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Intervention de Michel Liebgott

Réunion du 11 décembre 2007 à 15h00
Ratification de l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Liebgott :

Sans doute auriez-vous souhaité ne pas être obligés de passer par la ratification. Mais c'est encore ce que prévoit notre Constitution. Certes, le Parlement dispose de pouvoirs restreints, mais il en a encore quelques-uns. Parmi ceux-ci subsiste la ratification des ordonnances. Et dans le cas présent, il s'agit d'une ordonnance importante, puisque ce projet de loi concerne environ vingt millions de salariés. Ce n'est pas un détail – je ne dirai pas de l'Histoire, bien qu'il s'agisse de l'histoire du droit du travail dans notre pays depuis un siècle et demi, de l'histoire de toutes les luttes ouvrières, de tous les combats qui ont amené des progrès. En général, les progrès ne sont pas spontanés, ils n'apparaissent pas un beau matin, parce qu'on s'est dit, en s'éveillant, qu'on allait prendre des mesures en faveur des salariés. Nous savons très bien, dans ce domaine comme dans d'autres, qu'il faut se battre. Nous constatons, dès le départ, un déséquilibre entre le salarié et le chef d'entreprise, celui qui détient le pouvoir d'embaucher, de fixer la rémunération et de débaucher le salarié – au-delà même de l'état du marché, qui peut quelquefois avoir une incidence.

De même que nous sommes protégés par notre règlement intérieur, de même les salariés de toutes les entreprises de France doivent être défendus par le code du travail. Il n'est donc pas choquant que nous passions un certain temps, même un temps certain, à examiner ce texte. Or nous n'avons pas passé un temps certain, que ce soit en commission, où, manifestement, le débat s'est caractérisé par une improvisation, assez surréaliste, ou dans l'hémicycle, où vous avez tenté, monsieur le ministre, de faire adopter le texte dans la nuit de mercredi à jeudi. Toutefois, nos travaux se sont arrêtés vers deux heures trente, car vous ne pouviez pas décaler les horaires des chemins de fer – peut-être aussi parce que le droit du travail ne permet pas de décaler les horaires des trains. Si bien que nous avons dû nous retrouver aujourd'hui.

Ce ne sont sans doute pas les dispositions les plus importantes qui ont obtenu un accord de la commission et du Gouvernement, mais nous avons tout de même légèrement corrigé le texte. C'est dire si les séances supplémentaires étaient utiles.

Nous avons malheureusement le sentiment de ne pas avoir suffisamment corrigé le texte pour réussir à maintenir la législation à droit constant. Ce sera sans doute notre plus grand regret. Nous aurons sans doute l'occasion de le constater à de multiples reprises, en examinant les décisions prises par les conseils de prud'hommes. Comme l'ont avoué des professeurs de droit – cela figure dans la dernière édition du Dalloz –, il faudra des années pour se rendre compte de toutes les conséquences de cette nouvelle recodification. Ces nouvelles mesures vont complètement bouleverser la relation entre les entreprises et les salariés. Nous ne vous demandons pas de faire le même aveu – je viens d'écarter les soupçons de torture ! –, mais seulement de reconnaître les modifications apportées au code du travail. Elles ne manqueront d'ailleurs pas de générer des contentieux, le plus souvent au détriment des salariés – que nos interventions sur le texte permettront peut-être parfois de protéger.

Nous regrettons qu'il n'y ait pas eu de transposition à droit constant et qu'il y ait eu un certain nombre de transferts du législatif vers le règlementaire, ce qui signifie que le Parlement est dessaisi, à moins qu'il n'ait la volonté de se ressaisir – mais, à court terme, nous n'en prenons pas le chemin. Par le biais du pouvoir règlementaire, le Gouvernement pourra, à sa guise, modifier, dans les mois et les années qui viennent, les textes qui sont entrés dans le domaine réglementaire.

En outre, le droit unitaire du travail est presque réduit à néant puisqu'un certain nombre de dispositions concernant des professions salariées ont été externalisées. Celles-ci ne s'y retrouveront plus. C'est historiquement un fait grave. On peut penser que le droit du travail est suffisamment important pour qu'il concerne tous les salariés. Eh bien non ! un certain nombre de salariés n'en bénéficieront plus. Je n'ose parler des précaires, de tous ceux qui sont exploités – M. Vercamer parlait tout à l'heure de l'exploitation par certaines entreprises de situations dramatiques. Tout l'ensemble sera fragilisé, parce que le code du travail ne sera plus au niveau où il se trouvait auparavant.

La même logique de fragilisation du salarié vaut pour des mesures incidentes. Ainsi, nos amendements visant à sanctionner les infractions répétées au code du travail par certains chefs d'entreprise n'ont pas été adoptés. De la sorte, vous fragilisez le droit lui-même, au profit du droit du plus fort.

Nous nous opposerons à l'adoption de ce projet de loi, puisque nous n'avons eu de cesse d'en dénoncer les insuffisances. Il nous paraît qu'un recours devant le Conseil constitutionnel se justifie pour un certain nombre de dispositions et qu'il a quelque chance d'aboutir. Ce que des juristes ont fait par ordre ou, en tout cas, sous contrôle, d'autres juristes, plus indépendants, pourront le défaire.

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