Madame la ministre de l'économie, monsieur le ministre du budget, raisonner et disserter sur les prélèvements obligatoires, invoquer leur baisse n'a aucun sens si l'on ne s'interroge pas d'abord sur leur efficacité redistributive, environnementale et économique. Or les prélèvements obligatoires sont très loin d'être efficaces dans ces trois domaines.
Vous avez, madame la ministre, inversé la redistribution des richesses : maintenant, ce sont les ménages riches qui en bénéficient massivement. L'instrument majeur de cette inversion est la démolition de l'impôt progressif. Durant les deux dernières décennies, diverses mesures, en violation du principe énoncé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme, ont gravement affaibli le caractère redistributif du système fiscal français, et particulièrement depuis 2002.
Un vecteur majeur de redistribution est l'existence des services publics. En effet, ceux-ci rendent accessibles à toute la population des prestations de qualité sur tout le territoire, selon le principe d'égalité et gratuitement ou à des tarifs accessibles à tous. En France, les services publics sont très développés, notamment en matière de santé, d'éducation, de culture et de logement, et sont combinés avec un système de protection sociale qui garantit la solidarité entre générations, entre actifs et chômeurs, entre bien-portants et malades.
Madame la ministre, vous qui avez vécu aux États-Unis – ce qui n'est pas un péché en soi, ni nécessairement un avantage –, peut-être avez-vous vu le dernier film de Michael Moore, consacré au système de santé aux Etats-Unis. Je vous le recommande. Incontestablement, aux Etats-Unis, mieux vaut être jeune, riche et bien portant. En effet, lorsque vous êtes malade et pauvre, cela finit par abréger vos souffrances, parce que vous mourez plus vite.
Chez nous, l'importance des services publics est un puissant facteur de cohésion sociale et favorise l'intégration des populations les plus modestes, notamment des immigrés.
Dans l'offensive contre les services publics, la baisse du nombre d'agents est présentée comme un remède miracle à la hausse des prélèvements obligatoires. Mais, chers collègues de droite, si ces fonctionnaires et agents publics prétendument en surnombre sont aussi nombreux que vous l'affirmez, que chacun de vous dise publiquement – à nous, mais surtout à ses électeurs – quels sont les postes d'infirmière, d'enseignant, de magistrat, de policier ou de gendarme qu'il faut supprimer dans chacune de vos circonscriptions. Je suis sûr que la somme de vos propositions n'atteindra pas le chiffre des 22 000 postes à supprimer. Je suis même certain que la création de nouveaux postes serait réclamée.
Deuxième aspect : l'efficacité des prélèvements obligatoires en matière environnementale. De ce point de vue, notre pays est en retard. Notre fiscalité environnementale est squelettique, car les lobbies industriels – pétrolier, agricole, chimique ou automobile – s'opposent à son développement et le déroulement du Grenelle de l'environnement n'incite pas vraiment à l'optimisme en la matière.
Pourtant, la fiscalité environnementale est un levier important pour encourager les comportements vertueux et pénaliser les modes de production ou de consommation polluants ou générateurs de gaspillage.