Mais il ne s'agit pas ici de Paris, mais de départements urbanisés. Dans notre pays – cela vous a peut-être échappé –, il y a des départements plus urbanisés que d'autres. L'évolution démographique va plutôt dans le sens d'une concentration dans ces départements et ces zones urbaines. Malheureusement, monsieur le ministre, le découpage que vous vous apprêtez à faire n'en tient pas compte.
Le troisième principe consiste dans le maintien du cadre départemental, et il me semble également discutable. Nous en reparlerons lors de l'examen de l'amendement que j'ai déposé sur ce point mais ce principe non plus n'avait pas pour lui la force de évidence. D'autres possibilités auraient pu être envisagées pour permettre une répartition plus respectueuse de la démographie, le cadre départemental pouvant conduire à des disparités démographiques importantes.
Je vais me livrer, comme en commission, à un petit calcul très simple. Si vous divisez la population française, métropole et départements d'outre-mer réunis, par 125 000 – le chiffre n'est pas définitif et peut encore varier en fonction des données démographiques –, vous aboutissez à un chiffre de 490 circonscriptions, à condition de rechercher une répartition parfaitement équitable et juste. Si vous répartissez les sièges selon la méthode de la tranche dans un cadre départemental, vous aboutissez à 540, soit 50 sièges dus à l'effet de seuil. Ce n'est pas négligeable : c'est près de 10 % des sièges de l'Assemblée nationale !
Le système de la tranche et, plus encore, le maintien du cadre départemental aboutiront à maintenir les disparités démographiques entre les circonscriptions. Près d'une vingtaine de départements, en vertu du système que vous nous proposez, auront des circonscriptions dont le poids démographique moyen sera inférieur à 100 000 habitants et certaines d'entre elles seront très en deçà. Près de vingt autres auront des circonscriptions dont le poids moyen démographique sera supérieur à 120 000 habitants. Certes, vous corrigez les disparités les plus criantes, mais vous ne parvenez pas, par votre méthode, à réduire un certain nombre d'autres, également choquantes.
Un autre système aurait pu consister à passer à un cadre régional, par la création d'un certain nombre de circonscriptions interdépartementales. Cela aurait permis de resserrer très notablement le poids moyen des circonscriptions autour d'une moyenne nationale. J'ai fait le calcul, toujours sur la base de 125 000 : une quinzaine de sièges seulement seraient liés à l'effet de seuil, au lieu de 50 dans le cadre départemental.
Le seul objet de ce redécoupage devrait être de limiter au maximum les disparités démographiques. Malheureusement, la méthode que vous avez retenue ne nous permettra pas d'y parvenir. Elle laissera subsister des disparités criantes. Vous aurez dans tel département deux députés pour 150 000 habitants, dans tel autre un pour 120 000 à 125 000 habitants.
Je pense donc qu'il serait sage de renvoyer le texte en commission, afin de revoir des principes qui ont été adoptés, à mon avis, dans une certaine précipitation, sans une réflexion suffisamment approfondie sur les objectifs poursuivis.
Il faut que ce redécoupage ne prête à aucune suspicion, qu'il s'agisse de son caractère politique partisan ou de ses fondements démographiques. L'objectif doit être de permettre aux Français d'être représentés également sur l'ensemble du territoire national. Ce n'est pas le cas avec la méthode que vous nous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)