cette éducation, nous réduirons les risques encourus et le respect sera enseigné.
Comme l'ensemble des acteurs de l'informatique se dressent contre ce monstre que vous êtes en train de créer, vous nous expliquez qu'il s'agit d'une loi « pour faire peur ». Certains artistes, comprenant qu'ils se sont embarqués dans une croisade qui n'est pas la leur et qui les oppose à leur propre public, parlent de « loi symbolique ». Mais une loi n'est là ni pour le « symbole », ni pour « faire peur ». Elle est là pour dire que ce qui n'est pas autorisé et prévoir les sanctions en cas de non-respect de la loi.
Peut-être faudrait-il se poser la question des raisons de la non-efficacité de la loi DADVSI. Mais pour cela il nous faudrait une véritable étude d'impact, comme le réclame l'Union des consommateurs UFC-Que Choisir. Vous avez refusé cette étude. Vous n'avez fait aucun effort pour déposer le rapport de bilan de la loi DADVSI.
Autant télécharger sans respecter les droits d'auteurs n'est pas acceptable, autant il est abusif et réducteur d'en tirer la conclusion que cela fait autant de revenus en moins pour les auteurs. Il est fort vraisemblable que nombre d'oeuvres téléchargées sans payer ne le seraient pas si cela devenait coûteux, le pouvoir d'achat n'étant pas extensible. Les utilisateurs seraient amenés à procéder à des choix entre diverses oeuvres culturelles.
Il faudrait aussi se poser des questions sur la contradiction entre réprimer le téléchargement et continuer à laisser sur le marché des matériels ayant des capacités de stockage toujours plus importantes. Un Iphone par exemple a une capacité de 16 Go, ce qui permet de charger environ 4 500 morceaux de musique, soit 6 000 euros d'achats sur Itunes.
Pourquoi encourager la vente de tels matériels surtout de la part de sociétés qui sont à la fois constructeurs de lecteurs et producteurs et distributeurs de musique et de films ? Il faudrait aussi étudier ces questions. Vous n'avez pas cherché à le faire, car cette loi est pensée par quelques-uns pour quelques-uns : principalement les majors de la production et les artistes qui leur sont liés.
La meilleure preuve est que vous n'avez à aucun moment envisagé la question des droits d'auteurs des photographes, des infographistes, des comédiens du théâtre vivant, etc.
Madame la ministre, vous êtes bien mal placée pour accuser l'opposition de fragiliser la culture alors que le budget de votre ministère est en régression avec notamment l'absence de dégel de la ligne 131 consacrée à la création pour les lieux de musiques actuelles. Nous entrons en fait dans une nouvelle ère de la culture, version Nicolas Sarkozy. Culture d'État, artistes d'État, Internet d'État.