Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Georges Ginesta

Réunion du 12 novembre 2008 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2009 — Sécurité civile

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Ginesta, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, mes chers collègues, la sécurité civile représente un budget de plus de 5,5 milliards d'euros en France. L'État devrait supporter des dépenses à hauteur de 415 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2009 pour la mission « Sécurité civile » du ministère de l'intérieur, contre 418,4 millions d'euros en 2008. Il devrait dépenser près de 550 autres millions pour la sécurité civile dans les crédits des ministères tels, en particulier, que l'agriculture, l'écologie et la santé.

Plus de 4,2 milliards d'euros ont été dépensés par les services départementaux d'incendie et de secours, selon les comptes de gestion pour 2007 ; à quoi il faut ajouter les dépenses de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris – plus de 300 millions d'euros – et de la brigade des marins pompiers de Marseille – près de 100 millions d'euros.

Ces 5,5 milliards d'euros représentent beaucoup plus que ce que l'État consacre aux missions « Culture » – 2,8 milliards d'euros – ou « Agriculture » – 3,5 milliards d'euros - et proche de ce qu'il consacre au logement – 5,9 milliards d'euros – ou à la justice – 6,7 milliards d'euros.

S'agissant des crédits d'État de la sécurité civile, la programmation budgétaire pluriannuelle de 2009 à 2011 a été réalisée avec une relative stabilité des crédits, tout en finançant la rénovation du réseau national d'alerte et le renforcement des moyens de lutte contre les menaces terroristes et les risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques. L'État parvient donc à tenir ses dépenses à la différence des services départementaux d'incendie et de secours, dont les budgets augmentent fortement année après année.

Je tiens à souligner que, si les crédits de l'État sont minoritaires dans la sécurité civile, ils apportent cependant une contribution très précieuse, qu'il faut porter au crédit du Gouvernement.

La révision générale des politiques publiques a fait apparaître l'utilité de la mutualisation des bases d'hélicoptères de la sécurité civile et de la gendarmerie.

Le projet annuel de performances de la sécurité civile pour 2009 prévoit 448,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 421,5 millions d'euros en crédits de paiement. Le fonds d'aide à l'investissement des SDIS se voit doté de 24,4 millions d'euros. Il pratique encore trop le saupoudrage des crédits, au détriment de grands projets d'investissement structurants accordés aux SDIS qui font le plus d'efforts en matière de gestion.

Si les dépenses de carburant et de produit retardant ont été rebasées selon la moyenne de consommation des cinq dernières années, les colonnes de renfort et les secours d'extrême urgence ont été dotés de crédits qui ne permettraient pas de faire face à des crises graves comme la sécheresse de 2003 ou une saison feux de grande ampleur. Le Gouvernement devrait alors envisager un financement en dehors des crédits de la mission, par transfert entre missions, sur la réserve de budgétisation ou en loi de finances rectificative.

La coopération interministérielle doit être renforcée en utilisant notamment toutes les potentialités du document de politique transversale sur la sécurité civile, avec le ministère de l'intérieur comme chef de file. À la suite du discours du Président de la République le 29 septembre 2007, les services de secours à personneS – SDIS, SAMU et ambulanciers – ont convenu, le 25 juin dernier, d'un référentiel commun en vue d'une meilleure articulation et d'une plus grande maîtrise des coûts. Les SDIS exercent encore trop souvent des tâches de transport de victimes, qui pourraient être remplies par les SAMU ou les ambulanciers. Le référentiel commun devra donc être l'occasion de supprimer ces doublons.

Les comptes de gestion de 2007 des SDIS ont augmenté de 2 % par rapport à 2006. En raison de la rupture statistique intervenue en 2007, qui a remplacé les comptes administratifs par les comptes de gestion, ce taux d'évolution demandera à être vérifié et contrôlé. En 2008, les budgets primitifs des SDIS ont augmenté de 4 % par rapport aux budgets primitifs de 2007. Depuis 2001, date de l'achèvement de la départementalisation des SDIS, leurs dépenses ont augmenté de 45,8 %, alors que le nombre de leurs interventions a progressé de seulement 8,4 %. En nombre d'interventions des SDIS, les incendies ne s'élèvent qu'à 8 %, alors que le secours à victime et l'aide à personne en représentent 65 %. Les sapeurs-pompiers ne sont donc plus seulement les « soldats du feu » qu'ils ont été historiquement.

Les comptes de gestion de 2007 des SDIS montrent qu'en moyenne nationale leurs dépenses représentent un coût de 79 euros par habitant. Dans certains départements, la charge par habitant est supérieure à la taxe d'habitation pour une famille de quatre personnes. De telles augmentations rendent l'effort contributif de nos concitoyens difficilement supportable. Ces dépenses font défaut dans d'autres secteurs tout aussi prioritaires de l'action locale. Il faut maintenant faire une pause dans les dépenses.

Cette question du financement des SDIS mériterait de faire l'objet d'une évaluation par le Parlement.

En 2007, les effectifs des SDIS s'élèvaient à 38 700 sapeurs-pompiers professionnels, y compris les services de santé et de secours médical, soit 559 personnes de plus par rapport à l'année précédente. Il faut ajouter les effectifs des bataillons militaires de Paris – 7 792 – et de Marseille – 2 481. Le nombre de sapeurs-pompiers professionnels a augmenté de plus de 10 000 en dix ans.

Les casernes sont encore principalement organisées sur la base de gardes de vingt-quatre heures, alors qu'il y a peu d'interventions entre 23 heures et 6 heures du matin. Les sapeurs-pompiers professionnels effectuent en moyenne quatre-vingt-quinze gardes de vingt-quatre heures par an, ce qui fait qu'ils sont hors de leur lieu de travail 270 jours par an. Ce rythme de travail devra à l'évidence être revu ; on pourrait penser à des gardes de douze ou huit heures, ce qui, avec 1 607 heures de travail par an, donnerait respectivement 134 ou 200 jours ouvrés. Cela permettrait d'avoir une présence plus permanente de chacun des sapeurs-pompiers et moins de rupture de rythme.

De nombreux sapeurs-pompiers professionnels exercent des vacations – exonérées d'impôt – en tant que sapeurs-pompiers volontaires... Il y avait, de plus, un colonel et un lieutenant-colonel pour près de soixante-dix sapeurs-pompiers professionnels en 2007, ce qui fait un taux d'encadrement extrêmement élevé, si on le compare à celui de l'armée.

Particularité administrative de notre pays, la sécurité civile, grande politique régalienne, est définie au niveau national, alors qu'elle est gérée et financée par des structures dépendant des collectivités locales. Il serait irréel de se contenter d'examiner le milliard d'euros de dépenses de l'État, alors que plus de 4,6 milliards d'euros de dépenses des collectivités ne seraient pas mentionnés. Certes, il pourrait être rétorqué que les dépenses des SDIS relèvent de la responsabilité des conseils généraux, qui votent leurs budgets, mais un problème qui se reproduit cent fois dans cent départements différents, avec la même ampleur et les mêmes causes n'est pas un problème local, c'est un problème national. Et où mieux le traiter sinon au Parlement ?

La revue générale des politiques publiques ne s'est pas encore penchée sur l'architecture institutionnelle et la gouvernance de la sécurité civile dans notre pays. Je le regrette.

Force est, une fois de plus, de constater que notre système de sécurité civile n'est pas piloté. La loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 n'est pas appliquée sur plusieurs éléments fondamentaux. Certes, vingt-trois décrets d'application sur vingt-quatre ont été publiés, mais l'article 1er de cette loi n'est pas respecté. Il dispose en effet : « L'État est garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national II en définit la doctrine et coordonne ses moyens ». On ne peut pas parler de pilotage, si l'on se contente de définir la doctrine d'emploi et de coordonner les moyens opérationnels en se désintéressant du coût qu'ils représentent pour nos concitoyens.

La conférence nationale des services d'incendie et de secours n'a plus été réunie depuis décembre 2007. Elle le sera cependant bientôt.

Les regroupements de SDIS, qui permettraient une mutualisation des moyens et des achats, ne sont toujours pas intervenus.

Le décret du 31 décembre 2001 a prévu la création d'une commission nationale présidée par le ministre de l'intérieur chargée d'évaluer, avant le 1er juin 2007, l'impact des mesures relatives au régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels, s'agissant notamment des gardes de vingt-quatre heures. Le rapport final n'a toujours pas été présenté à la CNSIS.

L'article 129 de la loi de finances pour 2007, adopté à l'initiative de votre rapporteur spécial, devrait permettre l'instauration progressive d'une stratégie de performance des SDIS, sur le modèle de la LOLF, avec la définition d'objectifs et d'indicateurs permettant aux SDIS de se comparer entre eux.

LeLivre blanc sur la défense et la sécurité présenté en juin dernier propose d'étendre les compétences des préfets de zone de défense et de sécurité. Il faut saisir cette opportunité pour renforcer le rôle des préfets en matière de sécurité civile. L'État doit reprendre la main. Par son émiettement, la gestion des services d'incendie et de secours par les départements a montré les limites du système. La dérive budgétaire que nous constatons en est la conséquence.

Pour ce qui concerne le budget de l'État, et en conclusion, je vous invite à voter les crédits de la mission « Sécurité civile ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion