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Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 1er juillet 2008 à 15h30
Archives archives du conseil constitutionnel — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi et d'un projet de loi organique

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le rapporteur, les projets de loi relatifs aux archives, que j'ai l'honneur de vous présenter au nom du Gouvernement et tout particulièrement de ma collègue Christine Albanel, visent à adapter la conservation et la communication de la mémoire de la nation aux exigences de notre temps.

Les délais actuels de communicabilité des archives ont été fixés il y a près de trente ans, par la loi du 3 janvier 1979. À l'époque, ces dispositions représentaient une avancée notable, mais aujourd'hui plusieurs d'entre elles paraissent inadaptées aux besoins des archivistes, des chercheurs, des généalogistes comme du grand public.

Ces deux projets de loi – organique, pour les archives du Conseil constitutionnel, et ordinaire – qui sont soumis pour la deuxième fois à votre examen, visent deux objectifs : ils facilitent et accélèrent l'accès de tous aux archives publiques, un sujet que beaucoup d'entre nous connaissent bien en tant que maires et élus locaux ; ils protègent les intérêts légitimes des citoyens, et notamment leur vie privée. En outre, ils renforcent les sanctions qui punissent les atteintes aux archives et, plus généralement, à tous les biens culturels.

S'agissant de la volonté d'ouverture des archives, le projet de loi ordinaire – dont le projet de loi organique transpose les principes aux archives du Conseil constitutionnel – répond à un souci de plus grande transparence. Il établit le principe de la libre communicabilité des archives publiques. Il supprime le délai minimum de communication qui, dans la loi de 1979, avait été fixé à trente ans. Désormais, chaque Français pourra consulter librement et immédiatement les archives publiques. Ce renversement de logique – la communication immédiate est le principe, la communication différée est l'exception – constitue un progrès considérable et, j'ose dire, historique.

De plus, le projet de loi réduit de façon très sensible les délais de communication des documents qui mettent en cause les secrets protégés par la loi. Ces dispositions, qui font l'objet de l'article 11 du projet de loi, ont été adoptées par le Sénat en seconde lecture dans des termes conformes à ceux que vous aviez vous-même approuvés. Elles constituent le coeur du projet et ont donné lieu à des échanges très constructifs – je dirai même exemplaires – entre le Gouvernement et les deux chambres du Parlement. J'en rappellerai brièvement les quatre principaux points.

Le premier concerne les archives dont la communication est susceptible de porter atteinte à la vie privée de nos concitoyens. Le texte adopté en seconde lecture par le Sénat, à l'issue des précédents échanges avec l'Assemblée nationale, ramène le délai de soixante à cinquante ans.

Le deuxième porte sur les archives dont la communication est susceptible de mettre en cause la sécurité des personnes. Le projet du Gouvernement envisageait, vous le savez, leur incommunicabilité perpétuelle. Il visait alors un objectif précis : protéger la sécurité physique des agents des services spéciaux et de leurs descendants. Cependant, la notion de « sécurité des personnes » pouvait donner lieu à une interprétation trop large, et le principe même d'une incommunicabilité de certaines archives ne peut être envisagé que de la façon la plus restrictive, lorsqu'elle se révèle absolument nécessaire.

De ce double point de vue, la solution que vous avez proposée lors de votre première lecture du texte – un délai de cent ans et une définition plus explicite des archives concernées – se révèle un compromis équilibré auquel le Gouvernement, puis le Sénat en seconde lecture, se sont pleinement ralliés. Ne seront donc incommunicables que les seules archives dont la divulgation pourrait permettre de concevoir, de fabriquer, d'utiliser ou de localiser des armes de destruction massive – nucléaires, biologiques, chimiques ou bactériologiques.

En troisième lieu, le Sénat avait d'abord fixé à soixante-quinze ans le délai applicable aux enquêtes statistiques qui ont trait aux faits et comportements d'ordre privé, et à cent ans le délai applicable aux recensements de la population. Je rappelle que le délai actuellement en vigueur est uniformément de cent ans pour toutes les statistiques qui se rapportent aux comportements privés – recensements compris –, sans dérogation possible. Le Gouvernement envisageait, pour sa part, de ramener ce délai à cinquante ans.

Vous avez, en première lecture, dégagé une solution de compromis, avec un délai unique de soixante-quinze ans applicable à toutes les enquêtes statistiques sur les comportements privés. Le Gouvernement s'y est rallié, ainsi que le Sénat en seconde lecture. Pour les statistiques en général, c'est-à-dire celles qui ne se rapportent pas aux comportements privés, c'est le délai le plus court prévu par le projet de loi, c'est-à-dire vingt-cinq ans, qui sera applicable.

Le quatrième et dernier point concerne les registres d'état civil. Le Gouvernement proposait de substituer une graduation au délai unique de cent ans actuellement en vigueur, en fixant pour les différents actes des délais distincts, proportionnés à l'atteinte susceptible d'être portée à la vie privée : cent ans pour les actes de naissance, cinquante ans pour les mariages, et une communication immédiate pour les décès.

En première lecture, le Sénat avait mis en avant des considérations de simplification du droit pour réunifier ces trois délais, à hauteur de soixante-quinze ans. Vous ne vous étiez écartés de cette approche que pour les actes de décès en proposant – comme dans le projet du Gouvernement – de les rendre immédiatement communicables. Là encore, le Gouvernement et le Sénat se sont ralliés à l'approche équilibrée que vous aviez dégagée.

Je tiens toutefois à préciser que, bien entendu, le délai de soixante-quinze ans prévu pour la communication des registres n'entraîne aucune conséquence s'agissant du versement de ces registres aux services d'archives. Ceux-ci resteront détenus par les services de l'état civil dans les mêmes conditions que précédemment. Ainsi, le raccourcissement des délais de communication ne se traduira pas, pour le citoyen, par l'apparition d'un nouveau facteur de complexité dans l'accès aux registres.

Autre but de ce texte : mieux protéger les archives publiques. Sur la question de la protection des archives, le texte comprend, comme vous le savez, deux séries principales de dispositions. La première concerne les archives des responsables politiques, dont le caractère public est réaffirmé. La seconde l'externalisation des archives courantes et intermédiaires.

Je ne reviendrai pas sur le détail de ces dispositions, que vous avez adoptées en première lecture dans des termes identiques à ceux du Sénat. Je ne reviendrai pas non plus en détail sur le renforcement des sanctions pénales. Vous avez adopté, dans les mêmes termes que le Sénat, le projet du Gouvernement de réprimer plus sévèrement le vol, le trafic, la destruction et la dégradation des archives, et plus généralement des biens culturels.

Au passage, je salue l'initiative prise par le Parlement de fixer, pour la première fois, des règles destinées à assurer la bonne conservation des archives des groupements de collectivités territoriales, et notamment des établissements publics de coopération intercommunale.

En conclusion, mesdames, messieurs les députés, les projets de loi sur les archives qui vous sont soumis aujourd'hui représentent un réel progrès en matière de transparence et de libertés publiques. Ce sont des textes équilibrés, qui modernisent en profondeur la gestion et la communication de notre mémoire nationale, tout en garantissant la nécessaire protection des intérêts relatifs à la vie privée des personnes et à la sûreté de l'État.

Il était temps d'offrir aux historiens, aux chercheurs, mais aussi aux millions de Français qui se passionnent pour la généalogie, ainsi qu'à tous nos concitoyens plus généralement, un dispositif digne d'un grand État, aussi soucieux de la transparence et du dynamisme de la recherche historique que de la protection de la vie privée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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