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Intervention de Paul Giacobbi

Réunion du 16 octobre 2007 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, commençons par une apparente banalité : le budget est une prévision qui, partant des données comptables des exercices précédents, et sur la base d'hypothèses économiques, expose, grâce à un système d'informations intégré, un vaste ensemble de calculs et d'analyses. Dans la situation particulière de la France – je n'ai pas dit « la faillite » –, compte tenu de l'impératif du retour à l'équilibre des comptes publics en 2010 – car selon ce que nous ont dit nos partenaires européens et selon les règles, c'est 2010 – et de la charge écrasante des engagements de retraites de l'État, notre budget devrait s'inscrire, bien au-delà de l'annualité, dans une perspective à moyen et long terme. Tout le monde peut être d'accord avec les trois points de cette définition, mais les énoncer c'est déjà souligner les lacunes de ce projet de budget qui, je l'espère, seront, en partie au moins, comblées par nos travaux.

Premier point : les données comptables des exercices précédents sont loin d'être certaines. La Cour des Comptes souligne pour l'exercice 2006 que si le déficit s'est trouvé limité par l'augmentation spontanée des recettes, l'amélioration constatée doit aussi beaucoup à « la mobilisation de ressources extérieures au budget de l'État, notamment de la trésorerie excédentaire dans les comptes de plusieurs entités publiques – 4,75 milliards d'euros – mais aussi [à] d'importants reports de dépenses sur l'exercice 2007, sans que les informations disponibles permettent d'identifier celles qui auraient dû être payées en 2006 ». C'est une manière élégante de parler de cavalerie. Quel a été le montant de cette cavalerie ? Et est-ce que le même mouvement a été opéré en 2007 ? On peut tout de même l'imaginer en constatant que le solde d'exécution en fin de mois du budget de l'État marque pour le moment une dégradation de l'ordre de 10 milliards d'euros au moins par rapport à 2006. Vous nous expliquerez, madame la ministre, monsieur le ministre, que tout cela va s'améliorer dans les derniers mois de l'année, mais cette amélioration sera peut-être imputable au dispositif décrit par la Cour des comptes.

Deuxième point : les hypothèses économiques qui sous-tendent le budget, et que l'on nous a dit extrêmement prudentes, sont tout de même contestables. On peut même constater un véritable consensus de l'Union européenne, de l'OCDE et même du FMI qui confirme ce sentiment. Vous continuez à affirmer que la croissance sera supérieure ou égale à 2,25 % en 2007, quand le consensus s'établit aujourd'hui à 1,8 % ! Nous n'aurons pas à attendre longtemps le résultat. Vous continuez à nous expliquer qu'il ne s'est pas passé grand-chose aux États-unis cet été, ni d'ailleurs en Grande-Bretagne, et que de toute façon tout cela n'aura pas d'effet de ralentissement sur nos économies européennes. On peut toujours rêver ! Cette manière de faire n'est d'ailleurs pas nouvelle puisqu'elle était au cours de la mandature précédente devenue une sorte de tradition d'État qui consistait, et qui consiste encore, à présenter des hypothèses irréalistes, en particulier pour le prix du pétrole et le taux de croissance. Vous me direz que se tromper dans une prévision économique est une faute vénielle parce que c'est une faute très fréquemment commise, par beaucoup d'entre nous ; mais se tromper tout le temps, toujours dans le même sens, celui opposé aux principes de prudence comptable, c'est devenu chez nous une perversion d'État.

Troisième point : nos systèmes d'information sont aujourd'hui – essayons d'être positifs – toujours en gestation. Donnons encore une fois la parole à la Cour des comptes, dont la mission constitutionnelle est d'éclairer le Parlement : « Les conditions dans lesquelles ont été établis les comptes de l'exercice 2006 ne sont pas satisfaisantes. Elles ont pâti des importantes lacunes et des défaillances des systèmes d'information dont il est à craindre qu'elles ne puissent être qu'imparfaitement corrigées, au plan technique, d'ici la mise en place du projet CHORUS, qui ne devrait s'amorcer qu'à compter de 2009. » J'ai soulevé ce problème l'an dernier ; et l'année d'avant également.

Enfin, je voudrais insister sur la donnée fondamentale de nos finances publiques, c'est-à-dire sur la question cruciale du financement des retraites des fonctionnaires. Je me souviens d'un graphique saisissant qui nous avait été présenté, en 2002, par MM. Mer et Lambert, vos prédécesseurs, nous montrant que, si nous ne faisions rien, toutes choses égales par ailleurs, la part des charges de fonction publique dans les dépenses de l'État passerait théoriquement de 44 % à près du double à l'horizon de 2040. Cela reste d'ailleurs relativement vrai, même si on peut atténuer quelque peu cette projection. J'avoue ne pas très bien comprendre pourquoi le Gouvernement, compte tenu des conclusions qu'il en tire, n'expose pas plus clairement cette donnée fondamentale et malheureusement incontestable de nos finances publiques. Je trouve d'ailleurs toujours que, même si des progrès ont été accomplis, l'analyse de ce problème dans les documents qui nous sont présentés n'est pas suffisamment mise en valeur.

Il est vrai que, compte tenu du montant, presque équivalent à celui de la dette explicite de l'État, des engagements de retraite des fonctionnaires, il vaut peut-être mieux ne pas insister sur cette réalité de peur de voir en particulier la position de l'Union européenne sur le traitement de la dette implicite dans le calcul du déficit des comptes publics se modifier. Quel serait notre ratio dette publique sur PIB si l'on intégrait l'engagement de retraite des fonctionnaires ? À tout le moins, le débat parlementaire sur nos évolutions à moyen terme devrait partir de cette donnée fondamentale. Je remarque que les choses n'ont pas tendance à s'améliorer à cet égard : en 2002, la direction de la comptabilité publique, dans le rapport de présentation du compte général de l'administration des finances, évaluait le montant de cet engagement à 800 milliards d'euros pour un taux d'actualisation de 2 %, ce qui représentait environ 50 % du PIB ; pour 2006, le compte général de l'État – pour le même taux d'actualisation et selon la même méthode de calcul – évalue l'engagement à 1 031 milliards d'euros, ce qui représente bien davantage, de l'ordre de 60 % du PIB.

Telles sont les questions que je souhaite soulever et que je vais résumer, madame la ministre, monsieur le ministre. J'aimerais qu'au cours du débat, et dès sa réponse aux interventions de la discussion générale, le Gouvernement nous éclaire sur quatre points.

Premièrement, qu'en est-il de la réalité du déficit 2007, en particulier de l'évolution de la pratique des reports de dépenses sur l'exercice suivant ? Ce n'est pas un fantasme, c'est la Cour des comptes qui l'a affirmé pour l'exercice précédent, qui nous a expliqué qu'il y a eu des reports massifs si bien que l'on ne sait pas ce qui aurait dû être payé sur l'exercice en cours et qui a été reporté. Par conséquent, c'est une question fondamentale pour l'évaluation du déficit de l'année.

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