Je souhaite revenir sur les arguments qui ont été présentés de part et d'autre de l'hémicycle quant au principe constitutionnel.
Les constitutionnels de 1958 qui n'étaient pas des tendres et qui savaient manier les termes juridiques ont construit un texte, je le reconnais même si je ne partage pas complètement leur point de vue, à partir d'arguments qui peuvent encore nous éclairer. Ils avaient un sens du droit et de la formule. Je souhaiterais que nous nous en inspirions. Ils ont émis un principe qu'ils n'ont pas inventé mais qu'ils ont puisé dans les valeurs des droits fondamentaux de nos démocraties, à savoir le droit d'amendement.
Vous aurez noté que l'article 44 de la Constitution confère au Gouvernement la possibilité de limiter le droit d'amendement, ce qui a toujours été considéré comme un instrument nécessaire dans toute démocratie pour permettre à un gouvernement de réagir, face à des enjeux d'intérêt général, dans le cadre de la Constitution.
Pourquoi votre proposition scelle-t-elle définitivement l'altération à ce principe ? L'article 44 de la Constitution est mis en oeuvre par les articles 88 et 99 du règlement de notre assemblée, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.
Je voudrais appeler votre attention sur le fait que l'article 18 du projet de loi confie à une loi organique le soin de déterminer le cadre du règlement de l'Assemblée : « Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ». Mes chers collègues, cela sous-entend – et c'est très grave – que le règlement de l'Assemblée trouvera son cadre dans une loi organique. Or ce n'est jamais arrivé ! C'est toujours la Constitution qui a encadré notre règlement. Nous avons puisé dans la Constitution les principes d'organisation de notre travail. Cette proposition est inacceptable, et le sort qui lui sera réservé au cours de la navette sera déterminant pour nous !
Par ailleurs, procéder ainsi, c'est entamer un droit fondamental, qui nous appartient et qui vous permets actuellement, chers collègues de la majorité, de participer ensemble ou individuellement à l'oeuvre de constituant, que nous partageons. Je vous rappelle que l'état actuel du droit constitutionnel vous permet de débattre individuellement sur ce projet. Je ne suis pas certain que, demain, vous aurez ce même droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)