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Intervention de Jean-Yves Le Déaut

Réunion du 2 avril 2008 à 15h00
Organismes génétiquement modifiés — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Déaut :

Dans le cas des produits transformés, pour lesquels il n'existe plus d'OGM, cette garantie doit être apportée pour les matières premières. La note ajoute en deuxième lieu, et c'est plus grave – car cela signifie que ce sont des administratifs qui font la loi, et non pas le Parlement – qu'aucun OGM, aucun produit obtenu à l'aide d'OGM, comme les acides aminés, les vitamines, ou des enzymes, ne doit avoir été utilisé à un quelconque stade de l'élaboration du produit. En troisième lieu, cette règle vaut également pour les produits qui ne sont pas considérés comme des ingrédients, par exemple des auxiliaires technologiques ou des supports d'additifs ou d'arômes. Enfin, la DGCCRF définit l'agriculture biologique suivant la réglementation européenne, en fonction du seuil de 0,9 %.

Il est incroyable que les amendements que nous avons proposés sur ces questions n'aient pas été repris, car cela revient à laisser l'administration, en l'espèce la DGCCRF, rédiger la loi de notre pays. Je suis personnellement opposé – même si ce n'est peut-être pas le cas de tous mes collègues – à l'interprétation selon laquelle l'utilisation dans l'élaboration d'un produit d'enzymes ou d'acides aminés que l'on ne retrouve pas dans le produit final interdit à un opérateur d'employer la mention « sans OGM ». Il faudra en discuter au Parlement. Cela signifie – je le dis pour M. le ministre de l'agriculture, qui n'est pas là – qu'il sera impossible d'utiliser de la chymosine dans l'élaboration du lait, y compris biologique, comme c'est pourtant le cas aujourd'hui pour la totalité de la fabrication, parce que cette chymosine aura été fabriquée par des bactéries génétiquement modifiées. Il sera impossible d'obtenir un label biologique si on a utilisé de la chymosine. Il en ira de même dans l'industrie de la bière. Qu'en pensent nos collègues des régions fromagères françaises ? Nous n'en avons jamais décidé, alors que c'est au législateur qu'il revient de décider de la position de notre pays. Nous souhaiterions donc là aussi, monsieur le ministre, connaître votre position.

Cinquième point : nous souhaiterions des précisions sur la hiérarchisation des avis des deux comités prévus dans le Haut conseil des biotechnologies. Quelle sera la nature des recommandations que pourra apporter le comité « de la société civile » – que je préférerais pour ma part désigner du nom de « comité éthique, économique, écologique et social » ? Les comités étudieront-ils toutes les demandes d'autorisation au cas par cas ou se borneront-ils à juger de l'intérêt et de l'opportunité d'autoriser l'utilisation et l'expérimentation de certaines plantes ou de certains animaux transgéniques ?

Sixième point : la question de la responsabilité du préjudice en cas de dissémination fortuite n'a pas été clarifiée. Il est aberrant qu'un agriculteur qui aurait respecté les conditions techniques imposées par l'administration puisse être considéré comme responsable sans faute du préjudice causé. C'est absolument incroyable ! L'existence, prévue par le projet de loi discuté au Sénat en 2006, d'un fonds d'indemnisation financé par la filière semencière et agricole serait plus pertinent, au moins dans un premier temps.

Enfin, nous regrettons également que dans l'article 1er, le rapporteur ait cru bon de supprimer ce qui apparaissait comme l'un des points d'équilibre du texte : la nécessité d'expertiser non seulement les risques, mais aussi les bénéfices des plantes génétiquement modifiées.

Je n'ai certes pas fait plaisir à tout le monde, mais j'ai indiqué, en mon âme et conscience, des questions majeures qui militent pour un réexamen de ce texte. Si elles ne sont pas clarifiées, vous aurez la responsabilité des procès, des litiges et finalement, des batailles rangées qui ne manqueront pas de mettre le feu aux campagnes. En politique, il faut du courage et ne pas se contenter d'équilibres impossibles ou de consensus mous.

La question des OGM est bien entendu liée aux relations internationales. Comment – et c'est là un point soulevé hier par M. Chassaigne – peut-on refuser des plantations en France si nous acceptons l'importation des produits issus de ces mêmes plantes ? D'autre part, le rapport entre les cultures mondiales de plantes transgéniques, qui couvriraient, selon certains, 114 millions d'hectares, et les 100 000 hectares cultivés en Europe est de 1 000 pour 1. Devant un tel déséquilibre, on doit se poser une question : l'Europe est-elle à la traîne ou, au contraire, plus perspicace ?

C'est sans doute – réfléchissez-y, mes chers collègues, aussi honnêtement que possible – la première fois dans l'histoire des technologies qu'on observe une telle divergence entre les choix européens et ceux du reste du monde. La France et l'Europe ont sûrement été plus perspicaces en initiant des études sur l'impact des OGM pour évaluer la dissémination des gènes, pour tester la stabilité de leur expression, pour étudier les interactions agronomiques des OGM, pour vérifier, comme je le recommandais dans mon rapport de 1998, l'influence de l'insertion d'un transgène sur l'expression des gènes voisins – les gènes « dormants » – et pour apprécier les incidences de ces cultures dans la régulation des échanges internationaux. Encore faut-il pour cela accentuer nos efforts de recherche dans tous ces domaines !

La France et l'Europe auraient été encore plus perspicaces si, comme le demandaient la conférence de citoyens réunie en 1998 ou le rapport que j'avais rendu à Lionel Jospin, nous avions soutenu des recherches publiques sur des plantes transgéniques avant d'autoriser des cultures commerciales. N'avons-nous pas mis la charrue avant les boeufs ?

C'est un honneur d'être député de la République et de pouvoir s'exprimer à cette tribune de l'Assemblée nationale. Permettez-moi donc de dire pour terminer qu'en mon âme et conscience, je suis personnellement convaincu que les biotechnologies seront utiles dans le futur, y compris dans l'agriculture (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…

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