Je suis très étonné que l'on puisse proposer un tel article. Je me suis demandé quelle était sa vocation, à part d'être décoratif. Mais je ne vois pas l'intérêt d'insérer des dispositions décoratives dans la Constitution. Nous n'avons pas besoin de cela, mais de dispositions utiles. Comment voulez-vous que le cas de figure prévu à l'article 19 se produise ? Comment serait-il envisageable que le Gouvernement n'ait de majorité ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat ? C'est tout simplement inconcevable puisque cela signifierait, dans notre architecture constitutionnelle actuelle, qu'il n'aurait pas été investi. Je ne vois donc pas pourquoi l'article dispose que le Gouvernement ne peut pas déclarer l'urgence si les conférences des présidents des deux assemblées s'y sont conjointement opposées. Ce n'est même pas l'une des deux ! Et même si une seule conférence avait suffi pour bloquer le processus, cela aurait été tout de même assez choquant puisque l'on sait très bien qu'étant donné l'absence d'alternance au Sénat, un gouvernement de gauche aurait pu être en butte à une opposition de sa part.
Cet article renvoie donc à une supercherie : on essaye de nous faire croire, ainsi qu'à l'opinion – malheureusement, certains commentateurs s'y laissent prendre –, que les pouvoirs du Parlement sont renforcés, alors qu'en fait, on ne renforce, au mieux, que les pouvoirs de la majorité parlementaire, qui se confond en général avec celle du Gouvernement puisque celui-ci en est issu. Je ne vois donc même pas l'intérêt de cette disposition.
C'est pourquoi l'amendement propose que l'opposition, si elle représente une fraction suffisante de l'Assemblée ou du Sénat – un tiers –, puisse lever l'urgence. En effet, on sait bien que la procédure d'urgence est utilisée de façon abusive, notamment depuis le début de cette législature.
Adopter cet amendement serait aussi une forme de responsabilisation de l'opposition car celle-ci aurait à rendre des comptes devant l'opinion si elle s'opposait à une déclaration d'urgence vraiment nécessaire.