Par différents courriers, j'ai appelé l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des transports sur les difficultés que présentait la mise en service des nouvelles motrices sur le réseau ferré insulaire.
Je rappelle que les organes de presse locaux et une grande partie des personnels de Chemin de Fer de la Corse s'étaient inquiétés des problèmes liés au franchissement des « gauches » par les nouveaux autorails. Contrairement à ce que pourrait laisser penser cette expression, il ne s'agit pas d'un sujet politique (Sourires), mais d'un terme technique désignant la différence entre le tracé théoriquement rectiligne des voies et le profil en long du tracé réel.
Il ressort à présent que tout risque réel serait écarté par une réduction sensible de la vitesse. Pour être clair, le maître d'ouvrage, c'est-à-dire la collectivité territoriale de Corse, a choisi des autorails – au demeurant excellents – qui exigent, pour aller à pleine vitesse, des voies ferrées dont le profil en long soit beaucoup plus rectiligne que celui de notre réseau insulaire, même après sa rénovation complète.
Dans une telle situation, il n'existe que quatre solutions : premièrement, refaire l'ensemble des travaux sur la voie pour améliorer sa rectitude et réduire ce que l'on appelle les « gauches » ; deuxièmement, changer les trains pour les rendre plus aptes à franchir les « gauches » telles qu'elles sont – ce qui, dans un cas comme dans l'autre, coûterait extraordinairement cher ; troisièmement, ralentir considérablement la vitesse des trains, et se priver ainsi des performances des motrices que l'on a choisies ; enfin, on peut aussi faire semblant et mentir en s'en remettant à des essais techniques biaisés pour faire l'impasse sur la sécurité, ce qui n'est évidemment pas souhaitable.
Il ressort des discours successifs du maître d'ouvrage que les deux dernières solutions ont été envisagées et qu'en définitive, on réduira considérablement la vitesse des trains, pas assez, cependant, pour assurer une complète sécurité. Lorsque les travaux seront achevés, l'État aura dépensé au total, au titre du contrat de plan et du programme exceptionnel d'investissement, 93 millions d'euros de subventions, ce qui représente une somme considérable dont on peut penser qu'elle aurait pu être utilisée pour réaliser d'autres investissements en Corse ou ailleurs. Certes, on pourra bénéficier d'une voie ferrée rénovée et de trains plus modernes et plus confortables, mais on aura totalement manqué l'objectif principal que l'on s'était fixé, celui d'un substantiel raccourcissement des temps de parcours, essentiel pour le passager, l'aménagement du territoire et même l'équilibre économique à long terme de l'exploitation.
Face ce constat, que l'on peut étayer par des pièces techniques et qui a d'ailleurs été livré à la presse par le maître d'ouvrage lui-même, que compte faire l'État ? Compte tenu de l'engagement financier de l'État – près de 100 millions d'euros –, envisagez-vous une assistance au maître d'ouvrage, doublée d'une enquête administrative qui pourrait être confiée à des experts de votre département, afin de comprendre ce qui s'est passé et, surtout, d'essayer de déterminer quelle solution il convient d'adopter ? Il est vraiment dommage d'avoir dépensé autant d'argent dans une intention au départ tout à fait justifiée, mais qui ne se traduira finalement pas par une diminution du temps de parcours, ce qui constituait l'objectif essentiel de la démarche entreprise.