Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi a un grand mérite. Elle permet, une nouvelle fois, de démontrer que seul le travail supplémentaire permet de créer de la richesse supplémentaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), et qu'avant de partager une richesse, il convient d'abord la créer. C'est du bon sens.
En 2004, le Gouvernement a choisi de financer la solidarité pour les personnes âgées et handicapées en créant davantage de richesses par le biais d'une journée travaillée supplémentaire. À l'époque, le choix avait été fait de supprimer un jour férié, le lundi de Pentecôte.
L'idée était bonne car, pour une fois, on cessait de prendre les entreprises pour des vaches à lait inépuisables en oubliant de se demander comment le lait était produit. On offrait aux entreprises, en contrepartie d'un nouveau prélèvement, la possibilité de créer davantage de richesses, et donc de faire de cette journée de solidarité une opération blanche pour elles.
L'idée était bonne, car elle permettait, en filigrane, d'aborder le problème des jours fériés. Personne n'en parle, personne ne veut le voir, mais le mois de mai, en France, est un mois économiquement sinistré. De ponts en viaducs, l'activité économique se trouve ralentie, et dans la compétition internationale, c'est un véritable handicap pour les entreprises françaises. En supprimant l'un de ces jours fériés, on s'attaquait donc aussi à ce problème.
La mise en oeuvre a malheureusement été décevante, il faut le reconnaître. La faute en revient en partie au Gouvernement, qui n'a pas su, ou pu, imposer la suppression d'un jour férié au sein de l'éducation nationale. Les entreprises avaient pourtant joué le jeu les premières années, y compris en dispensant leurs salariés de cette journée de solidarité dans beaucoup de cas.
Aujourd'hui, nous devons tirer les leçons de cet échec. Savoir reconnaître que quelque chose ne vas pas, analyser la situation et changer de cap, cela s'appelle le pragmatisme – et, pour moi, c'est une grande qualité.
Je salue le travail accompli par mes collègues Jean Leonetti, Jean-Louis Christ, Yvan Lachaud et Jacques Pélissard, qui se traduit par le texte que nous examinons aujourd'hui. Sans renoncer à l'idée d'origine, qui est de permettre la création d'une richesse supplémentaire pour financer la solidarité, cette proposition de loi en assouplit les modalités d'application. La solution proposée – donner une plus grande liberté aux partenaires sociaux – ne peut que me satisfaire. Le lundi de Pentecôte redevient férié : il fallait sans doute en arriver là pour mettre fin au statut baroque de cette journée, dont on ne savait plus si elle était fériée, chômée ou travaillée.
Cela ne nous dispensera pas de revenir sur l'impact économique de la concentration des jours fériés au mois de mai. Le point de croissance supplémentaire qui nous manque, monsieur le ministre, nous le trouverons aussi en aménageant ces véritables « trous noirs » que sont pour l'activité économique les jours fériés et surtout les ponts. L'évolution des mentalités et des comportements va d'ailleurs dans le sens d'une remise en cause des jours fériés : les salariés aspirent de plus en plus à un temps de travail choisi, individualisé. Les jours fériés, qui sont des jours de congé obligatoires, font figure d'archaïsmes.
Alors que l'on parle beaucoup de laïcité et de discrimination – nous le faisions ici même hier après-midi – personne ne s'étonne que le lundi de Pâques et le lundi de Pentecôte, lendemains de fêtes religieuses, soient reconnus chômés par les lois de la République.
Sans diminuer le nombre de jours de congé, le système doit évoluer : chacun doit pouvoir prendre ses jours de congé quand il le souhaite, ce qui permet également de les étaler, d'éviter les à-coups et les périodes de creux qui nuisent à l'activité économique et à la création de richesse pour notre pays.