L'avantage des séances de nuit est de susciter des moments un peu particuliers où les débats prennent un tour plus calme. Puisque c'est l'heure des confidences, je signale que j'ai eu le bonheur de travailler six ans pour l'État sur ces sujets, puis ensuite huit ans pour les régions. Je ne me sens donc d'aucune des deux cultures.
Depuis quarante-huit heures, un constat sous-tend nos débats : l'État s'est beaucoup désengagé de ce secteur, sur le plan financier et en accompagnant une forme de décentralisation, et les régions ont pris la place qui leur était dévolue. C'est la force et la raison d'être de la décentralisation. Non que les régions outrepassent la loi, mais la proximité permet d'aller plus vite et d'éviter les lourdeurs de l'État.
Comme le dit parfois Pierre Méhaignerie, les régions, à leur échelle bien sûr, et compte tenu des habitudes administratives, retomberont peut-être dans les travers de l'État ; il ne faut donc pas se faire trop d'illusions.
J'ai la faiblesse de penser que la décentralisation a montré son efficacité, notamment pour la gestion des lycées, et qu'on ne la remettra pas en cause. Si le constat n'est pas encore unanime sur la formation, il est en passe de l'être. La démarche de M. le secrétaire d'État, qui témoigne d'une volonté de reprise en main dans un souci d'efficacité, s'apparente en ce sens à un combat, non pas d'arrière-garde, mais à contre-courant de l'histoire.
Quant aux bassins d'emploi – dont nous débattrons, si j'ai bien compris, à l'automne –, le niveau de complexité augmente encore, puisqu'ils intéressent aussi les communes et les intercommunalités : les cartes, selon un problème bien français, ne se recouperont sans doute pas, et la mise en place du système prendra du temps. Mais il faudra bien prendre des décisions car, face aux dysfonctionnements, le maire ou le député sont souvent les derniers recours. Le besoin d'organisation dans les bassins d'emploi se fera sans doute sentir lorsque le système montera en puissance, et un consensus se dégagera sans doute ; pour l'heure, les clivages politiques demeurent.
La proposition de Pierre Méhaignerie en a entraîné une autre de la part de M. le secrétaire d'État, qui suggère que la tâche prévue incombe au Conseil national de la formation tout au long de la vie : les services du ministère poussent sans doute un grand « ouf » de soulagement, mais M. Balmary, lui, sera probablement très inquiet lorsqu'il découvrira la nouvelle. En tant que représentant du Parlement au Conseil national de la formation tout au long de la vie, je tiens à dire qu'il faudra très rapidement prévoir de nouveaux moyens pour cette institution, qui est de taille très modeste.
En outre, le Sénat devra revenir sur une mesure que notre assemblée a rejetée à l'article 1er, après qu'un accord avec le rapporteur eut échoué de peu : comment doter le Conseil national de la formation tout au long de la vie d'un pouvoir juridique afin d'obliger tous les acteurs à lui fournir les données statistiques ? Si la chose allait de soi pour l'État, il n'en va pas de même pour cette structure. En attendant nos débats sur l'article 20, la présente mesure laisse augurer, sinon un rapprochement, du moins un début d'apaisement. En instaurant un diagnostic partagé pour chaque bassin d'emploi, nous aurions déjà fait la moitié du chemin.
(L'amendement n° 27 , tel qu'il a été rectifié, est adopté.)