Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, mes chers collègues, l'actuel et brutal ralentissement économique – dont la crise financière n'est pas la cause unique – nous oblige à être particulièrement attentifs aux évolutions de la consommation, moteur traditionnel de l'économie française.
La hausse de 0,6 % de la consommation des ménages en produits manufacturés, constatée au mois de septembre, fait suite à une diminution de 0,3 % en août et de 0,1 % sur un an. Une telle atonie tient naturellement à la dégradation continue de la part des salaires dans la valeur ajoutée, à laquelle le Gouvernement a choisi de répondre en débloquant l'épargne salariale de manière erratique et en siphonnant la participation, désormais disponible immédiatement. Non seulement ces mesures déstabilisent les fonds propres des entreprises tout en réduisant la capacité d'épargne des salariés soumis à la plus forte contrainte de liquidité, mais elles ne constituent en rien une réponse pérenne aux difficultés de pouvoir d'achat que connaissent les Français.
La faiblesse de la consommation tient également au niveau élevé d'inflation que l'on constate depuis plusieurs mois, qui concerne tout particulièrement les prix des produits alimentaires, fortement affectés par la hausse du cours de certaines matières premières. Cela étant, ce dernier phénomène n'explique pas tout : la persistance des marges arrière dans la distribution continue elle aussi d'exercer ses effets inflationnistes.
Le Gouvernement prétend avoir mis fin à ce système en instaurant la négociabilité des tarifs entre fournisseurs et distributeurs dans la loi de modernisation de l'économie. Hélas, renonçant à vous attaquer à la toute puissance des centrales d'achat, vous avez par cette loi préservé la position de force des distributeurs, toujours capables d'écraser les fournisseurs – au premier rang desquels les PME – tout en maintenant des prix à la consommation élevés.
C'est à la lumière de ces différents constats qu'il faut examiner les crédits de la mission « Économie » en faveur de la consommation.
En premier lieu, convenons que la création de l'Autorité de la concurrence par la loi de modernisation de l'économie constitue un progrès. Outre le fait qu'elle pourra se saisir de toute question de concurrence et recommander des mesures afin d'améliorer le fonctionnement concurrentiel des marchés, elle assumera de nouvelles missions relatives au contrôle des concentrations et aux pratiques anti-concurrentielles.
En effet, le contrôle des concentrations relève désormais de sa seule compétence, alors qu'il était auparavant du ressort du ministre de l'économie, lequel conserve, il est vrai, un « pouvoir d'évocation » des décisions de l'Autorité – en d'autres termes, il pourra mettre en cause ses décisions pour des raisons d'intérêt général. J'ajoute que les seuils de notification des concentrations sont abaissés dans les DOM, ainsi que dans le secteur de la distribution.
S'agissant des pratiques anti-concurrentielles, la continuité de la chaîne d'instruction est renforcée, puisque le rapporteur général près la future Autorité de la concurrence sera dorénavant informé des enquêtes envisagées par le ministre et pourra en prendre la direction. En matière de sanctions, l'Autorité se voit investie, dans le domaine de la distribution, d'un pouvoir d'injonction structurelle qui lui permet d'ordonner la cession de surfaces de vente.
À quels moyens correspondent ces nouveaux pouvoirs ? Les crédits de paiement inscrits sur cette action passent de 12,7 millions d'euros en 2008 à 20,1 millions en 2009, et 60 équivalents temps plein travaillé – les ETPT – sont transférés à la nouvelle Autorité, dont 48 dès 2009 ; 50 d'entre eux proviennent de la DGCCRF et les autres de différents ministères. Ainsi, l'Autorité comptera 175 agents en 2009 – un niveau jugé acceptable par M. Bruno Lasserre, président du Conseil de la concurrence, que j'ai eu l'occasion d'auditionner. Toutefois, ce chiffre, rapporté à la population, ne permettra pas à la France d'effectuer le bond qui l'amènerait au niveau de certains de ses voisins. Avec un ratio de 2,1, elle sera toujours loin derrière l'Allemagne, où il atteint 3,5, et même l'Italie où il est de 3,9.
Quant aux dépenses immobilières, elles passent de 1,4 million à 3 millions d'euros, loyers et charges compris. Cette hausse est due à la nécessité de trouver de nouveaux locaux pour héberger la future Autorité de la concurrence. Très significative en apparence, elle doit être relativisée du fait que seuls sont pris en compte les 900 000 euros de loyers de l'immeuble situé rue de l'Échelle, à Paris, alors qu'une partie du Conseil est installée dans un immeuble domanial dont le coût d'occupation n'est pas retracé, non plus d'ailleurs que celui du loyer acquitté par la DGCCRF au titre des locaux occupés par la direction nationale des enquêtes, dont les effectifs vont rejoindre l'Autorité.
Le montant de ces charges locatives laisse perplexe, malgré tout : elles représentent 17 142 euros annuels par agent. Comment justifier une telle somme, monsieur le ministre ? Ne serait-elle pas mieux employée à l'amortissement sur dix ans de l'achat d'un immeuble ?
Ma deuxième remarque concerne les moyens en faveur de la protection économique du consommateur, en particulier les subventions aux associations de consommateurs. Aujourd'hui, dix-huit associations de consommateurs sont agréées, et elles bénéficieront d'une enveloppe budgétaire globale de 7,5 millions d'euros. Cette dotation est restée stable depuis 2005, alors même que le mouvement consumériste est de plus en plus actif et sollicité par les consommateurs : la tendance est pour le moins paradoxale, d'autant plus que l'administration elle-même estime que l'action de ces associations est complémentaire de la sienne.
En outre, ces associations sont appelées à jouer un rôle clef dans le cadre de la future action de groupe, qui devait figurer dans un projet de loi de dépénalisation du droit des affaires – dont nous aimerions savoir quand il doit être inscrit à l'ordre du jour. On peut craindre en effet qu'il soit victime d'un énième contretemps, puisque vous avez déjà refusé d'en débattre en décembre 2007 lors de la discussion du projet de loi sur le développement de la concurrence au service des consommateurs, renvoyant alors au projet de loi de modernisation de l'économie qui, à son tour, renvoyait à ce fameux projet de dépénalisation du droit des affaires. Ces tergiversations sans fin sont d'autant moins justifiables que le projet fait l'objet d'un consensus sur tous les bancs de l'Assemblée, et que M. Chatel lui même en était un ardent défenseur au temps où il siégeait parmi nous !
Quoi qu'il en soit, nous veillerons à ce que l'on ne nous propose pas une action de groupe au rabais. Or, il semblerait que les grandes lignes de cette réforme soient d'ores et déjà tracées et que le cadre retenu soit bien timide par rapport aux exigences requises pour en assurer le succès – et que réclament par ailleurs les associations de consommateurs. Subordonnée à l'exercice d'une médiation longue, complexe et aléatoire, limitée aux seuls litiges de consommation liés à l'exécution d'un contrat, l'action de groupe en projet présenterait de surcroît un caractère expérimental. Confirmez-vous ces informations, monsieur le ministre ?
D'autre part, ce projet soulève la question de la réforme du mouvement consumériste à laquelle M. Chatel a annoncé son intention de s'atteler. En l'état, force est de constater la dispersion de ce mouvement, qui nuit à son action et compromet la cohérence de son message. Dès lors, réformer, oui, mais comment ? Les regroupements à marche forcée étant impossibles, tant les identités de chaque mouvement sont fortes, quelles pistes envisagez-vous d'explorer, monsieur le secrétaire d'État ?
J'en viens enfin aux moyens dévolus à la DGCCRF et à l'évolution de son organisation – troisième temps de mon intervention.
L'acte d'achat repose sur la confiance que le consommateur place dans la sécurité et la qualité des produits ou services qui lui sont proposés. La DGCCRF joue un rôle essentiel dans la construction de cette confiance. Or, en 2009, elle subira de profonds changements, liés, d'une part, à la création de l'Autorité de la concurrence et, d'autre part, à la réorganisation des services déconcentrés de l'État, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
La création des directions régionales des entreprises, du commerce, de la consommation, du travail et de l'emploi, ou DIRECCTE, qui vont regrouper neuf services ou directions régionales actuelles, est censée favoriser une organisation administrative plus cohérente et plus homogène pour, en théorie, mieux répondre aux besoins des usagers. On ne peut naturellement que souscrire à cet objectif. L'échelon départemental est ainsi réorganisé en fonction des besoins des citoyens sur le territoire et non, comme dans les régions, selon les lignes de découpage des périmètres ministériels.
Les missions de la DGCCRF conserveront leur mission au niveau régional par le biais d'un pôle « concurrence, consommation et répression des fraudes » au sein de la structure tripolaire envisagée. En outre, les unités départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes seront maintenues sous forme d'unités territoriales et directement rattachées au niveau régional, tout en demeurant placées sous l'autorité fonctionnelle du préfet de département pour les affaires relevant de sa compétence. Le dispositif paraît simple ; encore faut-il s'assurer qu'il fonctionne.
Deux écueils sont à éviter. Tout d'abord, la mise en oeuvre d'une réforme destinée à mutualiser les coûts de structure ne doit pas entraîner une hausse des dépenses immobilières du fait de la nécessité – que je ne conteste pas – de rapprocher géographiquement ces services dans des bâtiments sinon uniques, à tout le moins aussi proches que possible.
Le second écueil a trait à la dispersion des moyens. De ce point de vue, le maintien des unités départementales est une bonne chose : compte tenu de la polyvalence de leurs compétences et du caractère transversal de leurs missions, ces unités se seraient mal accommodées d'un rattachement à l'une des nouvelles directions départementales.
Je conclurai mon propos en évoquant les moyens dévolus à la DGCCRF dont, cette année encore, les effectifs diminuent. Le plafond d'emplois pour 2009 a été fixé à 3 475 ETPT, contre 3 562 cette année, soit une baisse de 87 ETPT répartie comme suit : 45 ETPT sont supprimés au titre du non-remplacement de un départ à la retraite sur deux, et les 42 autres sont transférés, vers l'Autorité de la concurrence pour 38 d'entre eux et, pour les 4 autres, vers le service commun des laboratoires.
Certes, les missions de la DGCCRF évoluent. La disparition des critères concurrentiels dans les dossiers d'autorisation des équipements commerciaux, prévue par la loi de modernisation de l'économie, permettra ainsi le redéploiement de plusieurs dizaines d'ETPT.
Cependant, certains des effets de la loi de modernisation de l'économie, tels que la réforme du régime des soldes et la création d'un régime de soldes flottants – dont la date est fixée à la discrétion de chaque commerçant – ou encore la réforme des règles relatives aux pratiques restrictives de concurrence, impliquent une forte mobilisation de la DGCCRF. De même, l'ouverture de secteurs supplémentaires à la concurrence et le développement de nouveaux secteurs d'activité exigent une régulation croissante.
S'agissant de la sécurité des consommateurs, la charge de travail de la DGCCRF en 2009 est appelée à croître en matière de contrôle à l'importation des produits d'origine végétale, compte tenu des nouvelles règles communautaires, adoptées ou en cours d'adoption, tendant à soumettre un nombre croissant de produits à un régime de contrôle renforcé.