À cette occasion, la discussion générale du projet de loi avait donné lieu à de nombreuses réflexions sur une question centrale : quel peut être le rôle du législateur en matière sociale, dès lors que s'applique la loi qu'il a lui-même adoptée en janvier 2007 à l'initiative de Gérard Larcher – votre prédécesseur, monsieur le ministre, que vous me permettrez de saluer ici. Cette loi dispose qu'aucun sujet dont les partenaires sociaux doivent légitimement être saisis ne peut être traité dans cette enceinte sans qu'ils aient été préalablement sollicités pour, à tout le moins, dire leur avis, voire pour trouver une position partagée sur le sujet.
Cette fois encore, la question de savoir ce qu'est le réel pouvoir du législateur se pose, ce qui n'est d'ailleurs pas sans me surprendre, pour deux raisons. La première est que personne n'a sérieusement demandé au législateur de légiférer en amputant sa liberté en matière sociale dès lors que les partenaires sociaux auraient manifesté une volonté partagée.
On ne peut sérieusement demander au législateur de se brider en ces matières, faute de quoi il faudrait revoir la législation en vigueur sur le mandat impératif, interdit dans nos textes sans aucune exception. Le principe même de notre travail consiste donc à ce que nous transformions en toute liberté les textes qui nous sont proposés, sinon la réalité même du pouvoir législatif serait atteinte.
La seconde raison est qu'avec ce texte entre formellement dans notre droit la notion de démocratie sociale, pour l'heure réservée aux commentaires. « Démocratie sociale » est en effet le titre porté par ce projet, et cette entrée en fanfare dans la loi doit faire réfléchir le législateur. D'autant que les prochains textes sur lesquels nous serons amenés à travailler, relatifs à la formation professionnelle, à la pénibilité au travail chère à M. Juanico, à l'emploi des seniors ou à la médecine du travail, en plus des dispositions que nous nous apprêtons à renvoyer à la négociation entre les partenaires sociaux, nous replaceront dans une situation comparable.
J'ajoute que la situation des branches professionnelles devra nous permettre de traiter tous ces sujets selon cette modalité et que, sauf exception, les discussions se tiendront avec les syndicats actuellement représentatifs. Aussi serons-nous confrontés à un mode de procéder identique à celui que nous connaissons aujourd'hui. La question est donc posée à nouveau : jusqu'à quel point le Parlement est-il tenu par les accords conclus entre les partenaires sociaux ?
Premièrement, tous ces débats prennent place dans un mouvement lent et continu de rééquilibrage, dans le code du travail, entre la part législative et la part contractuelle, rééquilibrage dont les lois Auroux, en 1982, ont été un moment important. Les positions communes et les accords nationaux interprofessionnels doivent être reconnus pour ce qu'ils sont : pour les premières, des déclarations d'intention fermes, et, pour les seconds, de véritables textes d'application immédiate qui sont même parfois, d'après les analyses de certains experts, des quasi-règlements.
Deuxièmement, le rapprochement entre la démocratie politique et la démocratie sociale a été maintes fois signalé, la plupart du temps pour en préciser les limites – je pense notamment aux analyses de l'Institut supérieur du travail,…