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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 24 octobre 2008 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2009 — Après l'article 15, amendement 155

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Avant de présenter mon amendement, je veux informer nos collègues – M. le ministre est sûrement déjà au courant – que M. Bernard Tapie est en train de négocier un forfait fiscal en Suisse ! Comme vous le voyez, les gens qui n'ont pas de morale, qui n'ont aucune fibre patriotique s'expatrient pour mettre à l'abri des revenus récents dont la moralité reste à établir…

Je veux par ailleurs mettre en garde les autorités helvétiques : si, en plus d'être un paradis fiscal et d'un paradis bancaire, la Suisse devient un repaire de personnalités à la moralité douteuse, je ne crois pas que cela contribue à améliorer le rayonnement d'un pays qui a déjà quelque difficulté à justifier ses pratiques !

J'en viens à l'amendement.

L'emploi précaire se généralise dans notre pays, en vertu du dogme, cher au MEDEF, de la flexibilité. Vos cadeaux fiscaux ont des conséquences sur les conditions de travail des salariés et sur leur santé.

Le CDI doit être le contrat de travail normal. Aussi notre amendement tend-il à taxer le travail précaire. Pour illustrer notre propos, je voudrais vous lire un extrait d'un excellent article publié le 30 mars dernier dans un non moins excellent quotidien régional, Ouest France, et intitulé : « Plongée dans le monde du travail précaire ».

« Suffit-il de travailler plus pour gagner plus ? Est-ce parce qu'ils ne se bougent pas assez que certains ne décollent jamais du SMIC ? Elsa Fayner, une journaliste de trente ans, a voulu expérimenter de l'intérieur les discours que l'on entend sur le monde du travail. Début 2007, après avoir allégé son CV, elle a cherché du travail à Lille, où elle a passé trois mois. Elle est devenue successivement télévendeuse, serveuse à la cafétéria d'un grand magasin de meubles, femme de ménage dans un hôtel de luxe.

« À la question : “Quand on cherche, on trouve, entend-on. Avez-vous trouvé facilement ?”, elle a répondu : “Oui, certains boulots sont tellement pénibles que les gens abandonnent vite. Dans les call centers notamment – les centres d'appel –,c'est le travail à la chaîne des Temps modernes. Pire même, parce qu'au lieu d'un contremaître, c'est un ordinateur qui surveille.” – Big Brother, nous y sommes ! “Je vendais des abonnements téléphoniques, il fallait passer 300 appels par jour, pour 100 conversations ! Les cadences étaient infernales, le management humiliant, infantilisant. Nous étions écoutés en permanence. Ceux qui réalisaient de bonnes ventes gagnaient des tickets à gratter et des pots de confiture ! Nous n'avions le droit d'aller aux toilettes qu'à certains moments. Quand quelqu'un réalisait une vente, des mains apparaissaient sur l'écran et tout le monde devait applaudir ! La fatigue mentale était terrible.”

« À la remarque : “Votre expérience la plus positive a été celle de la cafétéria. Pourtant, elle avait aussi ses revers”, la journaliste répond : “Oui, ils nous disaient que nous faisions partie d'une grande famille, nous poussaient à être polyvalents, responsables, autonomes... En fait, à la cafétéria, l'autonomie se borne à décider dans quel ordre vous accomplissez vos tâches ; est-ce que vous décongelez d'abord le poulet ou les saucisses ? La polyvalence fait que l'on ne maîtrise pas tous les postes, on passe sans gants de la caisse à la cuisine, on croit que l'autre a accompli la tâche et il ne l'a pas faite... Et surtout, l'état d'esprit famille est assez incompatible avec le temps partiel et les emplois du temps qui changent tous les quinze jours !” »

Je pourrais poursuivre la lecture de cet article, mais je ne veux pas abuser de mon temps de parole. Je tenais cependant à vous montrer où conduit la précarité de l'emploi ! Il s'agit de quelque chose qui se passe non pas en Corée du Sud ou au Japon, mais chez nous ! Les vies de ces salariés sont complètement déstabilisées, leurs salaires très faibles ne permettent pas de faire vivre une famille, et ils sont plus que d'autres touchés par des problèmes de stress et de santé.

Je vous invite donc à adopter l'amendement que nous vous proposons. Je suis persuadé que le rapporteur général, qui n'est pas insensible à ces problèmes, comprendra qu'il importe de changer la législation !

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