Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mes chers collègues, lequel de nos concitoyens n'a pas été un jour confronté à l'angoissante question de son indisponibilité lors de la dernière maladie d'un être cher, lors d'une agonie reconnue irréversible, durant laquelle il n'a pu dire son amour, son affection, son amitié, une dernière fois ? Même les croyants qui, par un culte d'action de grâce, célèbrent la mort comme un rite de passage gardent en eux-mêmes le regret lancinant de n'avoir pas été là.
La proposition de loi dont nous discutons ce matin est le complément logique et nécessaire de la loi sur la fin de vie, dite loi Leonetti, du nom de son auteur. Votée à l'unanimité par notre assemblée – et cela est assez rare pour être souligné –, faite d'un équilibre subtil, celle-ci a su prendre en compte la détresse des mourants, l'angoisse de leurs familles, les difficultés auxquelles était souvent confronté le corps médical, tout en s'attaquant aux risques d'un acharnement thérapeutique déployé sans espoir raisonnable d'obtenir une amélioration sensible de l'état du patient.
Loi insuffisamment connue, hélas, elle commence cependant à être mieux appliquée, comme l'a montré sa récente évaluation. Elle a aussi donné leurs lettres de noblesse aux soins palliatifs, notamment aux soins mobiles et en réseau, qui se développent désormais de manière significative même si c'est à un rythme encore trop lent pour les milliers de malades qui ne peuvent y avoir recours.
Cependant, quelle que soit l'efficacité des soins palliatifs et quels que soient le dévouement, l'écoute et la générosité des soignants qui se succèdent auprès du mourant, celui-ci, dans presque tous les cas, a besoin de la présence familière de ceux qui lui sont chers – conjoint, parents, enfants, frères ou soeurs, voire amis –, présence affectueuse et rassurante qui l'armera au moment d'affronter le dernier départ.
Aujourd'hui, nous sommes loin de l'image d'Épinal du laboureur rendant l'âme au milieu des siens. Tout a changé : les familles dispersées, souvent reconstituées, ne vivent pas sous le même toit, pas toujours dans la même ville, encore moins dans le même village. Certes, rien n'interdit à la personne qui vient accompagner un mourant de demander un congé, mais celui-ci ne sera pas de droit, et ne sera pas rémunéré, sauf à être pris sur les vacances et les RTT. Cependant, la mort ne choisit pas son calendrier en fonction des agendas de chacun. Aussi, nombre de ces congés sont-ils le résultat d'un pieux mensonge, qui veut que l'accompagnant bénéficie d'un congé maladie.
Notre collègue Jean Leonetti a pris, cette fois encore, l'initiative d'une loi, portée par tous les groupes de l'Assemblée, faisant de ce congé un véritable droit. Qu'il en soit ici remercié. Ce congé d'accompagnement pour les salariés du secteur public ou privé, d'une durée maximale de trois semaines, est pris en charge par la sécurité sociale et compensé par l'État à hauteur de 20 millions d'euros, selon les évaluations. En fait, l'opération pourrait être pratiquement blanche en raison de la diminution des congés de complaisance. L'allocation d'accompagnement n'exclut pas les non-salariés s'ils suspendent leur activité. Elle vient ainsi opportunément pallier les carences du congé de solidarité familiale.
Notre rapporteur ayant fort bien éclairé l'économie générale de ce texte, je me bornerai, pour ma part, à vous livrer trois réflexions.
Tout d'abord, alors que trois quarts des décès ont lieu à l'hôpital, la présente proposition de loi ne porte que sur l'accompagnement à domicile. Notre commission a tenté de combler cette lacune.
En second lieu, la proposition de loi confie prudemment à un décret le soin de définir les modalités d'application de la loi. Celles-ci devraient offrir la possibilité de fractionner, ne serait-ce qu'une fois, ces journées en fonction de l'évolution de la phase terminale et prévoir éventuellement un étalement par demi-journées si les circonstances s'y prêtent. La gestion en serait, certes, fort compliquée ; mais il faudrait avancer sur ce point. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner quelque assurance à ce sujet ?
Enfin, je voudrais évoquer le cas des enfants qui meurent de maladies, parfois orphelines. Il mérite, je crois, un examen particulier, la présence auprès d'eux des parents – au moins de la mère – étant absolument indispensable.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe UMP votera, bien entendu, cette proposition de loi si nécessaire, en souhaitant – ce sera un moment heureux de notre vie parlementaire – que la même unanimité que celle qui a présidé au vote de la loi Leonetti d'avril 2005 réponde à une réelle attente de notre société, s'agissant d'humaniser davantage cette épreuve que reste toujours la fin d'une vie. (Applaudissements.)