On constate depuis le début du débat que la majorité n'aime pas beaucoup le code du travail, surtout lorsqu'il offre un certain nombre de garanties aux salariés. Votre détricotage de la législation sur les 35 heures et votre loi dite de modernisation du marché du travail sont autant de témoignages de votre dangereuse volonté de mettre à mal de nombreuses dispositions favorables aux droits des salariés.
Toutefois, cette entreprise ne va pas pour vous sans difficultés. Les attaques contre le code du travail ne se font jamais sans résistances : les manifestations contre le CPE, les actions en justice contre le CNE ont sonné à vos oreilles comme des mises en garde contre une stratégie d'attaque frontale trop dangereuse à tenir.
De nombreux Français sont de moins en moins dupes du discours présidentiel sur la prétendue défense de la France du travail – la France qui se lève tôt.
Vous avez donc opté pour une stratégie un peu plus pernicieuse, et moins visible, qui consiste à réduire le plus possible le nombre des personnes protégées par ce code.
Et l'article L. 8221-6 du code du travail, que notre amendement propose de supprimer, entre bien dans cette stratégie. Il concerne les relations entre le donneur d'ordres par un contrat de travail et les personnes, physiques ou morales, exécutant une activité pour ce donneur d'ordres. Ces personnes sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordres par un contrat de travail dans l'exécution de son activité. Le salarié réalisant des travaux pour une entreprise donneuse d'ordres étant transformé en travailleur indépendant, il n'entre plus dans le champ du code du travail. Autrement dit, il ne dispose d'aucune disposition protectrice de ce code, que cela concerne la durée légale du travail, le salaire minimal, les droits à la sécurité sociale, ou encore, comme on vient de le voir, ce que vous appelez les seuils. Cela est pratique pour les entreprises qui peuvent ainsi disposer d'une main-d'oeuvre beaucoup plus flexible, plus contrainte, car dépendante de la société donneuse d'ordres.
Les secteurs dans lesquels les pratiques de ce genre sont en vigueur sont nombreux. Plusieurs ouvriers du bâtiment, par exemple, travaillent pour des sociétés donneuses d'ordres sous le statut d'artisan, alors même qu'ils n'ont pas choisi ce statut.
Les grandes surfaces ont également compris l'intérêt de cette disposition du code du travail que nous avions abrogée quand nous étions au gouvernement, mais que votre majorité s'est empressée de rétablir.
L'article L. 8221-6 du code du travail est à l'image de l'économie prétendument moderne dont vous rêvez : une économie dérégulée, où le chacun pour soi règne en maître et où les droits collectifs ne sont que pure chimère. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression du 1° du I et des trois derniers alinéas de cet article. C'est aussi la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement.