Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, il y a quelques années, au moment de l'OPA du groupe ALCAN sur l'entreprise Pechiney, j'avais interrogé votre prédécesseur, Mme Nicole Fontaine, sur les dangers encourus par les salariés de cette entreprise. Elle n'avait pas eu de mots assez apaisants pour rassurer les employés de cette usine et vanter les mérites de cette acquisition, allant jusqu'à souligner « l'engagement d'ALCAN de faire de la France le coeur de ses activités aéronautiques ». Malheureusement, tel ne fut pas le cas : après la première mort du groupe Pechiney, vendu 5 milliards de dollars au groupe canadien ALCAN, celui-ci, bafouant la totalité de ses engagements, a revendu le groupe 44 milliards de dollars à l'anglo-australien Rio Tinto.
À la suite de l'entrée du groupe américain ALCOA et du groupe chinois CHINALCO dans le capital de Rio Tinto, BHP Billiton a engagé une OPA sur l'entreprise, proposant plus de 100 milliards d'euros pour son acquisition.
Dans un tel contexte, l'inquiétude est grande de voir disparaître des secteurs entiers et des sites industriels implantés en France, et en particulier celui d'Issoire. En 2003, au moment de la première vente, Jean-Pierre Rodier, ancien patron de Pechiney, affirmait : « Pechiney ne sera pas une simple filiale, mais deviendra un grand pôle mondial du groupe à côté du Canada. »
Rétrospectivement, on mesure combien ces propos étaient imprudents, pour ne pas dire irresponsables. De même, on peut se demander si le Gouvernement, conscient des risques pour le devenir économique de cette filière, ne cherchait pas, avec les déclarations de Mme Fontaine, à se rassurer lui-même.
Monsieur le secrétaire d'État, plus que jamais, l'inquiétude est grande parmi les salariés de Rio Tinto, ex-ALCAN, ex-Pechiney, en raison des opérations financières et capitalistiques répétées qui font peser la menace d'un drame social, avec son cortège de licenciements et de délocalisations, et qui fragilisent d'autant plus l'entreprise que les repreneurs potentiels ne sont pas toujours des industriels, mais souvent des banquiers plus intéressés par les plus-values à récupérer que par le devenir industriel de l'entreprise.
Or la vente est en cours, actuellement en phase de prémarketing et bientôt de visite d'usine. Dans un secteur aéronautique très porteur, étant donné la nécessité de renouveler les parcs d'avions et l'ouverture à de nouveaux marchés, le site d'Issoire est particulièrement opérationnel et performant. Il serait déplorable que la logique financière l'emporte, dans le choix du repreneur, sur la logique industrielle.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai rencontré les responsables du ministère le 4 décembre 2007 : ils m'ont fait part de vos préoccupations et de votre volonté de suivre de près l'évolution de ce dossier et se sont engagés à me tenir informé, ce qui, depuis cette première entrevue, n'a pas été fait.
Or, depuis, les salariés de l'entreprise comme les élus du secteur d'Issoire, attachés à une entreprise fondamentale pour le secteur, s'inquiètent de son devenir.
Avec le maire d'Issoire, nous avons rencontré le directeur du site local qui, bien que rassurant sur l'activité, a reconnu que la période d'attente n'est favorable ni à l'optimisation de la production ni à une bonne lisibilité de la stratégie industrielle du groupe.
Nos craintes initiales ont été confortées avec la première mort de Pechiney : les propos lénifiants de M. Rodier et de Mme Fontaine ont été contredits dans les faits. Aujourd'hui, quelles assurances et informations pouvez-vous nous apporter sur le devenir industriel du site d'Issoire et sur le maintien des emplois ? Au moment où chacun mesure combien l'irresponsabilité des spéculateurs a des conséquences dramatiques sur l'économie et l'emploi, vous comprendrez nos inquiétudes et nos attentes.