Les articles 47 et 48 peuvent apparaître comme des articles techniques ; ils sont en réalité extrêmement politiques. Ils touchent en effet à l'économie du cinéma, organisée comme une horlogerie de précision et dans laquelle il est de notre responsabilité de tout étudier et de tout discuter : depuis des décennies, rien n'a été modifié dans le dispositif sans que nous soyons au coeur de ces changements.
Or, vous nous proposez ni plus ni moins aujourd'hui que de confisquer ce débat et d'empêcher qu'il ait lieu ici même, malgré les affirmations émanant du CNC fin juillet et selon lesquelles la réforme prendrait la forme soit d'un projet de loi spécifiquement consacré au cinéma, soit d'un projet de loi rattaché à celui sur l'audiovisuel public.
Vous choisissez pourtant, madame la ministre, de procéder par ordonnance, ce qui revient à nous priver de ce débat et à empêcher le travail fructueux que nous aurions pu mener pour améliorer l'organisation de ce cinéma qui fait figure d'exception dans le monde, si l'on excepte les États-Unis.
Nous regrettons d'autant plus votre choix que nous avions interprété favorablement le transfert du recouvrement de la taxe sur le prix des entrées en salle au CNC, par lequel vous affirmiez l'autonomie de cette institution.
Pourquoi donc un tel passage en force, véritable pied de nez à nos institutions démocratiques et à notre assemblée ? Cela est d'autant plus regrettable que la période est propice aux attaques violentes contre le cinéma indépendant. Ainsi, au nom de la concurrence libre et non faussée, on assiste aujourd'hui à une offensive contre l'exploitation de salles par les collectivités locales. Les circuits et les multiplexes n'hésitent plus à traîner devant la justice les cinémas d'art et d'essai, au prétexte qu'ils rogneraient leurs parts de marché, ce qui est faux. C'est le principe même du soutien des aides publiques au cinéma que les multinationales des industries culturelles et du divertissement entendent abolir. Il y a là des équilibres que nous voulons voir perdurer, pour que notre cinéma demeure une exception et qu'il ne subisse pas le sort du cinéma italien, allemand ou britannique.