Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelle est la spécificité de l'homme ? C'est tout simplement sa capacité à prendre conscience de sa propre disparition, de sa propre mort. Si cette conscience génère une angoisse qui touche chacun de nous, elle est également à l'origine de la volonté de l'homme de se dépasser et de s'astreindre aux contraintes naturelles. C'est aussi en pensant à sa propre disparition que l'homme, être de relations, fait pour donner de l'amour et en recevoir, donne un sens à sa vie.
L'affaire Humbert et l'affaire Sébire ont permis une extraordinaire accélération de notre prise de conscience collective au niveau national. C'est souvent avec émotion et même avec passion que les débats et les réflexions se sont engagés. Même si, d'un point de vue médiatique, l'euthanasie s'est imposée au titre de la liberté individuelle, la réflexion a été engagée dans notre hémicycle. Un refus unanime s'est exprimé, celui de la souffrance et de l'acharnement thérapeutique, pour faire l'apologie des soins palliatifs. La loi de 2005 a apporté une solution, celle de la suppression de la souffrance physique. Mais qu'en est-il de la souffrance morale, des angoisses que l'on ressent lorsqu'un être cher nous quitte ?
La fin de vie fait-elle partie de la vie ? Pour moi, chaque mort est unique, personnelle et différente. Elle s'accomplit alors qu'on se trouve entre des mains expertes dans la plupart des cas, mais des mains étrangères. Ne pourrait-on pas, comme l'a suggéré Gaëtan Gorce, rendre la mort à la famille et aux proches ? S'il apporte une solution, le congé familial de solidarité pose tout de même deux problèmes : il est à l'origine d'une inégalité, dans la mesure où il ne s'adresse qu'aux salariés ; par ailleurs, il n'est pas rémunéré, et le recours aux arrêts de travail est sans doute révélateur, à cet égard, d'une certaine hypocrisie.
Selon le docteur Aubry, que Jean Leonetti, Michel Vaxès, Gaëtan Gorce et moi-même avons auditionné, reconnaître ce temps essentiel que constitue la fin de vie honorerait notre société. Notre proposition de loi permet cette reconnaissance de la fin de vie, maillon indispensable et indissociable de notre propre vie, dans lequel la solidarité nationale doit s'impliquer.
Permettre l'accompagnement des personnes en fin de vie par les ascendants, les descendants, les frères et soeurs, en prévoyant que ceux-ci soient rémunérés, me paraît une excellente chose. Au demeurant, je ne pense pas qu'une telle mesure coûtera très cher à la solidarité nationale, dans la mesure où elle permettra d'éviter le recours aux arrêts de travail, ainsi que le coût de l'hospitalisation des derniers jours. Pour toutes ces raisons, je n'ai pas hésité à cosigner ce qui me semble une bonne proposition de loi. Je salue les trois collègues avec lesquels j'ai mené une réflexion intéressante et profonde sur la vie, y compris sur ma propre vie. Le groupe du Nouveau Centre vous invite par conséquent à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur l'ensemble des bancs.)