N'avez-vous donc pas suivi l'actualité ? Je vais vous rappeler la chronologie des événements. Le président de l'UMP, M. Devedjian, a d'abord exigé la fin des 35 heures. Puis M. Raffarin l'a contredit, en tenant des propos plus modérés. Enfin, M. Bertrand a été chargé de réaliser la synthèse – ce à quoi il n'est pas habitué – et de satisfaire, quoi qu'il en dise, les appétits du patronat en matière de temps de travail et de protection des salariés, dans leur vie professionnelle comme dans leur vie privée et familiale.
Vous savez que la quasi-totalité de nos débats portera sur les dispositions des articles 16, 17, 18 et 19. Vous connaissez également notre opposition totale à ces dispositions inacceptables, contre lesquelles l'ensemble des organisations représentatives des salariés, notamment les deux syndicats signataires, la CFDT et la CGT, sont vent debout.
Certaines dispositions ne peuvent pas, en effet, laisser indifférents les représentants de la nation, les législateurs, que nous sommes. Vous vous apprêtez ainsi à remettre en cause un principe essentiel du droit du travail français en inversant la hiérarchie des normes, puisque l'accord de branche deviendrait subsidiaire de l'accord d'entreprise. Votre texte dénonce également tous les accords précédents sur la durée du travail au 31 décembre 2009 ; or ceux-ci obéissaient la plupart du temps, vous l'oubliez trop facilement, à la règle majoritaire. Il donne aux employeurs la possibilité de se passer d'un accord avec les syndicats et de déréglementer le temps de travail soit par décision unilatérale, soit par convention de gré à gré : c'est l'opt out à la française. Quant aux forfaits-jours des cadres et salariés itinérants, ils ne seraient plus soumis au maximum de 218 jours par an : en l'absence d'accord d'entreprise ou de branche, ils pourraient être imposés par convention individuelle modifiant le contrat de travail. La France torpillerait ainsi les accords internationaux, notamment européens.
Vous dites, monsieur le ministre, vouloir bâtir une politique fondée sur la parole donnée et la retranscription intégrale des documents émanant d'une position commune ou d'un accord interprofessionnel – et à ce titre, vous avez maintes fois souligné, à l'Assemblée comme au Sénat, à quel point il était important pour le Parlement de ne pas toucher à la moindre virgule du texte issu de l'un de ces accords. Mais aujourd'hui, alors qu'une position commune a été signée par deux syndicats de salariés représentant la majorité des salariés à toutes les élections professionnelles et prud'homales, vous prenez fait et cause pour une position dictée par le dogmatisme et l'idéologie, que nous combattrons durant le débat à venir.
Il va sans dire que nous partageons le point de vue défendu par notre collègue Alain Vidalies et que nous voterons sans hésiter la motion qu'il a présentée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)