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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 16 juillet 2009 à 21h30
Formation professionnelle tout au long de la vie — Article 19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Je l'ai évoqué dans la discussion générale, monsieur le secrétaire d'État, nous nous opposons au transfert des salariés vers Pôle emploi, qui fait courir un risque global à l'AFPA, comme il est indiqué dans le rapport des directeurs de l'AFPA et de Pôle emploi, et qui s'inscrit dans une stratégie plus globale de démantèlement de l'AFPA, je ne vais pas répéter ce qu'ont dit mes collègues.

Vous avez déclaré ce matin : « Je le dis et le redis, il est hors de question de démembrer l'AFPA, qui reste une colonne vertébrale nationale dont nous aurons besoin. » « Nous sommes obligés de respecter les règles du droit de la concurrence, qu'on le regrette ou non, et chaque région peut d'ailleurs décliner cette application du droit. En revanche, je vous assure que nous ne démembrerons pas l'AFPA, nous sommes attachés à maintenir un service public national de la formation à travers elle. »

On ne peut que se réjouir de vos propos. Permettez-moi cependant d'en douter car les coups portés à l'AFPA se multiplient : exigence de rentabilité, mise en concurrence annoncée, projet de vente des structures d'hébergement et, enfin, transfert des personnels d'orientation. J'ajoute, même si cela ne vous concerne pas personnellement, qu'on a vu ce que donnent ce genre d'engagements résolus avec Gaz de France et EDF, et, quand bien même vous ne le voudriez pas, si sa majesté impériale le décidait, vous seriez bien obligé de vous soumettre, encore que vous pourriez faire comme Mac-Mahon – ce n'est pas interdit.

Vous vous fondez sur la loi de 2004, qui prévoit que, dans le cadre de la décentralisation aux régions des crédits de formation, l'achat de prestations de formation relève prétendument de la mise en concurrence.

Vous suivez également un avis du 18 juin 2008 du Conseil de la concurrence, qui stipule que le positionnement des services d'orientation de l'AFPA est incompatible avec des exigences de concurrence libre et non faussée, ce qui justifie à vos yeux de transférer le personnel d'orientation.

De la même appréciation, nous tirons la conclusion exactement inverse. L'AFPA, qui rend un service efficace et diversifié, ne doit être mise en concurrence avec personne. Elle accomplit une mission de service public, et c'est la qualité de ses prestations qui doit servir de mesure, pas la rentabilité financière.

Les services d'orientation professionnelle dont vous voulez l'amputer accueillent et suivent les demandeurs de formation. Ils construisent avec ces personnes un parcours de formation sécurisé, un parcours adapté au projet et aux besoins de chacun, à ses capacités individuelles, qui sont évaluées, à l'offre de formation et au marché de l'emploi.

Avec les services d'orientation de l'AFPA, les bénéficiaires, mais aussi l'institution et ses financeurs, disposent d'un élément fondamental de sécurité. Sans cet outil, les personnes sans diplômes, les plus fragiles, n'auraient pas beaucoup de chance d'atteindre la qualification recherchée à l'issue d'une formation relativement courte. Je le rappelle, 66 % des personnes qui entament un stage dans cette institution sont des demandeurs d'emploi, pour la plupart très faiblement qualifiés, dont 8 % sont en situation d'illettrisme. Pourtant, plus de 70 % d'entre eux trouvent un emploi à l'issue du stage. Sans la compétence des personnes chargées de l'orientation et de l'accompagnement, une telle performance ne serait pas possible.

La fusion ASSEDIC-ANPE, pour former Pôle emploi, a provoqué une grande désorganisation car les salariés sont en sous-effectifs. Si l'on continue dans ce sens, les salariés de l'AFPA mutés à Pôle emploi n'auront pas les moyens matériels de faire leur travail. L'AFPA se trouvera gravement déséquilibrée et ces dysfonctionnements vont pénaliser encore les salariés les plus fragiles.

Pourquoi ne pas avoir privilégié plutôt des formules de coopération profitables entre les deux organismes, par exemple sous la forme de plates-formes locales, qui ne déstabiliseraient pas l'une ou l'autre des institutions et permettraient la création d'un service public de l'emploi et de la formation permanente.

La question de l'immobilier a été évoquée tout à l'heure par Jean-Patrick Gille. Le Gouvernement, dans cette hypothèse, s'apprêterait-il à faire comme Icade et à faire du business avec l'immobilier d'État ? Si transfert il devait y avoir, il serait légitime que ce soit gratuitement, et non pas en faisant de l'argent.

Le projet de vente des structures d'hébergement qui a été annoncé récemment va mettre à mal, lui aussi, le fonctionnement de l'institution. L'hébergement gratuit et la restauration rendent possible la mobilité des stagiaires. Sans ces services, bon nombre de personnes ne pourraient tout simplement pas suivre une formation, souvent éloignée du domicile. De plus, dans les centres de formation, des services indispensables tels que la rémunération ou le suivi médical et social sont disponibles pour accueillir des personnes bien souvent désocialisées à cause de la crise, celles-là mêmes que vous prétendez vouloir mieux accompagner grâce à ce texte. Cette intégration de services distincts, mais offerts sur place à ses bénéficiaires, est la clé de l'efficacité sociale de l'AFPA.

Alain Rousset et Victorin Lurel ont évoqué le directeur général de l'AFPA. Ils ont de la chance de l'avoir rencontré. Il ne doit pas savoir que le siège de l'AFPA se trouve à Montreuil, c'est-à-dire dans ma circonscription.

Je ne le connais pas, monsieur le secrétaire d'État, mais j'ai lu sa biographie. Il a fait l'ENA. C'est bien, il y en a d'autres, mais je connais de nombreux énarques qui ont auparavant fréquenté les bancs de la communale, où ils ont appris les règles d'instruction civique. Il y a des députés, des autorités publiques et, quand on arrive quelque part, y compris dans la maison montreuilloise, on n'entre pas sans frapper à la porte et on ne met pas les pieds sur la table. On va se présenter, on va dire qui on est et quelles sont ses intentions. De tout cela, rien. Une parfaite goujaterie dans notre État républicain. Vous êtes républicain, moi aussi. Comme dirait Jean-Pierre Chevènement, vous êtes républicain de l'autre rive. Nous avons des choses en commun, le socle. Un tel comportement n'est pas républicain, il en dit long sur l'attitude de ce haut personnage, qui devrait être un serviteur de l'État.

J'ai consulté les syndicats. Dans le kit que vous avez dû fournir au nouveau directeur général, il manque, semble-t-il, le sonotone. Selon les syndicats, il n'y a pas de dialogue puisqu'il parle mais n'écoute pas. Je ne sais pas si c'est vrai, je n'étais pas là.

Ce qui est surtout choquant dans cette affaire, c'est son manque de curiosité. S'il avait été curieux, il aurait tout de suite appris l'histoire de l'AFPA et il aurait su que le siège national est depuis longtemps en osmose avec le territoire sur lequel il se trouve, à tel point que nous avons tenu en échec trois offensives gouvernementales de démantèlement de l'AFPA en trente ans, en coopération avec les organisations syndicales. Comment voulez-vous construire l'avenir de l'AFPA en en ignorant même l'histoire ?

Il y a pire encore, ce sont les propos sur le fond. Votre directeur général a déclaré que l'AFPA devait d'abord gagner de l'argent, c'est-à-dire dégager des excédents d'exploitation. Non, l'AFPA doit d'abord former les gens et, si votre directeur veut faire du business, qu'il aille à la Bourse et laisse l'AFPA tranquille. C'est ainsi que nous voyons le futur. En tout cas, c'est ce que je lui aurais dit s'il était venu me rendre la visite de courtoisie républicaine qui est due à tout parlementaire quel qu'il soit, où qu'il se trouve, mais je ne doute pas que vous lui transmettrez le message.

Pour nous, ce qui importe, c'est de ne pas briser la culture de solidarité et d'égalité de l'AFPA en recyclant ses missions dans le secteur privé. La logique de rentabilité, l'exigence de la concurrence libre et non faussée l'emporteraient sur la mission de service public ? Non, nous ne l'accepterons jamais et nous nous battrons bec et ongles pour empêcher qu'il en soit ainsi. Si votre directeur général nommé ne le sait pas, qu'il regarde dans les archives de la maison, il verra l'énergie dont nous sommes capables pour faire capoter les coups tordus.

Il est clair à présent que l'ensemble de ces mesures, à moins que vous ne le démentiez, ont pour but de démembrer petit à petit l'AFPA. Ce démantèlement est un élément révélateur de l'attaque que mène le Gouvernement contre l'ensemble de notre contrat social hérité du CNR. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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