Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, une fois n'est pas coutume : si je prends de nouveau la parole, malgré l'usage, dans cette première partie de la discussion générale qui, à la demande de nos collègues du groupe socialiste, est consacrée à un débat sur les prélèvements obligatoires, c'est parce que je souhaite profiter de la présence du ministre chargé des comptes consolidés – qui embrasse donc à la fois les comptes de l'État et ceux de la sécurité sociale – pour évoquer quelques problèmes de cohérence générale dans l'évolution de nos prélèvements obligatoires.
Je partirai du point suivant : depuis une quinzaine d'années, on observe dans notre pays une stabilité proprement stupéfiante du niveau des prélèvements obligatoires, qui reste fixé autour de 44 % – un peu au-dessus ou au-dessous, selon les années. Cette stabilité étonnante de l'ensemble – impôts d'État, impôts locaux et cotisations sociales – recouvre cependant des mouvements très profonds : tandis que les impôts de l'État diminuent considérablement, les prélèvements destinés à la sécurité sociale et aux collectivités locales augmentent.
Pour ce qui est des collectivités locales, ce phénomène a deux causes. La première, ce sont évidemment les transferts de compétences, qui s'accompagnent de transferts de recettes. Nous avons voté une réforme de la Constitution pour garantir l'autonomie financière des collectivités locales et avons rompu, au cours de la précédente législature, avec les errements de la législature 1997-2002, où l'on avait supprimé de l'impôt local pour le remplacer par des dotations qui mettaient les collectivités locales entre les mains de l'État. Les transferts de dépenses sont désormais compensés par des transferts de ressources – TIPP et taxe spéciale sur les conventions d'assurance.
Pour ce qui est de la sécurité sociale, deux phénomènes se produisent : d'une part, on observe une dynamique des dépenses – par exemple pour les dépenses d'assurance maladie – et, d'autre part, l'État a mis en place une politique d'allègement du coût du travail qui prend aujourd'hui des proportions énormes et conduit à transférer, année après année, des parts de recettes de plus en plus importantes, qui figuraient auparavant dans le budget de l'État, vers le budget de la sécurité sociale.
Par exemple, en 2008, les collectivités locales bénéficieront d'un transfert de 1,3 milliard d'euros des recettes du budget de l'État vers leur propre budget, par l'intermédiaire de la TIPP et de la taxe sur les conventions d'assurance ; la sécurité sociale bénéficiera quant à elle d'un transfert de plus de 4 milliards d'euros, notamment en vertu de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, au titre de la compensation des exonérations des heures supplémentaires.
Ce mécanisme de transfert systématique des recettes de l'État vers les collectivités locales et la sécurité sociale soulève deux problèmes.
Le premier porte sur la nature des recettes à transférer. Pour prendre le seul exemple de la sécurité sociale, autant il paraît cohérent d'affecter aux dépenses d'assurance maladie les taxes sur l'alcool et le tabac, voire la TVA sur les produits pharmaceutiques, autant on peut s'interroger sur l'affectation de la taxe sur les salaires, ou sur celle de la contribution sociale sur les bénéfices. Si le mouvement se poursuit, faudra-t-il brancher un jour l'énorme tuyau de la TVA sur les comptes sociaux – ce qui serait particulièrement dangereux ? Compte tenu du rythme des transferts, il faut s'interroger sur la stratégie à suivre et déterminer quels sont les impôts qui doivent rester affectés à l'État.
Le deuxième problème, c'est le montant des recettes transférées, qui devient faramineux. Les transferts réalisés au bénéfice de la sécurité sociale s'élèvent aujourd'hui à 35 milliards d'euros, soit plus de la moitié du produit de l'impôt sur le revenu : 26 milliards au titre des allégements de charge, allégements Fillon ou exonérations sur les heures supplémentaires, le reste au titre de dépenses sociales dépourvues d'autre source de financement, comme le FFIPSA, financé à hauteur de 5 milliards d'euros par les taxes sur le tabac.
Je pose donc la question :…