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Intervention de Christophe Sirugue

Réunion du 1er juillet 2008 à 15h30
Rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue :

Je suis désolé, mais la question posée au travers de ce texte n'est pas celle de la fin des 35 heures ; elle nous serait posée de la même manière si nous en étions à 39, 40 ou, demain, 45 heures avec vos nouvelles mesures. En fait, vous proposez une déréglementation totale du travail, ce que, bien sûr, nous contestons dans la forme comme sur le fond.

La réduction du temps de travail est une orientation de société que nous revendiquons. Loin des positions caricaturales, personne ne peut nier que les négociations autour des 35 heures ont été un formidable révélateur. Elles nous ont d'abord appris que nous pouvions changer. On dit beaucoup que la société française est incapable d'évoluer, qu'elle est sclérosée, enfermée dans ses privilèges et ses habitudes, bonnes et moins bonnes. Eh bien, la réduction du temps de travail a montré que c'était inexact. La société française peut changer, et, en l'espèce, elle l'a fait de manière significative. En l'espace de quelques mois, les entreprises, petites, moyennes et grandes, ont modifié leurs règles de fonctionnement sur un point clef : les horaires de leurs personnels. Non seulement, elles ont changé leurs règles, leur organisation, mais elles ont obtenu de leurs salariés qu'ils changent leurs habitudes. Ce n'était certainement pas gagné d'avance !

Les 35 heures nous ont également révélé beaucoup de choses sur les pratiques des entreprises, car nous avons souvent observé un écart important entre les règles, le droit du travail, et les pratiques réelles. Dans nombre d'entreprises, le plus difficile a été, non pas de négocier la réduction du temps de travail, mais d'organiser le retour au respect du droit du travail.

Beaucoup se sont lancés dans une tentative de bilan et les positions sont aujourd'hui si tranchées qu'on a parfois l'impression que les 35 heures sont à l'origine de toutes nos difficultés. Si tel était le cas, je ne comprends pas, qu'alors que vous êtes au pouvoir depuis 2002, vous n'ayez pas engagé leur suppression plus promptement.

À ne vouloir regarder que ce qui plaide votre cause, vous en oubliez de reconnaître ce qui fait consensus. Avec la réduction du temps de travail, de nombreuses entreprises ont recruté du personnel : de 300 000 à 400 000 personnes, selon les sources. Mieux encore, selon l'organisme statistique européen, Eurostat, le taux de création d'emplois entre 1999 et 2001 a été de 50 % plus élevé en France que dans les autres pays européens. En définitive, la période 1998-2002 est celle au cours de laquelle l'emploi salarié a le plus progressé dans notre pays.

Deuxième enseignement : les 35 heures n'ont nullement bridé la croissance. C'est même entre 1998 et 2002 que le taux de croissance a été le plus important avec 2,7 % en moyenne annuelle, à comparer à la prévision de 1,6 % annoncée par l'INSEE pour 2008. Ni la productivité ni l'attractivité du territoire n'ont été en cause. On estime ainsi que la productivité horaire française est de 5 % supérieure à celle des États-Unis, dont on sait pourtant qu'ils ont réalisé d'importants gains de productivité. Ces remarquables progrès ont été obtenus, en France, grâce à l'intensification du travail mais également à des investissements en capital et à des efforts d'organisation. Les entreprises, confrontées au défi de produire autant avec une main-d'oeuvre réduite, ont investi dans des matériels nouveaux et rationalisé leur organisation. Cela a probablement contribué au recul du chômage puisque, on le sait, l'économie française a, pendant cette période, créé 2 millions d'emplois.

Votre réforme est surtout « historique » parce qu'elle menace plus que toute autre les droits des salariés. Regroupant en un même texte ce qui n'aurait pas dû l'être, vous nous proposez un projet de loi qui est à la fois la transcription de l'accord passé entre les partenaires sociaux dans le titre Ier – même si les amendements déposés par le rapporteur en commission ne manquent pas de nous interroger sur vos intentions réelles – et le développement d'une position idéologique issue de vos seules réflexions dans le titre II.

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