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Intervention de Jean-Paul Bacquet

Réunion du 12 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Économie accords monétaires internationaux

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Bacquet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le commerce extérieur :

Heureusement, après avoir évoqué régulièrement le caractère conjoncturel du déficit, le Gouvernement accepte, depuis un an, de prendre enfin sérieusement en compte son caractère structurel.

La comparaison avec l'Allemagne a mis en lumière l'insuffisance de l'analyse qui conduit à accuser l'euro, le pétrole cher ou la concurrence des pays émergents comme seuls responsables du mal français.

Si l'environnement international ne suffit pas à expliquer les causes du déficit, ses conséquences sur le commerce extérieur ne doivent pas être minimisées. En revanche, parmi les faiblesses des entreprises françaises et au-delà de la trop petite taille des PME, leur compétitivité est souvent mise en cause.

Selon l'analyse du Conseil d'analyse économique, qui s'est récemment intéressé aux performances à l'exportation de la France et de l'Allemagne, et contrairement aux idées reçues, les spécialisations géographiques et sectorielles des deux pays sont très proches.

Le recul des exportateurs français provient de leur manque de dynamisme à l'export, voire de leur perte de compétitivité, et, selon certaines hypothèses, dans une moindre mesure, de la faiblesse de la demande intérieure allemande. Les difficultés françaises à l'exportation concernent l'industrie comme les services, témoignant donc d'un problème d'offre plus que d'un problème industriel.

Le rapport du Conseil met principalement en évidence le lien entre innovation et exportation. Il préconise, à l'instar de l'Observatoire français des conjonctures économiques, une politique encourageant d'abord l'innovation et la croissance des entreprises. Il recommande également une plus grande discrimination dans l'utilisation des aides afin d'éviter deux écueils : l'effet d'aubaine pour des entreprises qui peuvent exporter sans aide extérieure ; l'échec d'une stratégie d'exportation mal préparée.

Outre la compétitivité, d'autres caractéristiques des entreprises françaises freinent également l'exportation. Je citerai notamment leur culture trop hexagonale et leur insuffisante ouverture au monde – sans même évoquer le fait que les langues étrangères y sont rarement pratiquées –, la solidarité déficiente entre grands groupes et PME, la faible mutualisation des moyens entre les PME ou encore la grande frilosité des banques.

Au titre des remèdes, si les exportations sont le miroir de la santé de l'économie française, une politique en faveur de l'export qui n'encouragerait pas l'innovation et la solidarité entre les entreprises est vouée à l'échec. Cependant, cela ne signifie nullement qu'il faille négliger les outils de soutien à l'exportation. Les critiques que je n'ai cessé, comme d'autres, d'émettre sur la double absence de lisibilité et de visibilité du dispositif de soutien aux exportations semblent avoir été enfin entendues. UBIFRANCE se voit ainsi accorder les moyens d'assumer son rôle de pivot du dispositif. La route de l'export paraît désormais tracée pour les PME, depuis l'échelon territorial clarifié au profit des chambres de commerce et d'industrie jusqu'aux missions économiques, dont la vocation commerciale est renforcée.

Le projet d'entreprise qui fondera l'action d'UBIFRANCE jusqu'en 2011 repose donc sur deux piliers. L'Agence sera désormais dotée de son propre réseau international, grâce au transfert du personnel commercial des missions économiques, dont on connaît les compétences, mais dont on sait l'hyperactivité régalienne au détriment des entreprises. Dès le 1er janvier 2009, les premières missions économiques dédiées à l'appui aux entreprises deviendront des bureaux UBIFRANCE. La dévolution des activités commerciales des missions économiques à UBIFRANCE concerne quarante-quatre pays, selon le calendrier suivant : les missions économiques de huit pays seront transférées dès le 1er janvier 2009 ; au 1er septembre 2009 dans vingt autres pays et au 1er septembre 2011 aux seize dernières.

Je souhaite néanmoins mettre en garde contre la tentation, à l'occasion de la réforme, d'un désengagement accru dans certaines régions, au premier rang desquelles figure l'Afrique.

En France, UBIFRANCE s'appuiera sur le réseau consulaire, dans le cadre de la convention cadre de partenariat entre la DGTPE, UBIFRANCE et les chambres consulaires, signée le 23 avril 2008. J'approuve la désignation d'un chef de file régional, capable d'être l'interlocuteur unique de l'entreprise désireuse d'exporter, mais aussi susceptible d'identifier les entreprises porteuses d'un projet prometteur.

Je ne suis cependant pas convaincu que les CCI puissent, à ce jour, incarner ce leadership. Elles devront d'abord réussir leur restructuration, qui s'annonce difficile et qui sera, je l'espère, plus rapide que celle d'UBIFRANCE. Si je salue volontiers cette rationalisation du dispositif que j'appelle de mes voeux chaque année dans mon rapport, des problèmes restent cependant en suspens.

En premier lieu, le volontariat international en entreprise, pourtant emblématique de la boîte à outils de l'export, reste problématique. Alors que le Gouvernement a décrété récemment un doublement du nombre de volontaires internationaux en entreprises permettant d'atteindre le chiffre de 10 000 fin 2011, les PME lui reprochent son coût dissuasif. Les données disponibles démontrent d'ailleurs que les grandes entreprises sont les principales bénéficiaires du mécanisme. C'est pourquoi plusieurs interlocuteurs de votre rapporteur plaident pour une diminution du tarif du premier VIE et pour une meilleure mutualisation au bénéfice de plusieurs entreprises. Il faut d'ailleurs souligner l'action très positive de certains conseils régionaux, tels ceux des Pays-de-la-Loire, de Bretagne et de Bourgogne, qui prennent en charge un certain volume de VIE.

En second lieu, la COFACE est régulièrement mise en cause par les entreprises qui se plaignent de son insuffisante proximité et de son écoute défaillante. Je considère que la COFACE ne remplit pas son rôle de premier financeur des entreprises exportatrices, en n'allant pas suffisamment à la rencontre de ses clients, en dépit de l'existence des délégations régionales. Si la distribution de l'assurance prospection par les réseaux bancaires peut permettre d'atteindre des clients potentiels, la lourdeur et la complexité des procédures continuent d'être dénoncées par les utilisateurs rencontrés par votre rapporteur lors des auditions, de même qu'une politique de financement trop restrictive.

Deux propositions audacieuses ont émergé des auditions que j'ai menées : la première pour réorienter la COFACE vers un rôle de caution ; la seconde pour remettre en cause son monopole et obliger ainsi l'organisme à conquérir ses clients.

De manière plus générale, je regrette que les politiques menées jusqu'à présent ne fassent pas l'objet d'une évaluation sérieuse. La nomination d'un nouveau ministre chargé du commerce extérieur donne quasi systématiquement lieu à la présentation d'un nouveau plan, sans que le précédent ait été évalué. L'instabilité de la politique gouvernementale en matière de commerce extérieur n'est guère compatible avec l'investissement que requiert l'export.

Je pense notamment à la stratégie des pays cibles. Alors que vous venez de désigner deux nouvelles cibles, « Europe-Méditerranée » – trente-sept pays – et « Grand Large » – vingt pays –, je m'interroge sur la pertinence d'un ciblage qui ne semble guidé ni par des priorités politiques ni par la satisfaction des préoccupations des entreprises, et qui s'avère vain dès lors qu'il ne s'accompagne pas d'une étude sur l'adaptation des produits français à la demande locale. Il faut certes cibler, mais il faut d'abord savoir ce que l'on peut vendre et quels pays sont potentiellement intéressés par nos productions.

Sur le plan strictement budgétaire, l'augmentation des crédits d'intervention d'UBIFRANCE traduit – il était grand temps – la priorité accordée aux actions en faveur des entreprises plutôt qu'aux frais de fonctionnement de l'agence. J'espère cependant que le transfert des missions économiques à UBIFRANCE sera intégralement compensé et que l'effort budgétaire sera poursuivi dans les prochaines années.

Si des éléments positifs sont à prendre en considération, la situation du commerce extérieur demeure plus que préoccupante. Son redressement exige une action résolue et durable du Gouvernement. J'espère pouvoir compter sur Mme la ministre de l'économie, même si l'environnement international est difficile. La correction du déficit s'inscrivant dans le temps, il est indispensable que les gouvernements fassent, régulièrement et dans la plus grande transparence, procéder à une évaluation de leurs différentes actions.

En conclusion, je vous indique que, s'agissant du vote des crédits, j'ai recommandé l'abstention en commission des affaires étrangères. Il me semblait, en effet, impossible de voter favorablement alors que le bilan est aussi calamiteux et que les actions qui devaient améliorer la situation n'ont jamais été évaluées. Pour autant, je n'ai pas préconisé le vote contre, car la reconnaissance du caractère structurel du déficit, la rationalisation et le regroupement des intervenants vont dans le bon sens.

La commission des affaires étrangères a, quant à elle, émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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