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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 28 mai 2009 à 15h00
Promouvoir une autre répartition des richesses — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, vous êtes le plus compétent pour parler de la répartition des richesses, car chacun sait que vous êtes un ultralibéral. Vous savez au moins de quoi vous parlez, ce qui n'est pas toujours le cas de certains de vos collègues du Gouvernement ou de l'UMP, qui sont simplement idolâtres du Veau d'or. Vous faites peut-être partie de ceux qui considèrent que, à trop tirer sur la corde, on risque de la rompre. Nous le verrons tout à l'heure, lorsque vous nous donnerez votre position finale sur le texte.

L'INSEE a récemment publié son édition 2009 du rapport Les revenus et le patrimoine des ménages. Cette étude, qui s'appuie sur les résultats d'une enquête sur les revenus de 2006, fait apparaître que le niveau de vie médian en France se situe à 17 600 euros, soit 1 470 euros mensuels. Voilà une information qui serait profitable à M. Gadonneix ou à M. Mestrallet !

Parallèlement, en ces temps de crise économique où la crainte du chômage le dispute à l'angoisse de la précarité, il n'est pas de semaines où la presse ne se fasse l'écho d'un nouveau scandale. L'annonce, en mars dernier, de l'octroi par la Société générale de 320 000 stock-options à quatre de ses dirigeants, celle de l'attribution d'un parachute doré de 3,2 millions d'euros pour l'ex-PDG de Valeo, l'ont disputé à l'annonce du versement de 51 millions d'euros de bonus aux dirigeants d'une filiale du Crédit agricole ou à celle de l'attribution de 1,1 million d'euros de stock-options aux dirigeants de GDF Suez. Tous ces scandales, qui soulignent la volonté affichée des dirigeants des grandes sociétés de tirer pleinement bénéfice de la crise économique, ont suscité un légitime mouvement de protestation dans l'opinion publique.

Le flou qu'a souhaité entretenir le Président de la République en ouvrant le débat sur un nouveau partage des bénéfices vise à apporter une fausse réponse à ce mouvement de colère. En effet, les formidables inégalités qui ont suscité les réactions des salariés ou des chômeurs, et qui se sont creusées du fait du niveau indécent des dividendes versés aux actionnaires et des rémunérations scandaleuses des grands patrons, ne peuvent se résoudre que par le biais de la fiscalité et de mesures contraignantes limitant ces rémunérations.

Les dispositions prévues dans cette proposition de loi sont loin d'être idéologiques. Au contraire, elles sont ancrées dans le réel. Et ce réel, celui que la majorité des Français vit aujourd'hui, est bien celui d'une dérive reposant sur trois éléments : la profonde dégradation des comptes publics, d'une part ; l'accroissement des inégalités de revenus et de patrimoines, d'autre part ; l'organisation systématique d'une fiscalité favorisant la détention du capital plus que l'exercice d'un travail, enfin.

La dégradation des comptes publics nous est malheureusement trop connue pour que je m'y attarde. Selon la prévision du Gouvernement dans le dernier collectif budgétaire – en attendant bien sûr le suivant annoncé pour l'été –, le déficit de l'État s'établirait, en 2009, à 103,8 milliards d'euros, soit une dégradation de 17 milliards d'euros par rapport à la première loi de finances rectificative pour 2009 et de 51,8 milliards d'euros par rapport aux prévisions du projet de loi de finances initiale pour 2009.

Au total, à la fin de l'année 2009, l'encours de la dette négociable de l'État pourrait être très proche de 1 100 milliards d'euros. Après 1 017 milliards d'euros à la fin de 2008, l'augmentation serait supérieure à 4 points de PIB.

Dans ces conditions, et en tenant compte des déficits croissants des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale, la dette publique atteindra 73,9 % du PIB, en augmentation de 10 points.

Mais nous savons que ces chiffres reposent sur des estimations de février 2009 et que la situation économique s'est encore dégradée depuis.

Il n'est pas dans mes intentions de contester ces chiffres, et encore moins de nier les conséquences de la crise, tant en termes de diminution des recettes liée à la contraction de l'activité économique, que de dépenses imposées par la relance, même si l'on peut juger totalement déséquilibrée la voie retenue par le Gouvernement qui s'attache à relancer unilatéralement l'investissement davantage que la consommation, notamment celle des ménages les plus démunis.

Devant cette dégradation des finances publiques, la majorité actuelle ne souligne que la nécessité de maintenir la maîtrise de la dépense pour limiter le glissement des déficits, sauf à rendre particulièrement périlleux le rétablissement des finances publiques.

Je tiens à présenter une autre voie de réflexion, qui prendrait notamment en compte l'accroissement des inégalités de revenus et de patrimoine, dans le contexte de l'organisation d'une moindre progressivité de l'impôt. Une autre politique, la promotion d'une autre répartition des richesses est possible.

Comme dans les années qui précédèrent la crise de 1929, la dernière décennie a vu se développer une explosion des inégalités. Une étude sur les très hauts revenus en France entre 1998 et 2006 confirme cette évolution, qui est aussi celle retenue par le Conseil des prélèvements obligatoires. Elle montre qu'on observe une stagnation des revenus des 90 % des ménages modestes entre 2002 et 2006, augmentation de 4,6 % sur l'ensemble de la période, alors que la part des revenus des ménages les plus favorisés augmente d'autant plus qu'elle était élevée à l'origine, pour atteindre jusqu'à 42,6 % pour les 0,01 % des ménages les plus favorisés, au nombre de 3 500.

La hausse des très hauts revenus en France s'explique par deux facteurs principaux : l'augmentation des revenus des capitaux mobiliers d'une part, un taux de croissance des revenus du travail les plus élevés au taux de croissance moyen des revenus salariaux, notamment en raison du niveau inconsidéré des options d'action offertes aux dirigeants des sociétés du CAC 40.

À l'explosion de ces inégalités de rémunération correspondent les inégalités mesurées en termes de patrimoine.

Le Conseil des prélèvements obligatoires souligne que la répartition des patrimoines semble encore plus inégale que pour les revenus. Fin 2003, 10 % des ménages possédaient un patrimoine brut inférieur à 900 euros. Pour les 10 % les plus riches, il était en revanche supérieur à 380 000 euros, soit environ 400 fois plus élevé.

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