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Intervention de Yvan Lachaud

Réunion du 26 mars 2008 à 15h00
Journée de solidarité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYvan Lachaud :

Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec beaucoup de plaisir que je salue l'inscription, à l'ordre du jour de notre Assemblée, de cette proposition de loi que j'ai eu l'honneur de déposer avec trois de mes collègues : Jean-Louis Christ, Jean Leonetti et Jacques Pélissard.

Élu du Gard, j'ai pu, comme vous tous, constater sur le terrain que l'application, en son état actuel, de la loi relative à la journée de solidarité, entraînait de nombreux dysfonctionnements et imperfections.

Nous avons donc souhaité nous réunir autour de cette ambition commune de solidarité nationale, afin d'enrichir le dispositif mis en place, de tout le bon sens nécessaire à sa totale efficacité et à sa pleine popularité. Par ce texte, nous proposons de donner aux entreprises et aux particuliers la souplesse et la liberté sans lesquelles la solidarité n'est qu'une contrainte et non un acte volontaire et librement consenti. Là aussi, nous devons nous féliciter de ce que le Gouvernement a entendu les arguments que nous avons défendus avec conviction depuis maintenant quatre ans. Je tiens particulièrement à vous remercier, monsieur le ministre, pour votre engagement dans ce domaine.

En 2004, quand le Gouvernement a décidé d'instaurer une journée de solidarité pour les personnes âgées et les personnes handicapées, le groupe centriste a salué unanimement ce geste fort en direction des personnes les plus fragiles de notre société. Il est juste que l'on s'occupe tout particulièrement de celles et ceux qui en ont le plus besoin. C'est à cela que l'on mesure la valeur d'une société, son degré de développement et, tout simplement, son humanité.

Compte tenu de l'évolution démographique de notre pays, de sa situation sanitaire et médicale, nous avons le devoir – oui, le devoir – de répondre aux nouveaux besoins de nos concitoyens, ce qui nous impose de trouver de nouvelles sources de financement. À ce titre, travailler plus pour aider ceux qui en ont le plus besoin relève d'un principe juste et équitable. C'est ainsi que, l'année dernière, la contribution de solidarité pour l'autonomie a fourni 14 % du budget de la Caisse nationale de solidarité, soit plus de 2,156 milliards d'euros.

Il ne s'agit donc pas – contrairement à ce qui a pu être dit, avec beaucoup de malice, sur certains bancs de cette Assemblée – de « travailler plus pour gagner moins ». La solidarité, c'est la société tout entière qui y gagne. Est-il nécessaire de le rappeler à certains de nos collègues ? Voilà pourquoi nous avons tenu à améliorer le dispositif mettant en place la journée de solidarité.

En effet, nous avons regretté que cette mesure, telle que proposée à l'origine par le Gouvernement, il y a quatre ans, pour sage et nécessaire qu'elle ait été dans son intention et son principe, se traduise par une application rigide, stricte et complexe, méconnaissant les réalités du terrain. Nous avons regretté qu'un acte de solidarité nationale ait des répercussions négatives sur le plan économique, touristique, social, familial, culturel, sportif, festif, voire religieux. Sans compter que la mesure était tout simplement inapplicable pour celles et ceux qui travaillaient déjà le lundi de Pentecôte : transporteurs routiers, personnels hospitaliers et autres.

En supprimant le lundi de Pentecôte férié, on a mis à mal tout un pan de l'activité de notre pays. Pour prendre un exemple que je connais bien, la ville dont j'ai le plaisir de gérer les finances, la perte s'est élevée à près de 3 millions d'euros pour la Feria de Nîmes, traditionnellement organisée pendant le week-end de la Pentecôte, en raison de la suppression de ce lundi férié. Et mes collègues pourraient en dire autant à propos de la feria de Vic-Fezensac ou des milliers de manifestations traditionnelles qui se déroulent dans le nord comme dans le sud ce jour-là. Sur le plan associatif, festif ou familial, en termes de convivialité, de moments de rencontres et d'échanges, la perte est impossible à mesurer, mais en tout cas très importante.

Le progrès humain, c'est aussi du temps libéré pour permettre à chacun de trouver son épanouissement personnel et familial, de trouver sa place dans la société par la pratique du sport, la participation à la vie culturelle, syndicale, associative. Car la vie locale, ferment de notre tissu social et humain, c'est avant tout cette vie associative, et même religieuse que l'État laïque se doit de respecter.

Les dispositifs que nous mettons en place doivent être conciliables avec la vie cultuelle et les traditions de chacun. Dans une société où les repères disparaissent les uns après les autres – ce qui n'est pas sans conséquences psychologiques et sociales –, il est important de garder un peu de stabilité, un peu de tradition. C'est une forme de respect du passé.

En 2005, le lundi de Pentecôte avait ainsi été davantage une journée de cacophonie que de solidarité, avec des départements où l'éducation nationale travaillait et d'autres où elle ne travaillait pas. Les parents contraints de travailler rencontraient une difficulté réelle pour faire garder leurs enfants parce que les crèches et les écoles étaient fermées. Sans compter l'inégalité de traitement entre la fonction publique et le secteur privé, la situation était devenue hypocrite, puisque seulement un Français sur deux travaillait le lundi de Pentecôte. Le directeur d'une association d'aide à domicile pour les personnes âgées – on peut donc penser qu'il sait de quoi il parle – m'avait dit : « la journée de Pentecôte, journée de solidarité, c'est devenu la journée de l'absurdité ».

Avec Jean-Louis Christ et Jean-Pierre Decool, nous nous sommes mobilisés pour réunir une centaine de députés, de tous bords politiques, tous convaincus que le bon sens devait l'emporter. C'était d'ailleurs la conclusion à laquelle avait abouti, en 2005, le Comité de suivi et d'évaluation présidé par Jean Léonetti.

L'opinion des Français est claire. Leur mécontentement est réel, tous les sondages l'ont montré, et mes collègues députés s'en sont bien rendus compte dans leurs permanences ou sur le terrain. Si nos concitoyens ne sont pas opposés – bien au contraire – à une journée de solidarité, ils refusent une mesure qui, finalement, se révèle difficilement applicable, et comporte plus d'inconvénients que d'avantages.

Aujourd'hui, les députés centristes sont heureux de voir que leurs arguments ont enfin été entendus – n'est-on pas toujours satisfait d'avoir raison ! –, mais ils se réjouissent surtout de voir le Parlement et le Gouvernement prendre une décision qui s'impose, en adoptant une mesure de liberté et de souplesse.

La solution proposée va dans le sens de la démocratie sociale, de la liberté laissée aux partenaires sociaux. Il faut que l'on donne une entière liberté aux partenaires sociaux – au sein de l'entreprise ou, à défaut, au sein de la branche – pour trouver comment accomplir cette journée de solidarité, de la manière la plus adaptée à leur organisation. Faisons confiance ! Les chefs d'entreprise, les comités d'entreprise sont intelligents ! Ajoutons que les situations diffèrent selon les régions : dans certains endroits, on a davantage besoin de travailler l'hiver, ailleurs, c'est plutôt l'été ; d'autres entreprises enfin veulent adapter cette journée. C'est d'ailleurs, en substance, l'un des trois scénarios préconisés dans le rapport d'Éric Besson.

Pour tous ceux qui sont attachés aux manifestations organisées traditionnellement ce jour-là, à Estaires dans le Nord, à Oloron-Sainte-Marie, à Troyes, à Chartres, à Nîmes ou ailleurs, voir réaffirmer le caractère férié du lundi de Pentecôte est un grand soulagement et une belle victoire.

Le Nouveau Centre défend, soutient et votera cette proposition de loi. Il reste encore à faire la pédagogie de la solidarité. La vraie solidarité consiste aussi à améliorer, au quotidien, la vie des personnes dépendantes, âgées ou handicapées. Cela signifie ne pas laisser des personnes âgées dans la solitude et le besoin ; cela veut dire faire toute leur place aux personnes handicapées, dans la société : à l'école, dans l'entreprise, dans les transports ou dans les lieux culturels et sportifs. La solidarité, oui ; le dogmatisme, non.

Retenons tout de même qu'on n'est pas quitte avec la solidarité quand on y a consacré sept heures par an. C'est le message que nous voulons faire passer à nos concitoyens. Nous sommes heureux que la discussion de cette proposition de loi nous en donne l'occasion. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Nouveau centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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