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Intervention de Olivier Carré

Réunion du 1er avril 2008 à 9h30
Logement adapté à chacun et abordable à tous — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Carré :

Même si l'on a beaucoup critiqué l'aspect spéculatif de certains programmes, le ralentissement de l'immobilier veut dire moins de mises en chantier et moins de libération du foncier. À terme, l'offre nouvelle s'asséchera, comme dans les années quatre-vingt-dix, début de la dernière crise que nous avons connue en France – et que les dirigeants de l'époque n'avait pas su anticiper – avec pour conséquence une forte baisse de la construction entre 1997 et 2002. Ces cycles immobiliers sont dangereux en termes de politique de l'habitat où maîtriser le temps, c'est-à-dire le rythme de la construction, est au moins aussi important que la maîtrise de l'espace.

Dans ce contexte, l'effort de construction de logements sociaux pourrait être compromis. Nous devons donc anticiper cette situation, et nous pouvons le faire. À la différence des années quatre-vingt-dix, nous avons aujourd'hui un véritable réseau d'acteurs territoriaux, intercommunalités et départements, qui sont les artisans de leur propre politique de l'habitat. Ils l'ont contractualisée avec l'État, en accord avec les orientations arrêtées dans les différentes lois déjà citées. Nous devons nous appuyer sur ces collectivités pour qu'elles pilotent au plus près du terrain les conséquences d'une crise de l'immobilier. Il faut éviter toute remise en cause du redressement de la construction qui est en cours. Nous devons tout faire pour que la crise de l'immobilier qui se profile ne se traduise pas par une future crise du logement dans cinq ou six ans. Parce que nous connaissons ces mécanismes, aujourd'hui, nous avons les moyens d'éviter le pire. Pour cela, nous devons étudier sereinement, mais rapidement, deux mesures qui parachèveront le processus législatif mis en oeuvre par nos prédécesseurs et qui me semblent aujourd'hui plus urgentes que la quarantaine de dispositions proposées dans cette proposition de loi.

Tout d'abord, nous devons trancher entre le retour des aides à la pierre dans le giron de l'État et le transfert, rapide, de cette compétence aux collectivités territoriales. Notre système actuel de décision, à mi-chemin entre ces deux positions, ne résistera pas à la crise immobilière qui se profile et qui affectera le développement de la construction et du logement sur l'ensemble du territoire, quelle que soit la bonne volonté des acteurs. La connaissance, l'expertise du territoire, le contact avec les habitants – dont il a été rappelé qu'il est fondamental pour l'émergence de nouveaux programmes –, tous ces éléments militent pour que la compétence soit transférée aux collectivités. En quelques années, des villes comme Nantes, Bordeaux, Marseille, ou encore Rennes, ont montré leur totale efficacité dans le domaine de la mise en oeuvre de politiques locales de l'habitat.

Si l'on ne veut pas que la future crise de l'immobilier dégénère en une nouvelle crise du logement, nous devons donner le pouvoir d'agir à ceux qui seront responsables de cette politique et qui doivent donc être en mesure de la mettre en oeuvre totalement. Puisqu'elles le sont dans les faits, donnons aux collectivités le statut de véritables autorités organisatrices de l'habitat, dotées de pouvoirs et de moyens ad hoc, notamment financiers.

Le second volet vise à donner des moyens aux bailleurs sociaux pour être beaucoup plus réactifs dans la gestion et le développement de leur patrimoine. Par exemple, en contractualisant plus facilement et plus rapidement qu'aujourd'hui des logements construits par des opérateurs privés. La vente en état futur d'achèvement et les partenariats public-privé sont des pistes que les bailleurs sociaux devraient plus facilement emprunter. Actuellement, il faut entre quatre et cinq ans entre la décision de construction et l'installation des premiers locataires. La VEFA ou les PPP permettent de diviser par deux cette durée. Leur efficacité voudrait que nous les utilisions beaucoup plus facilement. Ces programmes, généralement intégrés à des opérations plus importantes de logement en accession, participent à la mixité sociale, que nous appelons tous de nos voeux dans la construction des villes. Nous devons aider les organismes à accroître leur réactivité. Il faut qu'ils soient prêts à saisir des opportunités sur le marché de l'immobilier quand celui-ci sera redevenu accessible pour le plus grand bénéfice de leurs futurs locataires.

Ces deux axes – confortement des collectivités comme responsables de la mise en oeuvre de la politique de l'habitat et libération de la réglementation des organismes sociaux – peuvent sembler anecdotiques, voire technocratiques face à la question du logement. Mais la question du logement, ce n'est pas qu'une urgence : il faut aussi savoir pourquoi, depuis longtemps, nous sommes l'un des grands pays développés qui a à la fois le plus de logements sociaux et le plus fort taux de mal logés. Pourquoi est-il si difficile, dans notre pays, et plus qu'ailleurs en Europe, d'avoir un parcours résidentiel digne de ce nom ? Nous ne pourrons pas répondre aujourd'hui à cette question, que ce soit par les deux mesures que je viens d'évoquer ou par les quarante qui figurent dans votre projet, monsieur le rapporteur. Simplement, la politique du logement a besoin de temps et de stabilité juridique. Ces dernières années, des décisions importantes ont été prises, qui portent déjà leurs fruits, comme je l'ai démontré tout à l'heure.

Si l'État sait avoir confiance en eux, tous les acteurs du logement se mobiliseront d'eux-mêmes. Des pilotes de terrain, forts et confirmés, et des acteurs du logement, notamment les bailleurs sociaux, réactifs et aguerris, sont les meilleurs garants pour passer des temps difficiles. Ceux-ci se profilent à travers une crise immobilière qui semble inéluctable. Sachons transformer ces menaces en autant de chances pour loger nos concitoyens. Nous en avons les moyens : sachons les mettre en oeuvre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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