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Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 13 octobre 2008 à 16h00
Cour des comptes et chambres régionales des comptes — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti, rapporteur de la commission de lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat a modifié le 5 juin 2008 le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes adopté en première lecture par notre assemblée le 10 avril 2008.

Je vous rappelle que cette réforme vise à refondre entièrement les procédures juridictionnelles devant la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes. En effet, la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l'homme a critiqué la procédure en vigueur contestant son caractère équitable pour le justiciable et critiquant sa longueur excessive.

Afin de remédier à cette situation, le projet de loi clarifie les modalités d'ouverture des instances, en supprimant notamment l'auto-saisine des juridictions financières et en confiant un rôle central au ministère public. Il raccourcit également les procédures, en supprimant notamment la règle traditionnelle du « double arrêt » ou du « double jugement » et renforce l'équilibre de la procédure contentieuse en généralisant les audiences publiques contradictoires et en excluant le rapporteur et le ministère public du délibéré. Il modifie enfin les règles relatives aux amendes, en supprimant les remises gracieuses dans ce domaine.

Au cours des débats en première lecture, les deux chambres du Parlement ont manifesté leur accord sur les grandes orientations de cette réforme. Ainsi, après une lecture dans chaque assemblée, sur les trente-six articles que compte désormais le projet de loi, vingt-quatre ont été d'ores et déjà adoptés dans les mêmes termes. La navette ne porte donc plus que sur douze articles.

De nombreuses dispositions du projet de loi ne restent en discussion que pour des motifs purement rédactionnels. Néanmoins, quelques divergences se sont manifestées entre députés et sénateurs, d'une part sur la nouvelle procédure juridictionnelle applicable devant le juge financier, telle que prévue aux articles 11 et 21 et, d'autre part sur la modification du régime de la gestion de fait, aux articles 16 bis et 29 ter.

Les articles 11 et 21 du projet de loi, qui fixent la procédure juridictionnelle applicable respectivement devant la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, ont fait l'objet de modifications importantes au Sénat, s'agissant de la procédure de décharge des comptables publics à l'égard desquels le parquet n'a pas conclu à l'existence d'une charge. En première lecture, l'Assemblée nationale avait maintenu l'exigence d'une ordonnance rendue par le juge du siège pour qu'un comptable puisse être déchargé de sa gestion conformément aux conclusions du parquet, à l'issue de la phase initiale d'instruction. Elle avait en revanche, pour clarifier la procédure, supprimé la possibilité, laissée à l'ordonnateur et au comptable, de contester cette ordonnance de décharge devant la formation de jugement, car les voies de recours ordinaires paraissent suffisantes pour faire face à des contestations qui devraient rester très ponctuelles.

Bien que cela n'ait pas été la décision initiale de sa commission des lois, le Sénat a décidé de ramener de six à deux ans, à compter de la notification de l'examen des comptes, le délai de prescription permettant au comptable d'être déchargé d'office de sa gestion, à défaut d'ordonnance de décharge intervenue dans ce délai. Or cette solution risquerait, comme l'a remarqué le rapporteur Bernard Saugey, lors de l'examen du projet de loi par le Sénat, d'être plus favorable au comptable en cas de doute du magistrat du siège sur la régularité des comptes, doute ayant conduit à une absence de décharge, qu'en cas d'accord du siège comme du parquet sur cette régularité, accord ayant conduit le juge du siège à rendre une ordonnance de décharge. Ce serait paradoxal. En effet, la décharge par prescription ne pourrait faire l'objet d'aucun recours, contrairement à la décharge par ordonnance du président de la formation de jugement.

Pour tenter d'éviter que des situations de doutes ne conduisent à de tels effets juridiques, la commission des lois vous propose un amendement précisant que le président de la formation de jugement peut demander qu'un rapport complémentaire soit établi afin que le parquet décide, au vu de celui-ci, de lui transmettre de nouvelles conclusions retenant une charge à l'encontre du comptable ou, au contraire, de maintenir ses premières conclusions ne retenant aucune charge. Sans remettre en cause le monopole du parquet sur l'engagement des poursuites, cet aménagement ciblé permettrait de mieux prendre en compte l'hypothèse de réticences du juge du siège motivées par des anomalies comptables d'abord passées inaperçues.

Le Sénat n'a, en revanche, pas modifié la nouvelle procédure contentieuse applicable devant les juridictions financières, destinée à mieux prendre en compte les exigences d'équité et de transparence récemment rappelées par la Cour européenne des droits de l'homme et recherchées par ce texte. Un consensus politique entoure ainsi le choix du législateur de garantir lui-même la publicité des audiences, la collégialité des décisions, l'absence du rapporteur et du parquet au délibéré, ainsi que, comme l'avait décidé l'Assemblée nationale en première lecture, le droit de l'ordonnateur et du comptable qui le demandent d'accéder aux pièces du dossier. Ces garanties constituent une avancée importante pour mieux garantir le respect des règles de l'État de droit devant les juridictions non judiciaires et honorer ainsi les engagements de la France envers les autres États signataires de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Des divergences de vues entre les deux assemblées sont par ailleurs apparues sur la question importante de la gestion de fait.

Le Sénat a tout d'abord supprimé l'article 16 bis, introduit en première lecture à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Charles de Courson. Cet article avait pour objet de supprimer la procédure de reconnaissance d'utilité publique par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement concerné des dépenses ayant donné lieu à gestion de fait.

Cette procédure fait en effet l'objet de fortes critiques, liées à l'allongement des délais de jugement qu'elle induit et au caractère parfois politique des décisions de refus de reconnaissance de l'utilité publique de certaines dépenses.

Tout en reconnaissant le bien-fondé des critiques portées à l'encontre de la procédure actuelle, le Sénat a estimé que sa suppression porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, en permettant à la chambre régionale des comptes de se prononcer sur l'utilité publique de dépenses, en lieu et place de l'assemblée délibérante. En effet, le principe de l'autorisation budgétaire est un élément essentiel de la libre administration des collectivités territoriales.

Dans ces conditions, le Sénat a estimé préférable que cette question fasse l'objet d'un examen d'ensemble dans le cadre de la réforme annoncée des missions des juridictions financières et des règles relatives à la responsabilité des gestionnaires publics.

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