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Intervention de Jean-Yves Le Déaut

Réunion du 2 avril 2008 à 15h00
Organismes génétiquement modifiés — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Déaut :

Vous verrez bien, monsieur Jacob ! Il y a au moins un point que vous aurez du mal à contester.

Premièrement, un texte fondateur doit mieux définir le terme d'organisme génétiquement modifié. D'après la loi, c'est « un organisme dont le matériel génétique a été modifié autrement que par multiplication ou recombinaison naturelle ». Mais que signifie le terme « naturel », quand on sait que depuis des millénaires l'homme pratique des techniques d'amélioration des plantes, telles que la sélection ou l'hybridation ?

L'exemple du maïs est éclairant. Apparu il y a sept millions d'années sur les hauts plateaux du Mexique, le théosinte présente des différences importantes par rapport au maïs actuel : des tiges ramifiées, de très petite taille, un petit nombre de grains par épis. Un épi de théosinte mesurait 2,5 centimètres il y a sept mille ans, 10 centimètres au début de l'ère chrétienne ; il peut dépasser aujourd'hui 30 centimètres.

D'autre part, certaines technologies de mutagénèse assistée par ordinateur, aujourd'hui autorisées, induisent des mutations, mais, bien qu'elles soient évidemment le résultat du travail de l'homme et non celui de la nature, il ne s'agit pas d'OGM. Il est donc impropre d'utiliser le mot « naturel » dans la législation.

Deuxième point : ce texte de loi aurait dû tenir compte de la question de la grande diversité des OGM. C'est là un point important qu'a démontré Germinal Peiro. Il est impropre de parler d'« organismes génétiquement modifiés » de manière générale, au pluriel. C'est une gageure de vouloir couvrir dans le même texte législatif tous les types d'OGM – bactériens, végétaux et animaux. Il y a autant d'OGM différents que d'événements transgéniques et l'on peut être favorable à certains d'entre eux tout en jugeant inutile, voire dangereux, d'en développer ou cultiver certains autres. On peut être favorable à un OGM bactérien qui fabrique de l'insuline dans un réacteur fermé ou à l'expérimentation de certaines plantes génétiquement modifiées dans des conditions très strictes en plein champ tout en étant défavorable à l'insertion d'un gène résistant à des herbicides, greffé sur du colza sans que des études préalables du croisement du transgène avec des espèces sauvages – la ravenelle ou la moutarde, par exemple – aient été réalisées.

Les dispositions que nous devrions voter concernant ces différents types d'OGM devraient bien sûr être différentes. Ce texte est confus, car il commence à traiter de manière générale des OGM pour ne plus aborder ensuite que la seule question des plantes génétiquement modifiées.

Troisième point : la réglementation de la coexistence entre cultures de plantes transgéniques et cultures traditionnelles ou biologiques ne peut être réglée que si nous avons défini au préalable la notion de seuil de dissémination fortuite autorisé. Ce seuil a été fixé au niveau européen à 0,9 %, étant stipulé qu'au-dessous de ce seuil il n'était pas obligatoire d'étiqueter la présence d'OGM. Il est important de bien définir au préalable quel niveau de seuil de contamination fortuite sera exigé dans des périmètres pour lesquels existent des appellations d'origine, des labels ou de l'agriculture biologique.

La question des semences n'a pas non plus été abordée dans le texte. Or, sans réglementation sur les semences et les seuils, le seuil auquel vous serez soumis sera, conformément à la réglementation européenne, celui qui correspondra aux techniques de détection.

La réglementation européenne est claire à cet égard, puisqu'elle considère que l'agriculture biologique a interdiction d'utiliser des OGM dans son cahier des charges, mais qu'elle ne peut être tenue pour responsable de disséminations fortuites inférieures au seuil d'étiquetage de 0,9 %. Cette réglementation va être adoptée en catimini, sans la discussion que nous aurions dû avoir au sein de notre assemblée sur l'agriculture biologique. Vous devriez, monsieur le ministre, être très clair sur ce point.

Lors de son audition par la mission d'information, le représentant de la Fédération française des sociétés d'assurance déclarait en effet : « Il est exact qu'à partir du moment où des seuils de tolérance sont définis et opposables, certains risques deviennent assurables, puisqu'ils sont quantifiables. » Il ajoutait qu'en matière de responsabilité civile, les assureurs n'assuraient rien de ce qui a trait au risque de développement et que le problème était que les agriculteurs biologiques contestaient ce seuil de tolérance de 0,9 %, puisqu'ils demandaient un seuil plus bas. Il concluait donc : « Tout cela doit être défini en amont plutôt que réglé devant les tribunaux. Si vous pouvez me prouver que la justice ne considérera pas que l'agriculture non-OGM a subi un préjudice, je suis d'accord », et terminait ainsi son propos : « Autant dire que cela doit être cadré dans la loi. » Or, mes chers collègues, ces cadrages, nous les attendons toujours.

Les conclusions sont claires, limpides, logiques, alors que le texte de loi reste flou et en trompe-l'oeil. Il nous paraît aberrant que vous ne précisiez pas la position du Gouvernement sur ce point avant la fin de l'examen du texte. Nous avons également été frappés par le fait que les conditions préconisées pour la coexistence entre des cultures de PGM et des cultures conventionnelles se limitent à des distances et n'évoquent ni zones tampons ni décalage des cultures dans le temps, alors que ces points, qui figuraient d'ailleurs dans notre rapport, sont d'une grande importance.

Le quatrième point est encore plus important et je vous invite, monsieur Jacob, après vos critiques, à y réfléchir : il est également nécessaire de définir dans quelles conditions un opérateur peut indiquer qu'un produit destiné au consommateur final est « sans OGM » ou « non-OGM ».

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