Il n'y a donc pas eu d'effet de substitution : ce sont bien des recettes nouvelles qui ont amené des prestations nouvelles. Il n'y a pas eu, comme on le dit habituellement, d'effet « vignette », laquelle s'était diluée dans l'ensemble des finances publiques sans servir à l'objectif pour lequel elle avait été instaurée.
Je rappellerai qu'en l'état actuel de la législation, la date de cette journée est fixée, dans le secteur privé, par un accord collectif de branche ou d'entreprise et, à défaut d'accord – seulement à défaut d'accord, je me rappelle que l'excellent rapporteur de la loi de 2004, M. Jacquat, avait insisté sur ce point –, au lundi de Pentecôte.
Puis, nous avons constaté que, dès 2005, le lundi de Pentecôte travaillé a été la règle et non l'exception, dans l'ensemble des entreprises, publiques ou privées. Nous avons tous constaté un certain nombre de dysfonctionnements. Rappelons-nous les grèves dans l'éducation nationale. Mais surtout, alors que 7 ou 8 enseignants sur 10 étaient présents, 1 enfant sur 2 s'était présenté aux portes des écoles et des collèges, ce qui a été l'occasion de dysfonctionnements majeurs.
Nous avons aussi constaté les problèmes qui se sont posés à Nîmes, lors de la feria, et qui ne sont pas anecdotiques, comme M. Lachaud l'a bien montré. La fréquentation du mont Saint-Michel avait chuté de 60 %. Et alors que nous sommes un pays à développement économique touristique fort, nous avions presque mis en place un dispositif qui, non seulement n'engendrait plus de richesses supplémentaires, mais pouvait au contraire être la source de déficits éventuels.
C'est la raison pour laquelle, lorsque le Premier ministre nous a confié une mission d'évaluation de la journée de solidarité, il nous est d'emblée apparu qu'il fallait introduire beaucoup plus de souplesse. D'une part, celle-ci est un gage d'efficacité pour les entreprises, en particulier celles de l'hôtellerie et de la restauration, les entreprises touristiques. D'autre part, elle est importante pour renforcer l'acceptabilité de la journée de solidarité aux yeux des salariés. Il n'est pas normal que ce temps donné ne soit pas un temps choisi, et ce dans le cadre d'un dialogue social constructif.
Malgré les assouplissements apportés, la situation n'est pas totalement dépourvue d'inconvénients. En effet, 70 % des entreprises étaient ouvertes le lundi de Pentecôte 2007, mais moins de la moitié des salariés étaient présents, les autres ayant posé une journée de RTT, pris un jour de congé ou étant dispensés de la journée de solidarité par leurs entreprises. S'agissant des services publics, la plupart d'entre eux étaient fermés.
Deux difficultés majeures sont apparues.
La première concerne l'accueil et la scolarisation des jeunes enfants. Il s'est finalement produit l'inverse de ce que l'on a constaté dans un premier temps : les salariés du secteur privé qui travaillaient le lundi de Pentecôte trouvaient porte close à l'entrée des écoles et des collèges et ne savaient pas à qui confier leurs enfants.
La seconde a trait a l'interdiction de circulation pour les poids lourds : pour des raisons de sécurité routière, les entreprises de transport routier travaillant le lundi de Pentecôte ne peuvent pas, sauf dérogation préfectorale, faire circuler leur flotte de plus de 7,5 tonnes, ce qui entraîne évidemment une entrave à leur activité et un préjudice.
C'est pourquoi nous vous proposons d'aller plus loin – et je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir accepté que ce soit une proposition de loi que le Parlement ait à examiner aujourd'hui –, en donnant encore davantage de souplesse à ce dispositif : plus efficace pour les entreprises, il doit aussi être plus simple pour les salariés et les familles, et ne pas les pénaliser lors d'un week-end dont on sait qu'il est l'occasion d'activités familiales, associatives, culturelles ou touristiques.
Notre proposition de loi comporte donc un article unique qui reprend à la fois les recommandations du comité de suivi et d'évaluation et celles du rapport Besson. Grâce à ce texte, nous donnons une plus grande liberté aux partenaires sociaux, au sein de l'entreprise ou, à défaut, au sein de la branche, pour fixer les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité.
Concrètement, le texte met en oeuvre le scénario 2 proposé par le rapport Besson. Il propose de supprimer la disposition législative fixant au lundi de Pentecôte le jour d'accomplissement de la journée de solidarité en cas d'absence d'accord de branche ou d'entreprise définissant les modalités d'accomplissement de cette journée, et de confier aux partenaires sociaux au sein des entreprises ou des établissements, ou, à défaut, dans les branches professionnelles, le soin de fixer ces modalités.
Trois modalités sont offertes aux partenaires sociaux : soit le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ; soit le travail d'un jour de réduction du temps de travail ; soit toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées en application de dispositions conventionnelles ou des modalités d'organisation des entreprises.
À défaut d'accord collectif du travail, la proposition de loi confie aux employeurs la charge de déterminer les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité.
La proposition de loi supprime pour les salariés du secteur privé la fixation, par défaut, au lundi de Pentecôte de la journée de solidarité. Dans un souci de cohérence, il convient bien sûr d'appliquer aux trois fonctions publiques les nouvelles modalités d'accomplissement de la journée de solidarité prévues pour les salariés du secteur privé.
Je rappelle que la détermination de la journée de solidarité pour les agents des trois fonctions publiques est organisée par l'article 6 de la loi du 30 juin 2004, qui prévoit qu'à défaut de décision intervenue avant le 31 décembre de l'année précédente, la journée de solidarité est fixée au lundi de Pentecôte.
Pour les mêmes raisons qui ont amené à déposer la proposition de loi, il convenait aussi de supprimer l'uniformité et la rigidité entraînées par la loi du 30 juin 2004 dans les différentes fonctions publiques.
La journée de solidarité sera ainsi fixée au plus près du terrain et des besoins des salariés, des familles, des entreprises et des territoires. Sera ainsi supprimé, dès le 2 mai 2008, le mécanisme de fixation par défaut au lundi de Pentecôte de la journée de solidarité, qui avait suscité des incompréhensions, fait naître un sentiment d'injustice et fait percevoir la loi du 30 juin 2004 comme une loi autoritaire alors que c'était au contraire une loi de dialogue social et de solidarité.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a adopté cette proposition, qui doit permettre de revenir à l'esprit même qui avait présidé à l'adoption, en 2004, du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)