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Intervention de Bruno Le Roux

Réunion du 19 novembre 2008 à 21h30
Création de la commission prévue à l'article 25 de la constitution et élection des députés — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

…le fait que cette réforme ait été réalisée en quelques jours, disais-je, dans une période de trouble extrême, explique que la méthode employée pour l'attribution des sièges dans les départements ne suscite pas de grandes interrogations. L'ouvrage de référence sur le sujet, Lois électorales et inégalités de représentation en France, se borne ainsi à mentionner que « le découpage des circonscriptions était fondé sur le principe : un député pour 93 000 habitants ».

Ce critère particulièrement imprécis établissait tout au plus un lien entre la démographie et la répartition départementale des sièges. Mais cela ne nous renseigne pas sur la méthode employée. Après quelques approximations, il est apparu à ceux que ces recherches ont passionnés qu'il s'agissait de la proportionnelle au plus fort reste. Découvrir le mode de répartition employé en 1958 n'est pas sans intérêt, puisqu'il va conditionner en grande partie la représentation des départements pendant plus d'un quart de siècle. En effet, toutes les analyses de cette méthode démontrent qu'elle a conduit à avantager les petits départements aux dépens des plus importants.

En 1985, la loi est, comme en 1958, muette sur la méthode employée pour la distribution des sièges. Heureusement, cette fois, les débats parlementaires ont permis de lever le voile. Ainsi, le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale pour l'examen de la loi organique du 10 juillet 1985, mon prédécesseur Gilbert Bonnemaison – pour lequel j'ai une pensée aujourd'hui –, indiquait : « Afin de permettre à chaque département de bénéficier d'une représentation proportionnelle à sa population, le Gouvernement a retenu le principe de l'attribution d'un siège par tranche de 108 000 habitants ; en outre, chaque département sera doté d'au moins deux sièges. »

Toute l'analyse conduite par Robert Ponceyri dans Le découpage électoral confirme la propension du dispositif mis en place en 1985 à défavoriser, une fois de plus, les départements les plus peuplés. Je dénonce donc aussi bien la méthode employée en 1958 par la majorité de l'époque que celle utilisée en 1985 et qui a abouti à peu près aux mêmes excès, alors même qu'elle a été élaborée par une majorité de gauche.

Aujourd'hui, en 2008, les chiffres qui vont être certifiés par l'INSEE doivent nous permettre de fonder la nouvelle délimitation des circonscriptions électorales, et donc de respecter au mieux les obligations constitutionnelles. La question que nous devons nous poser est celle de savoir quelle méthode permet d'éviter les disparités entre circonscriptions. Compte tenu de l'augmentation de la population française et des évolutions favorables aux zones urbaines, la méthode de la tranche est-elle toujours la mieux adaptée ? La question mérite d'être posée.

À cet égard, je regrette, monsieur le rapporteur, que votre excellent rapport ne décrive aucune autre méthode d'attribution des sièges que celle des diviseurs. N'auriez-vous pas trouvé intéressant de confronter les chiffres du recensement, même partiels, à ces méthodes ? Nous vous proposerons d'ailleurs cet exercice lors de la discussion des amendements. Je citerai plusieurs études qui montrent que chaque méthode aboutit à des résultats sensiblement différents, aux conséquences électorales non négligeables, et entraîne des inégalités plus ou moins fortes entre départements.

Ce que nous souhaitons, c'est une méthode de répartition qui garantisse le plus parfaitement possible le respect du droit de suffrage de nos concitoyens, c'est-à-dire qui limite les différences de population entre circonscriptions, surtout si celles-ci continuent d'être élaborées dans le cadre départemental.

C'est la raison pour laquelle nous devons repousser votre texte, monsieur le secrétaire d'État. Notre démocratie n'a aucun intérêt à ce que nous débattions, dans la précipitation et sans concertation préalable, sur le fondement d'éléments d'information approximatifs. Parce que je souhaite un débat serein et l'élaboration d'une procédure irréprochable, je plaide pour une commission qui ne soit ni un alibi ni une commission croupion, mais qui se rapproche du dispositif britannique que j'évoquais précédemment.

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