Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, nous examinons les crédits de la mission « Économie » à un moment très particulier. La crise économique majeure dans laquelle notre pays est entré depuis plusieurs mois se traduit d'ores et déjà par une augmentation du nombre de faillites d'entreprise, de 17 % supérieur au troisième trimestre 2008 à celui enregistré à la même période en 2007, et par une hausse du chômage, particulièrement dans le secteur automobile. Par ailleurs, nous ignorons les conséquences globales, à terme, de la crise financière sur l'ensemble de notre tissu économique et sur nos entreprises, qui n'y étaient pas préparées. L'ampleur de la crise imposerait donc une réponse exceptionnelle. Or si l'on peut partager les objectifs que vous affichez en matière de développement économique et de développement des entreprises, force est de constater que les moyens qui leur sont consacrés par la collectivité publique sont loin de permettre de les atteindre.
Le budget affecté aux différentes actions est au mieux stable. Il est même parfois en diminution. Les moyens humains, certes restructurés, sont eux aussi en nette diminution, RGPP oblige, sans que soient connues leurs véritables missions et la déclinaison de leur organisation au niveau régional et départemental. Il est donc facile de constater qu'il n'y a pas de corrélation entre les discours du Président de la République, converti depuis peu au rôle régulateur de l'État en matière économique, et la traduction budgétaire de l'action du Gouvernement. Sauf miracle, on peut légitimement penser que la crise s'amplifiera, ce qui entraînera de nouvelles pertes d'emploi et fragilisera des pans entiers de notre économie, sans compter l'aggravation du problème récurrent du pouvoir d'achat qui, faute d'être résolu, a bloqué la relance de la consommation.
Par ailleurs, même si la crise financière accentue les difficultés de notre économie, certaines causes structurelles persistent. Le sacro-saint libéralisme qui inspire l'action gouvernementale depuis 2002 a empêché qu'on s'y attaque. Et ce n'est pas la pseudo-décentralisation de 2004 qui a pu y apporter un remède. Seule peut-être la mise en place des pôles de compétitivité a marqué une volonté de corriger le laisser-faire, traduisant un certain volontarisme politique, largement relayé d'ailleurs par les régions qui, à cette occasion, ont su se montrer offensives.
Cependant, jusqu'à présent, aucun effet ne s'est fait sentir sur la structure de nos entreprises. La France ne dispose pas d'un nombre de PME suffisamment important, en particulier dans la strate des entreprises de 100 à 300 salariés et plus, pour donner de la consistance à notre tissu économique. Par ailleurs, et il y a certainement là une relation de cause à effet, notre commerce extérieur affiche un déficit en passe de devenir abyssal alors que celui de l'Allemagne est excédentaire. Il faut espérer que les nouvelles missions d'Ubifrance lui permettront d'apporter un soutien plus marqué à nos entreprises afin qu'elles s'engagent plus fortement dans l'export, même si cela ne sera pas suffisant.
Il est facile aussi de constater, de manière générale, que les différentes lois votées depuis plus d'un an – loi TEPA, loi de modernisation de l'économie, différentes lois sur la consommation – n'ont pas eu les effets attendus sur notre économie, malgré quelques points positifs. Je ne pense pas qu'elles aient été à la hauteur des enjeux et d'ailleurs peu de personnes y ont vraiment cru.
Il serait sans doute nécessaire de lancer une réflexion de plus grande envergure, voire d'organiser un Grenelle de l'économie afin d'engager les entreprises françaises dans les mutations du XXIe siècle.
Premièrement, il faut se demander quelle politique industrielle peut mettre en place la France avec non seulement ses forces, ses atouts, mais aussi ses faiblesses, parmi lesquelles une capacité de recherche et d'innovation trop peu développée et trop peu encouragée.
Deuxièmement, il importe de se pencher sur le rôle de soutien de l'État, des régions et des autres collectivités territoriales, et de redéfinir leur cadre de compétences ainsi que les outils nécessaires aux entreprises, y compris financiers, en termes de création, de transmission, de développement, d'investissement, d'exportation, de recherche, de compétences et de qualifications.
Troisièmement, il convient de réfléchir aux contributions sociales et fiscales des entreprises, utiles aux actions de solidarité et à des services publics modernisés. Qu'en sera-t-il de la taxe professionnelle ? Par quoi peut-elle être remplacée ? Y a-t-il d'autres assiettes de cotisation et de fiscalité envisageables, compte tenu des objectifs affichés ?
Quatrièmement, il est nécessaire de s'interroger sur l'engagement de notre économie de production et de services dans le développement durable et d'en tirer les conséquences pour son organisation et ses activités.
Par cette démarche, qui comprend d'autres thèmes complémentaires, il serait possible d'afficher une nouvelle ambition afin de répondre aux véritables enjeux de développement auxquels nos entreprises sont confrontées : développement des emplois et aménagement du territoire, avec une plus grande valorisation des ressources locales et un soutien accru à une économie de proximité. Dans cette logique, il faut également prendre en compte les modèles de l'économie sociale, notamment la coopération de production et le mutualisme, susceptibles de nous permettre de gérer nos systèmes économiques dans toute leur dimension humaine. Cette idée, qui n'a jamais été aussi moderne, pourrait nous aider à corriger les excès du libéralisme et de l'économie de marché. Or, sur ce thème, il n'y a rien ou presque dans le projet de budget pour 2009. D'ailleurs, aucune action significative de soutien n'a été menée depuis six ans.
Pourtant, ce tissu coopératif, y compris dans ses traductions industrielles, par exemple dans l'agroalimentaire, représente des atouts importants de notre économie avec un encrage territorial fort et des activités et des emplois très peu délocalisables. C'est pourquoi ces formes de gestion coopérative et mutualiste s'inscrivent dans la modernité économique et appellent un soutien et une nouvelle considération.
Vous l'aurez compris, messieurs les secrétaires d'État, nous souhaitons une autre et une nouvelle ambition pour l'adaptation de notre économie et de nos entreprises au défi de ce XXIe siècle. Ce ne sont aujourd'hui, malheureusement, ni l'action gouvernementale de ces dernières années, ni les prévisions du budget 2009, qui nous permettront d'afficher ces ambitions. Cela ne nous permettra pas non plus de sortir de la crise actuelle qui risque de compliquer le contexte, car elle n'a pas été anticipée et les mesures que vous proposez sont largement insuffisantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)