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Intervention de Pierre Gosnat

Réunion du 1er avril 2008 à 9h30
Logement adapté à chacun et abordable à tous — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Gosnat :

N'est-ce pas reconnaître qu'il s'agit d'une véritable tragédie ? Sur le sujet, M. Martin Hirsch était bien plus bavard avant de devenir ministre…

Mes sources, je les trouve également auprès de ceux qui sont directement engagés dans la réflexion et l'action pour le droit au logement.

Ainsi la Fondation de l'Abbé Pierre dresse, dans son rapport annuel, un bilan accablant de la situation du logement dans notre pays : il y aurait en France 3,2 millions de mal logés, dont 100 000 SDF, 150 000 personnes vivant chez un tiers, sans compter les jeunes qui ne peuvent pas quitter le foyer familial. Selon la fondation, le logement est devenu une source d'appauvrissement, et six millions de personnes seraient en situation de réelle fragilité.

Or si en 1979, avant la mise en oeuvre effective de la réforme Barre, la part du budget des foyers consacrée au logement avoisinait les 12 à 15 %, elle se situe aujourd'hui autour de 25 à 30 %, pour atteindre parfois 50 %, comme l'indique la proposition de loi : c'est le cas notamment pour les catégories les plus démunies de la population, mais aussi, et de plus en plus, pour les classes moyennes ou intermédiaires. Je crains fort que ce que vous nous préparez, madame la ministre, en matière de plafonds de ressources et de surloyer en HLM ne vise qu'à extraire ces catégories de la population du logement social, au mépris de la notion même de mixité.

Dans les faits, le coût du logement a littéralement explosé au cours de ces dernières décennies, tant en ce qui concerne les loyers et les charges – les disparités de loyers entre le secteur privé et le logement HLM, malgré la dégradation de la vocation sociale de ce dernier, peuvent atteindre jusqu'à 150 % en région parisienne.

Mais n'est-ce pas en définitive le but assigné aux réformes gouvernementales que de faire du logement une marchandise comme une autre, en contradiction avec la notion de droit au logement inscrit dans la Constitution ? Cela s'est traduit par un désengagement massif de l'État, dont la part dans le financement du logement social ne cesse de décliner : elle n'excède pas aujourd'hui les 8 %.

Et si le 1 % payé par les salariés, appelé parfois improprement « 1 % patronal », si les collectivités territoriales, ainsi que les fonds propres des organismes ne compensaient pas cette défaillance, il ne se construirait quasiment plus de logements sociaux dans notre pays, et il serait fort improbable qu'on puisse engager des opérations de réhabilitations du parc social, voire du parc privé.

Une réalité s'impose donc : la part consacrée au logement par l'État, exprimée en pourcentage du PIB, est la plus faible depuis trente ans, alors que ce secteur économique l'enrichit, même sans tenir compte du racket systématique opéré aux dépens des caisses du 1 % logement et des réserves du livret A.

À ce propos, comment ne pas affirmer notre total désaccord avec la mesure annoncée hier par Mme la ministre Lagarde : au nom de la concurrence libre et non faussée, réaffirmée par le traité de Lisbonne, le Gouvernement, sous l'injonction de Bruxelles, ordonne d'ouvrir la gestion des livrets A aux banques privées ? Cette mesure traduit un total mépris de l'épargne populaire. Elle offre une manne considérable aux spéculateurs et met radicalement en cause le système de collecte centralisé par la Caisse des dépôts et consignation, garant du financement du logement social.

En définitive, votre politique pourrait se résumer à prendre plus pour donner moins… C'est pourquoi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'y oppose et approuve l'essentiel de la proposition de loi qui nous est soumise. Tout en affirmant que le plus sûr chemin pour augmenter le pouvoir d'achat passe nécessairement par la revalorisation des salaires et des retraites, nous considérons néanmoins que l'atténuation substantielle de la charge du logement serait en effet un facteur essentiel de la progression du pouvoir d'achat.

Je note à cet égard dans le rapport l'impérieuse nécessité de faire appliquer la loi SRU sur tout le territoire. Nous avons raison de rappeler que, dans la ville de M. Sarkozy, la loi SRU n'est pas du tout appliquée. J'émets toutefois une réserve sur l'article 31 de la proposition de loi, qui porte à 50 % la proportion de logements sociaux en application de la loi DALO. Cette disposition risque en effet de pénaliser des villes déjà engagées dans une politique sociale et dédouaner les délinquants de la loi SRU.

Pour leur part, les élus communistes et républicains défendent des propositions dont un grand nombre sont contenues dans cette proposition de loi et ont été au coeur de la campagne des élections municipales. Vous devriez, madame Boutin, vous en inspirer, car les résultats ont été une véritable condamnation à votre égard. Le premier objectif de votre ministère devrait être de viser la construction de 500 000 logements par an, dont plus de la moitié réservée aux loyers réglementés et sociaux.

À cet égard, vous voudrez bien me pardonner de citer encore quelques chiffres : jusqu'à l'an 2000, 65 % à 70 % des logements construits étaient destinés aux deux tiers les plus modestes des ménages. Cette part est tombée à 40 % en 2005 et 75 % des logements construits en 2006 revenaient à 30 % de ménages les plus aisés. Ces chiffres sont révélateurs d'une politique délibérée en faveur du logement marchandise, à laquelle nous nous opposons. Nous exigeons la création de ce qu'on pourrait appeler un grand service public du logement, au même titre que l'éducation et la santé.

Pour revenir à la proposition de loi, l'article 2 prévoit une augmentation des aides au logement. Cette revalorisation est indispensable, car ces aides ont été bloquées pendant 43 mois par le gouvernement Raffarin et n'ont jamais été revalorisées au-delà de l'augmentation générale des prix. Toutes les organisations de locataires en revendiquent la revalorisation et je souscris à la revendication formulée par la Confédération nationale du logement d'une augmentation immédiate de 20 %. Voilà où nous pourrions trouver du pouvoir d'achat, puisque telles sont les intentions que vous indiquez.

Concrètement, cependant, cette revalorisation ne saurait être efficace que si elle s'accompagne d'un gel général des loyers pour une durée de trois à cinq ans. Par ailleurs, ces mesures indispensables en cette période de crise doivent s'accompagner d'un arrêt des expulsions locatives – ce dont vous ne dites mot !

J'ajoute, et c'est là une suggestion pour mes amis socialistes, qu'il faudrait avoir une intention particulière en faveur du logement des jeunes. La réhabilitation et la construction des cités universitaires sont insuffisantes. Le logement des étudiants est devenu un champ ouvert à la spéculation immobilière. Quant aux jeunes travailleurs, il faut répondre à leur attente par la construction de logements sociaux, de résidences spécifiques et par les aides au logement.

Pour conclure, nous voterons ce texte en y exprimant notre volonté d'agir pour une autre politique, donnant à chacun un logement adapté et abordable à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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