Il ne s'agit pas seulement d'une question de sémantique et de vocabulaire. Sur le sujet de l'égalité des chances, nous avons entendu un certain nombre de sottises pendant des années. Pourquoi inscrire dans notre règlement une égalité des chances qui n'existe pas ? Si elle existait en effet, nous ne serions sans doute ni dans cet hémicycle ni dans nos communes ni dans certaines associations. Comment parler d'égalité des chances entre deux enfants dont l'un a eu la chance de naître dans un milieu très aisé, l'autre la malchance d'être issu d'un milieu défavorisé ?
Ce n'est d'ailleurs pas une nouveauté. Déjà, dans les années 1960, dans Les Héritiers, ouvrage que ceux qui s'intéressent à ces questions connaissent, Bourdieu et Passeron écrivaient – ne voyez dans cet exemple aucun esprit polémique – que, entre les enfants des bateliers de la Volga et les enfants de M. Brejnev, il y a une différence fondamentale, et aucune égalité des chances… Cela se décline aisément dans d'autres pays, et dans le nôtre au premier chef.
Les constituants, sous la Révolution, avaient écrit de façon plus raisonnable que « les citoyens naissent libres et égaux en droit », bien conscients que l'égalité n'allait pas au-delà. Et, cette égalité n'existant pas, tout notre travail consiste à agir pour l'égalisation des chances. C'est pourquoi je propose de sous-amender l'amendement n° 60 en substituant à la notion d'égalité des droits celle d'égalisation des chances, qui s'accordera mieux avec le terme d'insertion qui précède. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) La différence est fondamentale, mes chers collègues : plutôt que de parler d'une égalité des chances qui n'existe pas, mieux vaut affirmer la volonté de mettre en place une politique d'égalisation des chances.